Quels sont les rapports de la volonté et de l'habitude ?
Publié le 22/06/2009
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Les anciens traités de psychologie faisaient entrer le chapitre concernant l'habitude dans la partie consacrée à la volonté. Au contraire, certains auteurs plus récents seraient portés à considérer l'habitude comme l'inverse de l'activité volontaire, à ne voir en elle qu'une activité mécanique, et, par suite, à la ranger à côté des mouvements réflexes ou automatiques. Que faut-il penser de ces diverses conceptions ? Quels rapports y a-t-il entre la volonté et l'habitude ? I Volonté et habitude nous laissent tout d'abord l'impression, considérées en elles-mêmes, de deux manières d'être ou d'agir essentiellement différentes; considérées dans l'action qu'elles exercent l'une sur l'autre, comme des forces opposées et antagonistes. N'est volontaire, en effet, que l'acte exécuté avec la connaissance du but poursuivi et des moyens mis en œuvre pour aboutir au résultat désiré. Ainsi, voulant faire cette dissertation et obtenir une note meilleure que celle que me mérita un travail antérieur, je me suis organisé, en tenant compte des recommandations qui me furent faites et de ce que m'a appris l'expérience.: j'ai longuement réfléchi sur le texte proposé, sachant combien il est fréquent de « passer à côté de la question «; une fois la question précisée, j'ai fait quelques lectures dans l'espoir de trouver un peu de lumière sur le problème à résoudre; enfin, connaissant la paresse naturelle de mon esprit, facilement disposé à recevoir et à assimiler, mais porté à esquiver l'effort nécessaire pour créer et pour produire, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai commencé à écrire.
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lesquels il hésite; si jamais il était acculé à prendre une décision grave, il serait à la merci du premier conseiller venu.En lui, l'habitude a supplanté la volonté.Voici maintenant, à l'opposé, le type de l'homme chez qui le développement de la volonté a presque supprimé lafaculté de contracter des habitudes.
C'est un officier qui s'est proposé pour un territoire à organiser et à purger desdissidents dans le Haut-Atlas.
Il dort quand il en a le temps, mange ce qu'il trouve, se repose en changeantd'occupation, se trouve constamment devant des problèmes imprévus qu'il résout comme il peut.
Que nous sommesloin de la routine bureaucratique ! Pour tenir dans ces avant-postes de la civilisation, il faut l'action inventive etnovatrice d'un esprit toujours en éveil et d'une volonté aussi souple que tendue.
Que ce chef de poste soit rappelédans une garnison de la métropole, il lui sera bien difficile de s'adapter aux corvées ennuyeuses et faciles devenuespour ses camarades d'école un passe-temps nécessaire.
Il piaffe d'impatience et, au bout de quelques mois, ayantvainement essayé de rénover des méthodes qu'il juge surannées, il demande à rejoindre son Atlas sauvage.
Ledéveloppement de sa volonté semble avoir supprimé en lui le pouvoir de s'adapter dans une vie enserrée dans uncadre d'habitudes.Ainsi, habitude et volonté paraissent comme les deux pôles opposés de la vie de l'esprit, deux forces antagonistesqui se disputent la prééminence.
Et comme la volonté seule est spécifiquement humaine, tandis que l'habitude estun mode d'être ou d'agir commun à tous les êtres vivants, le mot d'ordre à donner à qui veut développer en soil'humaine nature devrait être.
celui-ci : cultivez en vous la faculté de vouloir, mais gardez-vous, comme du plusgrand obstacle à votre progrès, de toute habitude; que toute votre activité soit toujours commandée par lavolonté.
II
Ce mot d'ordre est en contradiction flagrante avec l'enseignement de tous les éducateurs, écho de la sagesse dessiècles, qui nous recommandent de prendre le plus de bonnes habitudes possible.
Cette remarque doit nous fairesoupçonner que nous n'avons pas fait de l'objet de notre étude une analyse complète et qu'il y a d'autres points devue à considérer.Habitude et volonté ne sont peut-être pas aussi dissemblables qu'on le pense, et l'action qu'elles exercent l'une surl'autre n'est peut-être pas nécessairement une action destructrice.Il est essentiel à l'acte volontaire d'être conçu et dirigé par l'intelligence; un acte qui serait exécuté sansintervention de pensée ne pourrait être attribué à la volonté.
Mais il n'est pas nécessaire, pour qu'une action puisseêtre dite volontaire, que tous les éléments qu'elle comporte soient, chaque fois, étudiés avec précision, réfléchisdans le moindre détail.
Le chirurgien novice qui prépare une opération revoit avec soin l'anatomie de la partie ducorps dans laquelle il doit intervenir, détermine le lieu et la forme des incisions; au cours de la séance opératoire,son esprit est complètement absorbé par l'examen des organes que son intervention met à nu.
Dirons-nous qu'il amanifesté plus de volonté que le vieux praticien qui, comme en se jouant, en quelques coups rapides et décidés, atranché dans les chairs et atteint l'organe qui réclamait ses soins ? Au contraire, on trouvera que la prudentelenteur du jeune chirurgien témoigne d'une volonté qui n'est pas encore assez forte, et on hésitera à se confier àlui.
Un acte volontaire est donc dirigé par l'esprit, mais il n'est pas nécessaire que l'esprit soit tout entier appliqué àson exécution.
Il suffit qu'on «e soit représenté le but et que, une fois pour toutes, on ait déterminé les moyens :l'habitude, contrôlée par une attention diffuse, fait le reste.En effet, il n'est nullement nécessaire, pour qu'un acte mérite le qualificatif de volontaire, qu'il soit difficile.
Sansdoute, la difficulté vaincue peut montrer qu'il y a eu volonté et non activité automatique : ainsi l'effort que je doisfaire pour me lever le matin me confirme que c'est pour un motif rationnel et non par abandon à mon penchantnaturel que je sors de mon lit.
Mais un acte n'en est pas moins volontaire pour être fait sans effort : ainsi, biensouvent, c'est sans effort que le juge porte son verdict, et personne ne songera à déclarer son acte involontaire.Bien plus, la difficulté éprouvée montre que l'action n'est pas parfaitement volontaire : j'ai beau faire tous les effortspossibles, je ne voudrai jamais autant de bien à un ennemi qu'à celui qui m'est naturellement sympathique; lavolonté n'est totale que lorsque l'objet vers lequel elle se porte nous paraît totalement bon.L'acte volontaire n'est donc pas le résultat d'une activité intellectuelle crispée sur elle-même, sans facilité et sansaisance, sans rien de l'habitude.Réciproquement, il serait erroné de concevoir l'habitude comme un mode d'être totalement passif ou un mode d'agirpurement mécanique, bref comme l'antithèse de la volonté.L'action habituelle ne se réduit pas à de purs réflexes, sans la moindre pensée, sans l'intention la plus vague.
Prenezl'opération qui vous paraît la plus mécanique, par exemple la récitation d'une prière dite des milliers de fois ou lesmouvements de la tricoteuse.
Si vous essayez d'exécuter, tout en vous livrant à un calcul mental difficile, un de cesactes qui paraissent se dérouler machinalement, vous commettrez, ici ou là, quelque erreur : il n'y a de bonfonctionnement de l'automatisme psychologique que grâce à une attention diffuse et au contrôle inconscient del'esprit.
D'ailleurs, si les mouvements élémentaires que l'analyse discerne dans les opérations habituelles sont, dansune grande mesure, stéréotypés, il n'en est pas de même de leur groupement.
Nous utilisons toujours les mêmesmots, et la plupart de nos formules ne sont que des clichés : mais ces clichés sont groupés différemment suivant lescirconstances, et on pourrait faire consister l'art ou l'habitude d'écrire dans le talent d'utiliser opportunément le motou le cliché connus de tous.
Ainsi l'apprentissage consiste bien à multiplier les automatismes, mais encore plus àacquérir la faculté de choisir, parmi les automatismes acquis, celui que la réflexion nous ferait choisir.
Bref, laperfection de l'habitude serait, non pas de se passer d'intelligence, mais, au contraire, d'en pénétrer si intimementnotre activité spontanée que nous n'ayons plus besoin d'y faire appel; de rendre son exercice si aisé qu'il devienneinconscient.La perfection de l'habitude ne consiste pas davantage dans la suppression de tout effort : l'habitude de faire effortet de le maintenir compte parmi les plus importantes.
De plus, cette habitude de l'effort se rencontre, quand on saitbien observer, dans un très grand nombre d'autres habitudes fort diverses.
Il reste un certain effort chez le.
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