Quels sont les obstacles à la constitution d'une science objective dans les sciences humaines ?
Publié le 25/06/2009
Extrait du document
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par exemple, sur la foi ou le sentiment religieux d'une population déterminée, le sociologue ne cherchera pas àpénétrer les consciences.
Il se souciera et dressera des statistiques des seules modalités de comportement qui,d'ordinaire, en constituent une manifestation : pratique religieuse, attitude aux offices, composition de labibliothèque, présence ou absence d'emblèmes ou tableaux religieux dans l'appartement...
On aboutit ainsi à desdonnées objectives qui doivent pouvoir fonder une science objective elle aussi.Mais il reste à se demander si une science de ce genre mériterait le qualificatif d' « humaine », car l'humain estessentiellement d'ordre psychologique.
Sans doute, le comportement extérieur le suggère, mais à la condition d'êtreinterprété.
Or il ne peut l'être qu'en se référant à des expériences personnelles suspectes de toutes les déficiencesde la psychologie subjective.
D'autre part, la valeur de cette interprétation est, elle aussi, fort suspecte,dépendante qu'elle est de ce que les astronomes appellent l'équation personnelle, bien plus importante, évidemment,dans les sciences humaines qu'en astronomie.C'est le second grand obstacle à l'objectivité des sciences humaines dont, bien que nous y ayons déjà touché, ilnous reste à traiter.
II.
— DANS L'ÉTUDE QUE L'ON EN FAIT
Le psychologue, le sociologue, l'historien, l'économiste...
diffèrent essentiellement des machines que la cybernétiquemet à la disposition des savants : celles-ci enregistrent passivement et fidèlement les faits ; à condition qu'on leurfournisse des données identiques, elles en tirent automatiquement les mêmes conséquences.
Leur objectivité estparfaite, parce qu'elles sont dépourvues de toute subjectivité, de toute conscience.
Le savant, au contraire, toutcomme les travailleurs qui se pressent dans la rue à l'heure de l'ouverture des bureaux et des ateliers, sont desêtres conscients avec des intérêts personnels qui diffèrent de l'un à l'autre.
C'est là une sorte de lest qu'il ne peutpas, comme l'aéronaute, jeter par-dessus bord : inévitablement, ce lest continue à peser sur son travailscientifique.
A.
Il y a d'abord, le poids du passé : la formation reçue, les habitudes prises, les préjugés, particulièrement tenaceset inconscients dans le domaine des choses humaines...
On a dit qu'il n'y avait guère de perception sanspréperceptions.
La remarque n'est pas totalement fausse de l'observateur scientifique ; bien plus, son savoir lui-même peut constituer ce que Bachelard appelle un obstacle épistémologique » qui lui rend plus difficile qu'aux autresd'observer et de raisonner avec une objectivité rigoureuse.
B.
Notons, en second lieu, le poids de l'avenir.
C'est l'avenir ambitionné, a-t-on dit, qui commande, chez l'historien,ses conceptions historiques du passé.
Il en est à plus forte raison de même des conceptions économiques etpolitiques.
Il suffit d'ailleurs que le savant ait lancé une hypothèse pour que le désir de la voir confirmée influe surl'organisation et l'interprétation des faits susceptibles de la contrôler, comme sur l'appréciation des travaux inspiréspar d'autres vues.Dans l'étude du réel humain interviennent des éléments de notre passé et de ce que nous voudrions être notreavenir : elle est donc inévitablement affectée de subjectivisme.
Conclusion. — Si l'objectivité des sciences de la nature est inaccessible aux sciences humaines, c'est précisément parce qu'elles sont humaines.
La conscience est un élément essentiel de leur objet qui, par le fait même, s'affected'une subjectivité qu'il est impossible de réduire totalement.Le plus étonnant n'est pas qu'elles ne puissent atteindre l'objectivité de la physique ou de la chimie ; c'est que,malgré les obstacles qui s'opposent à la réalisation de cet idéal, elles soient parvenues à se [aire reconnaître commesciences véritables..
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