QUELQUES ASPECTS PHILOSOPHIQUES DU PROBLÈME DU SENS (CORRÉLATION : LE LANGAGE).
Publié le 06/04/2014
Extrait du document
• La science, à l'opposé. s'efforce de réduire toute la charge affective
des mots, toute leur équivocité symbolique, pour les ramener à l'univocité
rigoureuse d'un concept épuré, débarrassé de ses connotations
affectives. Cet effort de rationalisation du langage a conduit les savants
à forger une langue formelle, entièrement faite de conventions desti·
nées à une expression claire de la pensée, à une définition stricte des
valeurs et des signes. La démarche scientifique doit se débarrasser de
l'obstacle verbal, qui réside dans une association très forte entre un
mot et un « complexe d'images « fortement ancré dans le psychisme.
(Cf. La formation de l'esprit scientifique, de Bachelard, chapitre IV :
«Un exemple d'obstacle verbal : l'éponge«, et notamment deux passages
très caractéristiques :
«
que, de la recherche du vrai et de son utilisation philosophique, consti tuent des objets de réflexion qui ancrent tout discours dans une exi gence de rigueur, mais aussi le questionnent quant à son enjeu, à sa portée.
Cet espace de réflexion prolonge la question du langage dans une recherche inquiète du sens (direction, but et signification tout à la
fois).
-
Là encore.
l'épistémologie critique a beaucoup à nous appren dre, qui dépsychologise le sens des phénomènes en démasquant toutes les projections par lesquelles nous croyons connaître un sens objective ment défini, alors que nous ne faisons que nous reconnaître, c'est-à dire saisir dans les choses ce que nous y avons mis nous-mêmes sur le
plan affectif.
La signification objective des phénomènes n'a rien d'un témoignage ou d'une confidence.
Elle doit être construite à partir d'une rupture radicale avec ce que la subjectivité nous suggère.
- Cheminer du sens vers la vérité.
construire l'objectivité contre l'objet immédiat (cf.
Bachelard.
Psychanalyse du feu).
c'est donc «dé senclaver » l'explication de la subjectivité humaine, refuser aussi bien les séductions d'un faux savoir qui se dissimule sous les mots que la
confusion caractéristique entre sécurisation et recherche de la vérité.
- Le mot et la chose : les « axes inverses » de la poésie et de la science.
Pour préciser les distinctions qui viennent d'être faites, on peut examiner deux types de rapports très différents entre les mots et les choses : celui que suscite la poésie (articulée sur l'inconscient, la rêve rie, et « l'imagination matérielle ») et celui que réélabore la démarche scientifique (dans son effort pour neutraliser «l'obstacle verbal».
c'est à-dire le complexe de projections affectives et d'images familières dont le mot est souvent porteur).
Pour l'ensemble d'une telle analyse, on se
reportera à trois ouvrages décisifs de Gaston Bachelard : La poétique de la rêverie (Éditions Presses Universitaires de France) ; La Psychana lyse du feu (Éditions Gallimard, collection Idées) et surtout La formation de l'esprit scientifique (Éditions Vrin, plus particulièrement le chapitre intitulé « L'obstacle verbal »).
• L'imagination poétique s'articule sur l'imagination matérielle, c'est à-dire sur le complexe de rêveries et de sentiments cristallisés qui, dès
la petite enfance, façonnent la subjectivité humaine et son mode de relation immédiat au réel.
(Cf.
sur ce point le texte intégral de la Psy chanalyse du feu, Éditions Idées-Gallimard.) La fécondité de cette ima gination consiste en une création continuelle de nouvelles images, dont la prolifération est recherchée pour ce qu'on appelle r effet poétique.
Si une des missions de la poésie a toujours été de faire rêver, cette idée a surtout pris toute sa force depuis Baudelaire, Rimbaud, les surréalistes, et notamment, plus près de nous, Paul Éluard.
Pour ce dernier.
la poésie doit être un tremplin vers le rêve.
Dans un admirable texte (Les sentiers de la poésie) Paul Éluard semble faire écho à Lautréamont, qui disait : « La poésie de demain sera faite par tous.
» Pour que le mot, la phrase, le poème « provoquent » efficacement au rêve, il est nécessaire que le langage garde toute sa « charge affective », toute son équivo-
142.
»
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