Quelles sont les conditions d'une science de l'histoire ?
Publié le 01/04/2004
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- III. LES IDÉOLOGIES DE L'HISTOIRE
L'histoire devient science à partir du moment où l'on perçoit un sens aux événements, événements qui deviennent la preuve (rétrospective) de ce sens. Hegel : la Raison gouverne le monde. Tout est rationnel donc tout est sens. La Raison gouverne le monde. (La Raison dans l'histoire) Selon Hegel, l'histoire est rationnelle. Certes l'histoire apparente nous montre le spectacle de la violence et du désordre mais il faut se référer à l'histoire profonde qui manifeste la Raison. Celle-ci n'est pas un principe purement individuel mais une puissance spirituelle immanente à l'Univers. Elle utilise comme instrument les passions humaines. Hegel nomme cette utilisation "la ruse de la Raison" "L'Histoire est la réalisation de l'idée de liberté.
L'historien est quelqu'un qui enquête, qui recherche, qui comprend et qui relate ce qu'il a appris. Mais cette relation, repose-telle sur des faits historiques scientifiquement prouvés, indubitables? Le fait historique est par définition un fait passé et unique. Seule la répétition de faits peut donner naissance à une loi, à une théorie scientifique. A quelles conditions le fait historique peut-il devenir loi?
«
"L'Histoire est la réalisation de l'idée de liberté." HEGEL
La formule exacte qui figure dans les « Leçons sur la philosophie de l'histoire »(1837) est : « L'histoire universelle présente le développement de laconscience qu'a l'esprit de la liberté, et de la réalisation produite par une telleconscience.
»Dans ce texte formé de notes de cours, Hegel signe la première grandephilosophie de l'histoire, en prétendant montrer que l'ensemble du passéhumain n'est pas livré au hasard, mais présente une rationalité et unenécessité que l'on peut ressaisir.Progressant dans la voie ouverte par Kant, Hegel propose une sorte derévolution en faisant de l'histoire un des objets centraux de la philosophie.Aristote affirmait dans la « Poétique » : « La poésie est plus philosophique etplus noble que la chronique.
» En effet, selon lui, alors que l'auteurdramatique construit une intrigue cohérente et logique, l'historien décrit cequi se passe effectivement, et qui semble livré à la contingence.
Contre cettevision traditionnelle, Hegel, plus encore que Kant, tente de saisir l'histoirecomme digne de l'étude philosophique, c'est-à-dire comme rationnelle.Hegel affirme d'entrée de jeu : « La seule idée qu'apporte la philosophie estcette simple idée que la raison gouverne le monde, et que par suite l'histoireuniverselle est rationnelle.
» La scène du monde ne présente pas un chaosd'événements livrés au hasard et au caprice ; elle est rationnelle, ce quisignifie aussi que les événements, les guerres, etc.
sont gouvernés par la nécessité.
« De l'étude de l'histoireuniverselle même doit résulter que tout s'y est passé rationnellement, qu'elle a été la marche rationnelle, nécessairede l'esprit universel.
»Cette nécessité est pour Hegel le développement de la conscience de la liberté et sa réalisation au sein de l'Etat.
«L'histoire universelle est le progrès dans la conscience de la liberté, progrès dont nous avons à reconnaître lanécessité.
»Qu'est-ce à dire ? Ce qui caractérise l'homme, l'esprit, est la liberté.
L'histoire est le temps nécessaire pour que,d'une part l'homme prenne conscience de cette liberté, pour que l'esprit parvienne à la connaissance que : «L'homme en tant qu'homme est libre », et que, d'autre part, cette connaissance se concrétise dans le monde, sedonne la forme politique qui lui correspond.
Ainsi Hegel propose-t-il une périodisation de l'histoire humaine, où l'Idéede liberté, présente dès le départ, se déploie, s'éprouve et se réalise.« Les Orientaux ne savent pas encore que l'esprit ou l'homme en tant que tel est en soi libre ; parce qu'ils ne lesavent pas, ils ne le sont pas ; ils savent uniquement qu'un seul est libre [...] Cet unique n'est donc qu'un despoteet non un homme libre.
»Cela signifie d'une part que l'Idée de liberté, même sous forme unilatérale et frustre (un seul est libre), est présentedès le départ, mais, de plus, que la conscience détermine l'être : ne pas se savoir libre, c'est ne pas pouvoir l'être,et qu'enfin à toute conscience de la liberté correspond une forme politique adéquate, ici le despotisme.Selon le déploiement de la conscience de la liberté, chez un autre peuple se manifestera une phase plus haut, plusdéveloppée de l'Idée de liberté.« Chez les Grecs s'est d'abord levée la conscience de la liberté, c'est pourquoi ils furent libres, mais eux, aussi bienque les Romains, savaient seulement que quelques-uns sont libres, non l'homme en tant que tel.
Cela même Platon &Aristote ne le savaient pas ; c'est pourquoi [...] les Grecs ont eu des esclaves desquels dépendaient leur vie maisleur belle liberté.
»Cette phrase implique d'autres conséquences, aussi essentielles.
La philosophie est fille de son temps.
Ainsi mêmedes philosophes aussi prestigieux que Platon et Aristote ne pouvaient « sauter par-dessus leur temps » etcomprendre que l'homme en tant qu'homme est libre.La philosophie ne fait que tirer au clair, rationaliser, comprendre la nécessité et les failles de ce qui est.
On nesaurait condamner plus fermement le mépris du présent et les créations d'Utopie.
mais on commence aussi àcomprendre ce qui fait passer d'une phrase à une autre de l'histoire : c'est la contradiction qui se manifeste dans laconscience que les hommes ont de la liberté, et par suite, dans la forme étatique qui en résulte.
Ainsi la belle libertégrecque, cette forme unique qu'est la « polis » se voit dépendante des esclaves, c'est-à-dire de son contraire : laservilité.En fin c'est dans le christianisme qu'émerge la conscience que « l'homme en tant qu'homme est libre, que la libertéuniverselle constitue sa nature propre ».
Cependant cette connaissance reste d'abord confinée dans la sphèreintime de la religion (par exemple l'esclavage ne disparaît pas).
La tâche politique moderne est de transformer cetteconscience en réalité, c'est-à-dire de la prendre pour fondement de l'ordre juridique et étatique (comme laRévolution française a tenté de le faire, en ^laçant la liberté et l'égalité pour fondements de son régime).
Ainsi, «Cette application du principe aux affaires du monde, la transformation et la pénétration par lui de la condition dumonde, voilà le long processus qui constitue l'histoire elle-même.
»
On comprend dès lors, en partie, pourquoi « L'histoire présente le développement de la conscience qu'a l'esprit, etde la réalisation produite par une telle conscience.
»On peut déduire de tout cela deux points centraux.• D'abord, la philosophie de Hegel est idéaliste.
Non pas au sens trivial (selon lequel serait idéaliste celui qui auraitdes idéaux) ; bien au contraire, cet idéalisme est méprisé et dénigré par Hegel.
Mais au sens vrai : c'est laconscience qui est première et qui détermine l'être.
L'idée de liberté est première et la tâche historique est d'abordle déploiement de sa forme initiale et unilatérale jusqu'à sa vérité, ensuite sa réalisation concrète dans le monde..
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