Quelles sont les caractéristiques de l'art moderne ?
Publié le 10/01/2010
Extrait du document
«
forcément rompre tout lien avec le réel, tirent d'elles-mêmes le principe de leur beauté.
Les formes, du coup, avecMonet, s'estompent dans le jeu répété des nuances et des couleurs.
Elles éclatent, de Cézanne au cubisme,obligeant le modèle ou l'objet à l'exposition simultanée et impossible de tous ses profils.
Elles s'affirment enfin libresde toute attache à un sujet désormais introuvable, lorsque, à la suite de Kandinsky, la peinture se résout à devenirabstraite.
Rupture sociale
A rompre ainsi avec son propre passé pour s'aventurer sur des voies jusqu'alors inexplorées, les artistes modernesont souvent pris le risque de trancher tous les liens qui les arrimaient au monde environnant et à la société àlaquelle, pourtant, ils appartenaient.De manière très nette, à la fin du XIXe siècle, l'art le plus novateur s'est tout d'abord soustrait aux contraintes dugoût majoritaire.
On a assisté à une dissociation entre l'esthétique que cherchaient à produire les artistes et cellequ'était prêt à consommer le public de leur temps.
L'art va délibérément à contre-courant de l'idéologie et du goûtdominant.
Manet et Wagner font scandale, Van Gogh sombre dans l'indifférence.
Mallarmé ne tire des lecteurs qu'unsourire de commisération.
Baudelaire et Flaubert sont traînés la même année devant les tribunaux bourgeois quimontrent là un grand sens littéraire d'avoir su saisir, dans la production de 1857, les deux grandes œuvres qui, l'unedans le domaine de la poésie — Les Fleurs du Mal — l'autre dans le domaine du roman — Madame Bovary — révèlentl'envers véritable de la société bourgeoise.Baudelaire écrit alors dans ses Journaux intimes :«Tous les imbéciles de la Bourgeoisie qui prononcent sans cesse les mots: "immoral, immoralité, moralité dans l'art"et autres bêtises, me font penser à Louise Villedieu, putain à cinq francs, qui «raccompagnant une fois au Louvre,où elle n'était jamais allée, se mit à rougir, à se couvrir le visage, et me tirant à chaque instant par la manche, medemandait devant les statues et les tableaux immortels, comment on pouvait étaler publiquement de pareillesindécences.
»
Le procès de l'artiste est ouvert.
On le calomnie pour son immoralité ou pour l'imposture qui inévitablement sedissimulerait derrière ses audaces.
Rappelons que le temps n'est pas très loin où le plus grand artiste du XXe siècle— Pablo Picasso — était communément tenu pour un barbouilleur doublé d'un escroc.
La mort de l'art
Quel a été le résultat de ce processus de rupture dans lequel l'art moderne s'est engagé? On a pu présenter notretemps comme celui de la mort de l'art.
Non content de rompre avec tout ce qui l'avait fondé, l'art se serait défini parle projet d'en finir avec lui-même.
Que faut-il entendre exactement par là?La mort de l'art a d'abord été l'un des mots d'ordre de l'art du XXe siècle.
L'origine de celui-ci est sans doute àchercher dans le dadaïsme qui, fondé à Zurich pendant la Première Guerre mondiale, se proposait comme horizon lanégation de toute valeur et de toute réalité, y compris l'art et le dadaïsme eux-mêmes.
L'art devait donc participerde cette négation iconoclaste, de cette dérision totale que traduit à la perfection le geste de Marcel Duchampenvoyant, en 1917, au Salon des Indépendants de New York, un urinoir pour y être exposé sous le titre de «Fontaine ».Cette volonté de négation sans appel fut reprise dans les années 1950-1960 par une série d'artistes qui cherchèrentà abolir l'art en abolissant toute distinction entre l'art et la réalité.
D'où des œuvres stimulantes et déroutantes maisqui n'ont d'autre valeur que celle de la surprise qu'elles produisent, de la provocation à laquelle elles aspirent.Simple jeu? Peut-être, mais Picasso invitait à se méfier des gens qui prétendent en finir avec l'art car, disait-il, iln'est pas exclu que ce soit là leur but véritable.Il ne s'agit pas ici de reprendre le lassant refrain selon lequel, décadente, notre époque serait impuissante àsécréter un art digne de ce nom, mais de constater que l'art moderne, dans ses percées les plus audacieuses et lesplus intéressantes, s'est voulu réflexion constante sur lui-même et jeu perpétuel sur la possibilité de sa propredisparition.
La poésie de Mallarmé est miroir d'elle-même ne reflétant que le vide d'un texte qui prend pour objet sapropre impossibilité à naître.
A refuser toute trace de figurativité, peinture et sculpture vont vers un dépouillementet une ascèse au terme de laquelle l'œuvre elle-même semble s'effacer et disparaître.
De négation en négation, l'artmoderne s'engage dans une périlleuse escalade qui débouche sur la raréfaction de lui-même.
Pas de meilleure imagede ce point final sans doute que le célèbre « carré blanc sur fond blanc » de Malevitch : la toile vide est la plusradicale mais aussi la dernière possible des ruptures.
La mode de l'art
Ce point atteint, les artistes n'ont plus d'autre solution que l'invention d'une voie nouvelle qui, à l'heure actuelle, secherche.
A défaut de pouvoir rendre compte de ce qui n'est encore qu'ébauche difficile à saisir et plus encore àapprécier, on voudrait pour finir souligner la place particulière que l'art occupe aujourd'hui dans la société.Place d'une certaine manière si importante qu'on serait fondé à parler d'une véritable mode de l'art.
Les milliardairesjaponais s'arrachent ces mêmes grandes toiles du passé que des visiteurs, par millions, s'empressent d'admirer dansles musées.Il faut faire la part, bien entendu, de ce que peut avoir d'artificiel un tel engouement.
L'art est devenu un signe quela bourgeoisie, passant du philistinisme au snobisme, consomme au même titre qu'un autre pour façonner son imagedans le grand jeu d'apparences qu'organise la société de consommation.
Le mécénat d'entreprise est la bonneconscience d'un patronat qui trouve plus prestigieux — et aussi moins onéreux — d'agrémenter d'une sculpturemoderne la cour d'une usine que de procéder à une urgente revalorisation des salaires.
La jouissance esthétique est.
»
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