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Quelles ressemblances et quelles différences y a-t-il entre « se souvenir e et imaginer dans les diverses acceptions de ce mot?

Publié le 16/09/2014

Extrait du document

rencontré hier dans la rue «, sans avoir une vision, même vague, ni de Pierre ni du fond sur lequel il m'apparut. Ici encore, nous avons un simple souvenir, un savoir à peu près pur.

Mais, si peu que je prolonge ce retour en arrière vers un passé dont j'ai été le témoin, surtout vers un passé récent, le souvenir va se doubler d'images. Non content de me rappeler avoir croisé Pierre dans la rue, je le verrai tel qu'il 'n'apparaît habituellement, peut-être même tel que je l'aperçus à un endroit précis de la rue, par exemple à la hauteur d'un magasin d'alimentation à l'étalage duquel je vois une pile de beaux pieds do céleri surmontée d'une étiquette portant : « 10 fr. •10 le kilo «.

Ces deux modes de rappel sont relativement indépendants l'un de l'autre : il est des individus doués d'une excellente mémoire et qui, cependant, ne parviennent pas à revoir les scènes dont ils ont eu le spectacle. L'image est plus capricieuse que le savoir. Ce dernier répond assez docilement à l'appel et normalement reste présent à l'esprit autant qu'on le désire. L'image, au- contraire, se fait souvent attendre; elle s'éclipse au moment où nous croyons la tenir, ou s'obstine à revenir à l'esprit alors qu'elle nous est importune. Si je me rappelle à volonté Page de Pierre, son adresse et son numéro de téléphone, je n'évoque pas son visage comme je veux. Souvent, durant plusieurs secondes, il résiste à mes efforts pour l'amener devant mon oeil intérieur. Tout à coup, sans que rien l'annonce, il émerge du néant, assez vague sans doute, mais produisant une étonnante impression de réalité et de vie. Puis, fatigué peut-être par cet effort, je le laisse échapper, ne conservant plus que mon savoir sur Pierre.

 

Ainsi le savoir est comme l'armature de la mémoire. C'est lui qui met entre les images les relations qui en font un ensemble cohérent. C'est lui qui rend possible les évocations volontaires. Sans lui, les images du passé nous apparaîtraient dans une inextricable confusion, n'ayant ni avant, ni après, situées seulement dans le vaste domaine du passé.

« L' ASSOCIATIO:X DES IDÉES ET L'IMAGINATION 123 la mémoire, elle se représente l'avenir; dissociant ces données, elle réalise un agencement nouveau qui constitue la création romanesque ou l'inven­ tion mécanique; s'en libérant, elle s'évade dans la représentation chi­ mérique.

Ainsi, imaginer c'est d'abord penser par images, c'est-à-dire par des représentations concrètes analogues à celles de la perception sensible, aussi bien le passé que ! 'avenir, le réel que 1 'irréel.

L'imagination ainsi com­ prise n'est que la faculté de reproduire les données de la perception.

~lais, dans bien des cas, le verbe imaginer, se détachant de sa signi· fication étymologique, équivaut à se représenter ou à concevoir, que cette représentation ou cette conception se fasse par· images concrètes ou par idées abstraites, mais en marquant le caractère nouveau de ce qui est représenté ou conçu : imaginer c'est créer, non pas des choses, mais des combinaisons nouvelles.

Nous retrouvons ainsi la distinction classique entre l'imagination repro­ ductrice et l'imagination créatrice.

Passant en revue les diverses acceptations du verbe imaginer, nous pré­ ciserons en quoi ! 'imagination diffère de la mémoire et en quoi elle lui ressemble.

• ....

Dans le rappel du passé, l'imagination fusionne si intimement avec la mémoire qu'il faut une assez grande habitude de l'introspection pour faire la part de l'une et de l'autre.

Néanmoins, on observe entre ces deux modes de représentation une différence si essentielle qu'on ne saurait les confondre : tandis que la mémoire pure se réduit à un savoir se rapportant à des faits passés et, comme tout savoir consiste en un ensemble d'idées abstraites, imaginer c'est voir, c'est-à-dire se représenter mentalement les choses dans leur réalité concrète, telles qu'elles s'offrirent à nous, lorsque se fixa le souvenir.

Si vous me demandez à quel moment mon ami Pierre passa ses vacances en Angleterre, je vous dirai :. »

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