Quelles réflexions vous suggèrent ces deux affirmations de Zola ? « Si vous me demandez ce que je viens faire en ce monde, moi artiste, je vous répondrai : je viens vivre tout haut ». « Ma définition de l'oeuvre d'art serait, si je la formulais : une oeuvre d'art est un coin de la création vu à travers un tempérament ». ?
Publié le 30/10/2009
Extrait du document
On vient d'exhumer les œuvres et les papiers intimes d'Emile Zola. On a discrètement fêté le centenaire de sa mort. Certains contemporains ont évoqué le souvenir de sa noble figure : de très jeunes écrivains ont nié son influence. On ne lit plus guère Zola dans les petites chapelles littéraires. Mais un simple coup d'œil sur les rayons des bibliothèques municipales, ou sur les dos usés des volumes d'universités populaires suffit à nous renseigner sur sa véritable audience. Zola est le plus lu des romanciers du début de ce siècle. Avec Maupassant, Daudet et Flaubert, mais sans craindre de remonter à Balzac, il est de ceux qui ont fait le plus pour le roman français. L'éclipsé dont il est l'innocente victime ne saurait empêcher de le considérer à sa juste place qui se trouve quelque part entre le Napoléon des Lettres et le Patriarche de Ferney : la belle défense de l'auteur de J'accuse dans la présentation des Temps Modernes, comparés à l'indifférence de Balzac devant les journées de 48 ou 1'« incompréhension apeurée « de Flaubert en face de la Commune, voilà qui situe bien, pour parler comme l'auteur, la grandeur réelle d'Emile Zola.
On a fêté récemment le centenaire de la naissance de Paul Bourget. Ces deux morts en présence, ces deux noms jetés l'un contre l'autre font jaillir la vérité dans une projection de critique impartiale : la comparaison est écrasante pour Bourget : l'un a créé un genre mort-né, celui de la littérature à thèse. L'autre a été le premier romancier contemporain à créer le genre de la littérature « engagée «, au sens le plus plein du terme. Le plus grand mérite de Zola aura peut-être été le courage, au sens le plus pur du mot. Zola a pratiqué la générosité. Aussi est-il encore et sera-t-il toujours une des plus sûres valeurs de notre littérature. Nota Bene : L'introduction devait porter sur le caractère d'actualité plus ou moins brûlante de Zola. On pouvait soit le défendre, soit le charger, au gré de son sentiment personnel. La difficulté de ce très beau sujet résidait avant tout dans la disparité des deux thèmes apparemment différents. Le commentaire de l'un et l'autre pouvait servir de cadre aux deux premières parties. Une troisième partie appréciative pouvait compléter le tableau obligatoire, suivant le schéma traditionnel.
«
vient dans ce monde pour imposer la vision de la vie à haute et intelligible voix, pour faire part de ses conceptionsde la vie à tout un chacun.— Insister sur la célébrité de la formule, qui fait partie du florilège des mots les plus célèbres (extrait de son traitéd'esthétique : Mes haines).— Rattacher cet aphorisme aux idées de Sainte-Beuve et de Taine, aux éléments de la doctrine naturaliste.
Voirnotamment des ouvrages comme son Roman expérimental (1880), son Naturalisme au théâtre (1881) ou sesRomanciers naturalistes (1881).
C'est comme un manifeste du parti naturaliste : Zola part du déterminisme universelet fonde son roman sur l'observation des « faits » de la nature, sur l'expérimentation sociale, sur des lois, sur desenquêtes et sur des statistiques.
Voir aussi la Préface de Thérèse Raquin ou les nombreux textes où Emile Zola seprend tout bonnement pour le Claude Bernard des Lettres.
Le roman doit être « l'étude des tempéraments et desmodifications profondes de l'organisme sous la pression des milieux et des circonstances ».— Appliquer à Zola cette vision de la création par le tempérament : penser ici au côté populaire de Zola, non parhérédité, précisément mais par goût pour le peuple.
Jules Lemaître appelait ses Rougon « une épopée pessimiste dela nature humaine ».
Il y a dans le tempérament de Zola un pessimisme foncier, fondé sur la société bourgeoise etsur la lutte des classes — joint à un immense espoir en l'avenir de la science.
Zola est un travailleur, et comme tel ila été d'un optimisme créateur, productif— Faire porter l'analyse sur l'idée de tempérament, en montrant comment Zola y voit surtout le milieu ou la race,plus que le caractère au sens psychologique.
C'est l'individualité organique qui l'intéresse— Voir aussi l'idée de création, au sens le moins religieux du terme.
C'est un républicain, anti-clérical, radical etidéaliste dans la tradition des Ferry, des Jaurès, des Herriot : « La République sera naturaliste, ou ne sera pas » dit-il en 1875.
Thibaudet ajoute : « Chez lui le naturalisme a été républicain et a été ».— Montrer comment l'œuvre d'art ne saurait venir ex nihilo, pas plus qu'elle ne pourrait changer de date denaissance.
L'œuvre est de son temps.
Nulle plus que celle de Zola n'a été marquée par son époque.
Elle porte sadate.
C'est pourquoi, d'ailleurs, elle date si fâcheusement.Nota Bene : Rappelons qu'il s'agit surtout de réflexions et non d'une dissertation serrée : elles doivent êtresuggérées.
Qu'elles soient donc suggestives.
Faites des rapprochements.
Pensez à D.
H.
Lawrence, pensez àDarwin, pensez à Ernest Renan.
Et soyez brillant sur ce thème si séduisant de l'art pour l'art contre l'art engagé.
III.
REMARQUES CRITIQUES
Nous n'insisterons guère sur ce dernier point.
Voici une formule qui pourrait servir de thème à une méditation sur lavie, sur la nature et le tempérament : « En 1900, écrit Gide dans sa préface à la deuxième édition des Nourritures, lalittérature sentait furieusement le factice et le renfermé.
Il paraissait urgent de faire à nouveau toucher terre etposer simplement sur le sol un pied nu ».
Or 1900 marque le point culminant, ou tout au moins l'apogée mûrissantede ce naturalisme dont Zola est le représentant le plus autorisé.Qu'est-ce à dire, sinon que la littérature naturaliste n'a jamais rien eu de naturel.
Cet homme qui vient haranguer lesfoules, cet écrivain dans la mêlée, ces romans-fleuves et cette atmosphère empuantie du peuple, ces exagérationsdes vices des classes bourgeoises, paysannes et ouvrières — tout cela paraît exagéré, excessif, inexact.
Il y a là unponcif, le poncif de la littérature noire, ou grise — mais d'un gris sale et boueux.
On sait comment, dès 1885, cinqnaturalistes dégrisés devaient opposer au maître un manifeste contre la « littérature putride ».
On a pu protesteraussi contre la « pièce mufle » du théâtre libre.
Il y a autant de facticité dans l'outrance réaliste que dansl'idéalisation ; ce qui manque à cette littérature savante et pseudo-scientifique, c'est la simplicité.
Disons même plus: la pureté.
D'où la divergence qui oppose terme à terme la littérature à la Zola — exagérée dans le roman populiste,continuée par Céline ; et la pure tradition classique des récits de Gide ou de Saint-Exupéry.Pourtant, on pourrait rechercher dans Climats de Maurois ou dans Jean Bar ois de Roger Martin du Gard une sorte dequintessence de Zola.
Mais ici il s'agit plutôt de réflexions personnelles et chacun peut reprendre comme il l'entend,ou plutôt comme il le sent, ce texte de Zola.
CONCLUSION REDIGEE
Même si la position de Zola était fausse, il resterait grand par l'ampleur de ses fautes : son porte-à-faux esttitanesque.
C'est un très grand créateur, c'est un tempérament de première force.
S'il fallait en un mot caractériserces deux phrases, on pourrait dire qu'il en ressort une impression de puissance.
On pourrait terminer cette esquisseen rapprochant en cette même année 1885, date du chef-d'œuvre {Germinal) et de la mort du « Père Hugo » — lesdeux noms des plus forts parmi les héros du siècle dernier.
Tous deux méritaient ce mot cruel et flatteur deSchlumberger parlant de l'auteur de la Légende des siècles : « Ce grand Niagara verbal...
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