QUELLE PLACE OCCUPE LE COMIQUE AU SEIN DE LA PIECE ROMEO ET JULIETTE ?
Publié le 29/10/2009
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Fleuron indéniable du drame anglais de la période humaniste, le titre de Roméo et Juliette (pièce publiée vers 1597) de Shakespeare évoque à lui seul un pan entier de la culture littéraire européenne, mettant en scène deux héros tragiques qui exalteront jusqu'à la mort leur fidélité et leur amour-passion. La pièce est balayée par un vent de folie et de destruction, qui éloigne au fur et à mesure le lecteur de toute conception potentielle d'idéaux humanistes - tels que le pétrarquisme -. Entre terreur et pitié –selon les termes aristotéliciens -, tragédie et romance pathétique telle semble s'esquisser Roméo et Juliette. Or, à y regarder de plus près, l'incompréhension mutuelle des deux familles à la mentalité étriquée rend certes utopiques les desseins courtois, mais sert aussi l'apparition du comique que ce soit dans des situations ponctuelles du récit ou dans l'émergence de certains personnages triviaux voire farcesques qui l'incarne (la nourrice par ex.). Pourquoi ce comique charnel et déroutant dans une pièce tragique a-t-il un écho particulier sous la plume de Shakespeare ? A quoi l'auteur tend il dans ce dangereux mariage du comique et du tragique ? Nous verrons que1- comique = mise en scène (penser au public de tous rangs) + nuancer de la tragédie comique = ressorts typiques intrinsèques - comique et tragique pas si éloignés que ca = émergence d'une ironie tragique.
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Luhrmann, le spectateur voit le comique se moderniser tout en gardant sa puissance : Mercutio s'habille en fille à lasoirée des Capulet et stupéfie ses amis lorsqu'il se drogue et délire complètement, à tel point que la tirageinquiétante de la reine Mab devient une déclamation volubile et comique.
B) L'inventivité comique.
Pour mettre en valeur les tensions, S distribue dans les deux premiers actes des scènes où le rythme est parfoisplus important que le sens.
Comme deux intercesseurs du poète, la truculente Nourrice avec son humour paillard estbien dans la veine comique et Mercutio portent le langage à son plus haut degré d'expressivité, commentant l'actionde façon cynique.
La parole de la première émane du peuple et s'adresse au peuple.
Elle rapporte pesamment lesparoles " qu'il fait : qu'il dit " (I,3, v 35 et 48); elle ressasse tant elle a de plaisir à parler - "Une bosse aussi grossequ'une couille de coq " (I,3) - qui se verra encore chez Dorine dans le Tartuffe de Molière (1667).
Les jouteslangagières qu'engagent Mercutio et ses amis résonnent comme des parodies de duels.
L'échange se vit comme unexercice, sous le signe du jeu.
Mercutio, usant de tous les niveaux de langage avec un art consommé, adresse auparterre, ses sous-entendus grivois dans l'histoire des nèfles et de la queue de poire (II, 1), ses néologismescaricaturaux : "te voilà poissonnofiée " (II, 3).
Mais il entretient aussi avec le public aisé des connivences culturelles: ainsi, lorsqu'il parodie le pétrarquisme ou cultive le burlesque, Didon devenant "dindon".
Au reste, nous avons puremarquer qu'il y a un jeu de mot quant à la « Reine Mab » ; il s'agit en fait d'une mauvaise traduction due à uneerreur homophonique : cette fée maléfique se complaisant à ne réaliser les désirs que dans les rêves, est en fait une« quean » à savoir une « souillon » et non une « queen ».
Serait-ce de l'ironie de la part de Mercutio de badiner le rang de cette fée aux pouvoirs macabres en la ramenant à la condition prétendument universelle de plaisir ?Mercutio est ainsi celui par qui le rire advient, jusque dans sa mort.
Certains personnages pourraient donc êtrequalifiés de personnages comiques malgré le contexte inquiétant et funeste.
La nourrice avec son humour paillardest bien dans la veine comique.
Et Mercutio, le bouffon qui commente l'action de façon cynique, mais lucide estégalement un personnage de comédie.
C'est ce qui arrive à Mercutio qui précipitera la comédie vers la tragédie.
Lemoment de la mort de ce personnage comique à l'acte 3 scène 1, représente la fin symbolique de la comédie.
La fintragique devient alors inévitable.
III) Du comique par la forme à l'ironie tragique : un mariage typiquement shakespearien
A) Une indubitable alliance tragico-comique : Il convient, avec Shakespeare de relativiser les habitudes universelles françaises qui s'occupent beaucoupde classer en « genres », « registres » et « tonalités », sen fondant sur les soucis de codification et de théorisationdu siècle classique et du XXe siècle critique.
Comme le rappelait Peter Brook, spécialiste de la mise en scèneshakespearienne, « le dramaturge était un homme pratique, qui écrivait de façon pratique pour le théâtre ».
Lapièce est certes, dans l'imaginaire populaire, reléguée au seul rang de tragédie par le double suicide des amants,mais le lecteur doit être en mesure de se dire que l'humour rendu par Shakespeare n'est pas vain.
En fait, il fautremarquer que l'écrivain joue sur les contrastes (le même personnage du père Capulet incarne l'affabilité et lecomique lorsqu'il demande une épée, mais aussi une violence verbale intraitable et véhémente face à sa fille III, 5)et les renversements, la langue de Shakespeare passe alternativement du comique au tragique et vice versa.
A l'origine, le quiproquo est un ressort comique.
Le dramaturge ruse de cette méprise au cœur des plusgrandes tensions.
Lorsque la Nourrice dit à Juliette, avec une éprouvante ambiguïté : "il est mort" (III,2), l'unesonge à Tybalt, l'autre à Roméo.
La méprise peut être liée aux mots, mais aussi à la situation.
C'est sur le quiproquotragique d'une morte vivante que le drame s'achève.
Ce jeu d'illusions atteint la même force tragique que l'ironiedans l'Iphigénie de Sophocle.
Parce que sont convoqués les morts, le malheur, le destin, l'histoire des amants deVérone ne peut être perçue que comme une tragédie.
Pourtant, notamment par le langage, Shakespeare instille lecomique dans sa tragédie, ce dont Victor Hugo se souviendra en alliant " le sublime " et le "grotesque".
B) La connivence mutuelle du comique et du tragique :
La superficialité comique est nécessaire pour entrevoir la profondeur sublime du tragique : à l'instar de labeauté divine de Juliette (étymologiquement fille de Juillet !) qui rehausse la lumière des torches, le comique et letragique se rehaussent l'un l'autre : le comique creuse le tragique, l'accroît ; inversement, le tragique ne se séparepas forcément des éléments légers : on ne sait plus que penser avec la scène de “comédie de la mort” (narcotique).La structure relève incontestablement de la comédie mais d'une comédie nullement risible.
D'autant (suprême ironie)que c'est cette comédie de la mort qui donnera la mort de RoméoA un niveau plus modeste, le jeu du retard de la nourrisse dans l'acte II, est incontestablement là pour faire sourirele spectateur et l'irriter : quelque chose pourtant se dit dans ce jeu qui s'éclairera avec le reste de la pièce : elleveut « se » garder Juliette (le datif éthique « se » est important car dénote l'attachement de la nourrice pour sonouaille, qui est tel qu'il peut bouleverser toute l'idylle des deux amants).
Dans un même mouvement, le drôle voire lecarnavalesque se hissent à la hauteur du tragique : Mercutio si longtemps incompris de la critique est faussement,tragiquement, douloureusement drôle.
A l'évidence le plaisant est oblitéré d'emblée, voire dès le titre et le prologue.On doit s'en convaincre aussitôt : il y a au sein d'un passage de comédie, une distance qui s'installe pour nous et ennous.
La beauté de la si belle “comédie” du baiser et de la scène “du balcon” (Juliette sortant et revenant, toujoursplus séductrice) est marquée par l'annonce de la mort des amants.
Quant à ce mélange, il permet de saisir l'unité juste au moment de la déhiscence, au moment où une chose.
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