Quelle est l'attitude de Pascal vis-à-vis du pouvoir ?
Publié le 06/12/2019
                            
                        
Extrait du document
                                Pascal ébranle ainsi profondément les apparences comme les réalités du pouvoir. « Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi » (frag. 94) : « il est juste » exprime un vœu pieux, qui n'est jamais suivi d'effet ; « il est nécessaire » exprime le caractère impérieux de la force, à laquelle on ne peut pas résister. Selon Pascal, la justice des rois n'est que de la force déguisée, pour éviter de passer pour tyrannique. Il sous-entend que la royauté est presque une tyrannie. Le pouvoir n'a jamais aucun fondement légitime, et la meilleure manière d'ébranler profondément un pouvoir est de chercher la source des coutumes qui le justifient : on se rend compte aussitôt que celles-ci sont arbitraires (frag. 56).
Pensées de Pascal
                                «
                                                                                                                            64  La 
révol te n'es t  la 
solu tion 
Pourtant,  la réponse  de  Pascal  à cet  état  de fait  n'est  nullement  révolutionnai re.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Le  monde  doit accepter  la  force,  écrit-il  au frag ment  76,  pour  éviter la guerre.
                                                            
                                                                                
                                                                     Il est 
vrai que  les guerres  de religion  (1562 -1599),  et l'épisode  de la Fronde  (1648- 1653) 
ont  durablement  bouleversé  la France,  qui n'aspire  plus qu'à  l'ordre  et à la  paix.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Chez  Pascal,  la critique  du pouvoir  est constamment  suivie de l'affirmation  qu'il 
faut  maintenir  les choses  en l'état : au  fragment  87, il rappelle qu 'il serait  dangereux 
pour  la  paix  de chercher  à faire  régner  le  plus  méritant  et qu'il  l' est moins  de laisser 
régner  un sot  légitime.
                                                            
                                                                                
                                                                     De même,  au fragment  78, il reprend  un adage  célèbre  de 
Cic éron  (« Somm et du  droit,  sommet  de l'injustice »)  pour critiquer  l'idée  de démo
cratie : en  principe,  la« pluralité » (la  majorité)  est le  sommet  de la justice ; or,  c'est 
aussi  le règne des  « moins  habiles  ».
                                                            
                                                                                
                                                                    Le  choix  apparemment  le plus  juste  pourrait  se 
révéler  le plus  pernicieux.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Ill.
                                                            
                                                                                
                                                                     L'ordre  divin 
Mais  Pascal  n'est pas  seulement  un cons ervateur  prudent,  soucieux  d'évi ter  les 
troubles,  et dont  l'ob jectif  pourrait  s'apparenter  au réalisme  politique  moderne.
                                                            
                                                                                
                                                                     En 
effet,  quand  il affirme  avec cynisme  et paradoxe  que tous  les pouvoirs  terrestres  sont 
in justes  et qu 'il  ne faut donc  pas les contester,  ces réflexions  provocatrices  doivent être 
replacées  dans le cont exte  de l'Apologie  qu'il pro jetait  d'écrire.
                                                            
                                                                                
                                                                    
L' ab surdité  du  des 
hommes 
Pascal  feint d'env isager  ces matières  sans référence  à l'e xplication  chrétienne 
de  la condition  humaine, afin de mieux  montrer  qu'en les traitant  seulement  selon 
la  raison  commune,  on aboutit  à une  impasse  absurde.
                                                            
                                                                        
                                                                     En taut  que réalité,  la société 
participe  de la faiblesse  qui fait  que  l'homme  n'a en lui  aucun  principe  de vérité.
                                                            
                                                                                
                                                                     Ainsi 
à  la  fin  du fragment  78 : «D e là  vient  l'injustice  de la Fronde  qui élève sa  prétendue 
justice  contre la force » : la révolte  de la Fronde  n'est pas légitime  parce qu'il n'y  a pas 
de raison  légitime de défier  le pouvoir  en place.
                                                            
                                                                                
                                                                     Pascal  affirme  encore  que le  peuple  a 
raison  d'« avoir  distingué  les hommes  par le dehors » (frag.
                                                            
                                                                                
                                                                     93), car c'est  plus raison
nable  que de vouloir  de vraies  valeurs,  introuvables  dans notre  monde.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Nous  ne parvenons jamais  à rendre la  société juste mais seulement  à fab riquer 
une  apparence  de justice.
                                                            
                                                                                
                                                                     L'expres sion « souverain  bien » (frag.
                                                            
                                                                                
                                                                     76)  est  ironique  : 
maintenir  la  paix sociale  est le « souverain  bien  »  pour  les  dirigeants, qui sont  ainsi  à 
l' abri  de la révolte.
                                                            
                                                                                
                                                                    
L' or dr e  comme  solution  terrestre 
Pascal  veut nous  obliger  à réfléc hir sur  l'impossibilité  qu'il  y  a  de se compor ter 
en  homme  juste à l'i ntérieur  de la société  des hommes.
                                                            
                                                                                
                                                                     Tout le domaine  du gouverne
ment  des hommes  se trouve  ainsi  plongé  dans une totale  relativité.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Mais  le  conservatisme  n'est  pas pour autant une solution  prise à la  légère  : dans 
la  mesure  où il n'y  a pas  de possibilité  de jus tice  ni  de  pouvoir  humain qui puisse 
légitimement  revendiquer sa suprématie,  on ne peut  pas courir  le risque  du désordre.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Il  faut  donc  s'en tenir  aux  conventions  de vie  consa crées  par l'usage.
                                                            
                                                                                
                                                                     On  ne  leur 
accordera  aucune légitimité  réelle mais on les  retiendra parce  qu'elles rendent la  vie 
en  commun  supportable..
                                                                                                                    »
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