Quelle est l'attitude de Pascal vis-à-vis du pouvoir ?
Publié le 20/10/2010
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Pascal ébranle ainsi profondément les apparences comme les réalités du pouvoir. « Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi « (frag. 94) : « il est juste « exprime un voeu pieux, qui n'est jamais suivi d'effet ; « il est nécessaire « exprime le caractère impérieux de la force, à laquelle on ne peut pas résister. Selon Pascal, la justice des rois n'est que de la force déguisée, pour éviter de passer pour tyrannique. Il sous-entend que la royauté est presque une tyrannie.
«
L'imposture que représentent les hiérarchies sociales
Il écrit au fragment 30: « Les respects signifient : incommodez-vous » et explicite la phrase au fragment 75 :les marques de respect sont d'abord des positions physiques incommodes par lesquelles les inférieurs sontséparés des « grands », qui peuvent, par exemple, rester assis.
Ayant vécu sous deux rois qui ont accédé autrône alors qu'ils étaient des enfants (Louis XIII et Louis XIV), Pascal écrit : « Cannibales se rient d'un enfantroi » (frag.
93), reprenant là une anecdote de Montaigne (Essais, I, 56), où des Cannibales du Nouveau Monde débarqués à Rouen se moquaient de voir un enfant être roi et recevoir des marques de respect.
Les prestiges imaginaires du pouvoir
Il montre (frag.
23 et 41) que l'habitude de voir les rois accompagnés de toute une « machine » qui incite aurespect fait que l'on transfère ce respect à la personne et à la fonction du roi lui-même.
Il souligne ce qu'ad'arbitraire le fait qu'un homme devienne roi seulement parce qu'il appartient à une certaine famille (frag.
41).Au fragment 82, il feint de s'élever contre une remarque de Montaigne qui condamne les honneurs rendus à unhomme uniquement parce qu'il est vêtu richement.
C'est que, répond Pascal, il a pour lui la force, etm'obligerait à le saluer si je ne le faisais pas de moi-même.II.
Le conservatisme de Pascal
Une critique virulente
Pascal ébranle ainsi profondément les apparences comme les réalités du pouvoir.
« Il est juste que ce qui est justesoit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi » (frag.
94) : « il est juste » exprime un voeu pieux,qui n'est jamais suivi d'effet ; « il est nécessaire » exprime le caractère impérieux de la force, à laquelle on ne peutpas résister.
Selon Pascal, la justice des rois n'est que de la force déguisée, pour éviter de passer pour tyrannique.Il sous-entend que la royauté est presque une tyrannie.
Le pouvoir n'a jamais aucun fondement légitime, et lameilleure manière d'ébranler profondément un pouvoir est de chercher la source des coutumes qui le justifient : onse rend compte aussitôt que celles-ci sont arbitraires (frag.
56).
La révolte n'est pas la solution
Pourtant, la réponse de Pascal à cet état de fait n'est nullement révolutionnaire.
Le monde doit accepter la force,écrit-il au fragment 76 pour éviter la guerre.
Il est vrai que les guerres de religion (1562-1599), et l'épisode de laFronde (1648-1653) ont durablement bouleversé la France, qui n'aspire plus qu'à l'ordre et à la paix.
Chez Pascal, lacritique du pouvoir est constamment suivie de l'affirmation qu'il faut maintenir les choses en l'état : au fragment 87,il rappelle qu'il serait dangereux pour la paix de chercher à faire régner le plus méritant et qu'il l'est moins de laisserrégner un sot légitime.
De même, au fragment 78, il reprend un adage célèbre de Cicéron (« Sommet du droit,sommet de l'injustice ») pour critiquer l'idée de démocratie : en principe, la « pluralité » (la majorité) est le sommetde la justice ; or, c'est aussi le règne des « moins habiles ».
Le choix apparemment le plus juste pourrait se révélerle plus pernicieux.
III.
L'ordre divin
Mais Pascal n'est pas seulement un conservateur prudent, soucieux d'éviter les troubles, et dont l'objectif pourraits'apparenter au réalisme politique moderne.
En effet, quand il affirme avec cynisme et paradoxe que tous lespouvoirs terrestres sont injustes et qu'il ne faut donc pas les contester, ces réflexions provocatrices doivent êtrereplacées dans le contexte de l'Apologie qu'il projetait d'écrire.
L'absurdité du pouvoir des hommes
Pascal feint d'envisager ces matières sans référence à l'explication chrétienne de la condition humaine, afin de mieuxmontrer qu'en les traitant seulement selon la raison commune, on aboutit à une impasse absurde.
En tant queréalité, la société participe de la faiblesse qui fait que l'homme n'a en lui aucun principe de vérité.
Ainsi à la fin dufragment 78 : « De là vient l'injustice de la Fronde qui élève sa prétendue justice contre la force » : la révolte de laFronde n'est pas légitime parce qu'il n'y a pas de raison légitime de défier le pouvoir en place.
Pascal affirme encoreque le peuple a raison d'« avoir distingué les hommes par le dehors » (frag.
93), car c'est plus raisonnable que devouloir de vraies valeurs, introuvables dans notre monde.
Nous ne parvenons jamais à rendre la société juste mais seulement à fabriquer une apparence de justice.L'expression « souverain bien » (frag.
76) est ironique : maintenir la paix sociale est le « souverain bien » pour lesdirigeants, qui sont ainsi à l'abri de la révolte.
L'ordre comme solution terrestre
Pascal veut nous obliger à réfléchir sur l'impossibilité qu'il y a de se comporter en homme juste à l'intérieur de lasociété des hommes.
Tout le domaine du gouvernement des hommes se trouve ainsi plongé dans une totalerelativité.
Mais le conservatisme n'est pas pour autant une solution prise à la légère : dans la mesure où il n'y a pas depossibilité de justice ni de pouvoir humain qui puisse légitimement revendiquer sa suprématie, on ne peut pas courir.
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