Quelle est l'attitude de la science en face du hasard ?
Publié le 18/03/2004
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II.
— LA SCIENCE ÉTUDIE LES LOIS DU HASARD.
Même dans les phénomènes où la causalité et la prévision des phénomènes individuels échappent partiellement ou totalement à lascience, celle-ci prend sa revanche par la découverte des lois statistiques, ou lois du hasard.
A.
Nature des lois statistiques. — Quand nous observons un petit nombre de phénomènes individuels, nous sommes surtout frappés par les caractères particuliers qui les distinguent les uns des autres, par leur aspect fortuit.
Mais si nous embrassons dans notre observationun grand nombre de ces phénomènes, leurs caractères communs, se répétant plus souvent, nous apparaissent plus clairement, nouspermettant de découvrir une loi.
Dans d'autres cas, un grand nombre de ces phénomènes individuels pris globalement constitue un toutréel, un nouveau phénomène dont les lois sont déterminées et apparentes, quel que soit le caractère fortuit (les phénomènesélémentaires.
Ceci est fondé sur des propriétés naturelles des grands nombres et des ensembles d'objets, qui s'exprimentmathématiquement par la Théorie des probabilités.
Cette théorie mathématique a été fondée par FERMAT et PASCAL pour calculer leschances des joueurs 'dans les jeux de hasard.
BERNOULLI la perfectionna en précisant la loi des grands nombres.
Au XIXe siècle, LAPLACEet GAUSS y attachèrent leur noms.
MAXWELL l'appliqua le premier à la Physique par la théorie cinétique des gaz.
Au XXe siècle, exposéecomplètement par Émile BOREL el appliquée à presque toutes les sciences, elle est la grande conquête de ht science moderne sur lehasard.
a) Probabilité : lorsqu'un événement est fortuit, c'est-à-dire lorsqu'il, a quelques chances de se produire et quelques chances de ne pas seproduire, on appelle probabilité de cet événement le rapport entre le nombre de cas favorables à l'événement et le nombre total de caspossibles : elle s'exprime par un nombre variant de zéro à 1.
Ainsi, quand on joue à pile ou face, la probabilité de gagner est de 1/2.
b) Écart : dans une série de cas, on appelle écart la différence entre le nombre de cas favorables théoriquement prévu d'après laprobabilité de l'événement, et le nombre de cas favorables obtenu en fait.
On appelle écart relatif le rapport entre l'écart et le, nombretotal de cas : par exemple, si je gagne 7 parties de pile ou face sur 10, l'écart est + 2, et l'écart relatif est 2/10.
c) Loi des grands nombres : elle peut se formuler ainsi : lorsque le nombre total de cas observés s'accroît et tend vers l'infini, il est deplus en plus probable que l'écart relatif tende vers zéro, il y a une probabilité croissante pour que cet écart relatif décroisse.
Cela signifieque, plus on observera un grand nombre de cas du phénomène fortuit considéré, plus la proportion des cas favorables observés en faitaura de chances de se rapprocher de la proportion théoriquement indiquée par la probabilité du phénomène.
d) Courbe de fréquence et moyenne : si l'on répète un grand nombre de fois une expérience de probabilité (par exemple cent fois centparties de pile ou face) et que, sur deux axes de coordonnées, on porte en abscisses les écarts relatifs obtenus, et, en ordonnées, lenombre d'expériences correspondant à chaque valeur de l'écart, on obtient la courbe de Gauss, dite aussi courbe de fréquence, ou courbeen cloche à cause de sa forme.
Cette courbe montre que le plus grand nombre d'expériences donne un écart approchant de zéro.
Ellefigure visuellement la loi des grands nombres.De même quand on mesure la taille des individus d'une espèce vivante, ou la durée de leur vie, ou d'autres grandeurs caractéristiques decette espèce soumises à de petites variations autour d'une valeur moyenne : si on porte en abscisses la taille des individus mesurée decentimètre en centimètre, et en ordonnées le nombre des individus ayant la même taille à un centimètre près, on obtient une courbe encloche : le plus grand nombre d'individus se rapproche de la taille moyenne, et l'ordonnée de chaque point de la courbe mesure laprobabilité qu'on a de trouver des individus de telle taille.
Cette courbe est caractéristique de tous les phénomènes de probabilité.
B.
Exemples de lois statistiques. — a) En Sociologie, les sont fortuits, à cause de la liberté humaine, mais les mettent de formuler les lois de probabilité de ces faits : célèbres de DURKHEIM sur le suicide, faisant ressortir la fréquence des suicides dans diverses conjoncturessociales; d'une loi statique de ce genre, on peut déduire avec prudence des lois psychologiques.
Tels encore les calculs de la probabilitédes accidents, des maladies, etc., que font les compagnies d'assurance pour fixer leurs taxes et leurs primes.
b) La Biologie moderne fait de nombreuses études statistiques.
Ainsi, on appelle phénotype d'une espèce, l'ensemble des formes, desdimensions anatomiques, etc., qui caractérise tous les individus de cette espèce (par Opposition au génotype qui est l'ensemble descaractéristiques des cellules germinales de cette espèce).
Or, le phénotype se détermine avec précision par la courbe de fréquence desprincipales caractéristiques, qui en indique la moyenne et la variation.
C'est par la variation de cette courbe qu'on étudie l'influence de lavariation du génotype sur le phénotype, et inversement, ou l'influence de la sélection, etc.
La Biométrie utilise et vérifie sans cesse les loisde probabilité.
c) La Physique moderne fait un usage immense et souvent très complexe des théories probabilistes.
Le premier exemple fut la théoriecinétique des gaz qui considère la résultante globale des mouvements des milliards de molécules qui constituent une masse gazeuse;elle utilise les résultats de la Mécanique statistique : elle considère par exemple la pression d'un gaz sur les parois d'un récipient commela résultante des millions de chocs des molécules reçus à chaque seconde sur chaque unité de surface; de même, la chaleur et latempérature sont les phénomènes résultant de la vitesse et de l'énergie cinétique de chaque molécule; cette vitesse et cette énergievarient d'une molécule à l'autre et, pour chaque molécule, à chaque choc; comme on n'a pas le moyen de les connaître individuellement,on les considère comme variant de façon fortuite, et on étudie leurs lois statistiques, qui coïncident avec les lois connues de la pression,de la température et de la chaleur.Citons encore les théories quantiques, la Mécanique ondulatoire, etc.
III.
— LA SCIENCE MODERNE POSE LA QUESTION DE L'UNIVERSALITÉ DU DÉTERMINISME ET DE L'OBJECTIVITÉ DU HASARD.
On sait que cette question est posée en physique atomique par les relations d'incertitude d'HEISENBERG.
Sans donner ici l'exposétechnique trop complexe de cette question, disons simplement, pour éviter qu'on fasse des erreurs :a) qu'il s'agit sûrement d'un indéterminisme méthodologique partiel : impossibilité de la part du physicien de connaître exactement toutesles données d'un corpuscule simultanément;b) que les physiciens ne savent pas encore avec certitude s'il s'agit aussi d'un indéterminisme et d'un hasard objectifs et réels de lamatière elle-même (malgré les affirmations de M.
von NEUMANN).
(Comparer là-dessus L.
DE BROGLIE, Hasard et contingence enphysique quantique, Revue de Métaphysique et de Morale, oct.
1948, et LANGEVIN, dans L'orientation actuelle des sciences, par PERRIN,LANGEVIN, etc., p.
62.)
CONCLUSION. — Le caractère fortuit des phénomènes n'est que partiel, relatif à certains points de vue.
Parfois, le hasard est relatif à un stade provisoire de la science; celle-ci fait reculer son domaine, et trouve habituellement quelque biais pour saisir ce qui semble soumisau hasard.
Les lois statistiques ont une très grande place dans la science moderne..
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