Quelle est la mesure de l'efficacité politique ?
Publié le 02/08/2005
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La politique exercée par un gouvernement est ce qui permet de répondre aux attentes du peuple mais elle est aussi ce qui permet de défendre les intérêts de l’Etat. La politique doit par conséquent savoir répondre aux besoins du peuple tout en conservant les intérêts de l’Etat. Ainsi il peut parfois exister des conflits dans la mesure où les intérêts du peuple sont parfois opposés à ceux de l’Etat. Donc comment faire pour juger une politique efficace ? Quelle est la mesure de l’efficacité politique ? L’efficacité politique est jugée d’après ses résultats. Mais justement, s’il faut juger une politique sur ses résultats, cela implique que la fin de la politique soit unanime. La mesure désigne le critère grâce auquel nous allons juger l’efficacité de la politique car elle va nous permettre de mesurer, de peser les fins de la politique. Ainsi quelles sont les fins de la politique ? Où doit-on rechercher le critère de mesure pour juger l’efficacité de la politique ?
«
C'est au chapitre 25 du « Prince » : « Ce que la fortune peut dans les choses humaines et comment on peut lui résister », que l'on retrouve la formule : « il est meilleur d'être impétueux que circonspect, car la fortune est femme, et il estnécessaire à qui veut la soumettre de la battre et la rudoyer ». Machiavel utilise le terme fortune dans son sens traditionnel de puissance aveugle, régie par le hasard, qui dispose du cours du monde et de la vie des hommes.Il s'agit donc de s'interroger sur ce que peut l'homme et plus précisément l'hommepolitique confronté à la prétendue fortune. Le chapitre 25 débute de la sorte : « Je n'ignore pas que beaucoup ont été et sont dans l'opinion que les choses du monde soient de telle sorte gouvernées par lafortune et par les dieux, que les hommes avec leur sagesse ne puissent les corriger (…)Cette opinion a été plus en crédit de notre temps à cause des grands changementsqu'on a vus et voit chaque jour dans les choses, en dehors de toute conjecturehumaine. » Cette opinion commune, alimentée par les malheurs du temps, l'instabilité politiquepropre à l'Italie de la Renaissance, amène à une sorte de désespoir.
L'action humaineserait vaine et réduite à l'impuissance face à la Providence et à ses desseinsimpénétrables (la Providence répond à cette idée que le cours de l'histoire est régipar la volonté divine) ou encore face à la puissance aveugle et hasardeuse de lafortune.
Or cette conception ruinerait toute tentative machiavélienne et plusradicalement tout essai de penser l'action politique et ses conditions.Ce chapitre s'inscrit donc au cœur de deux préoccupations propres à Machiavel .
D'une part il s'agit comme dans tout le « Prince » de proposer les conditions d'une action politique efficace, et d'une stabilité politique qui fait cruellement défaut àl'Italie.
D'autre part, Machiavel balaye toute différence entre histoire sacrée et histoire profane : ainsi comme il avait précédemment éliminé toute différence essentielle entre un législateur sacré comme Moise et un législateur profane, commeThèsée ou Lycurgue , Machiavel place-t-il ici la Providence et la Fortune sur le même plan. La formule ici éclaire le double projet de Machiavel dans notre passage. Il s'agit tout d'abord de récuser la notion de hasard pour restaurer les droits de l'action politique efficace.
Ainsi lit-on quel'on peut soumettre la fortune, qui n'est donc qu'une puissance imaginaire.
Elle n'est pas une puissance impossible à maîtriserqui s'imposerait à nous malgré nos actes et nos volontés, un destin, mais quelque chose que nous pouvons diriger.Mais d'autre part, l'idée de l'audace nécessaire à l'action politique, les notions de lutte et de violence tendent à montrer qu'iln'y a pas de modèle précis de l'action politique, que celle-ci contient toujours une part irréductible d'aventure, de risque.Aussi Machiavel se bat-il sur deux fronts ; : contre l'idée irrationnelle de fortune ou de destin qui pousse au désespoir et contre l'illusion inverse d'une possibilité de totale maîtrise de l'action.Pour remplir son premier objectif, Machiavel compare la fortune aux fleuves en crue « qui, lorsqu'ils se courroucent, inondent les plaines, renversent les arbres et les édifices […] chacun fuit devant eux, tout le monde cède à leur fureur ».
La métaphore rend bien compte de l'idée d'une force naturelle déchaînée et irrésistible, devant laquelle il est vain de lutter.
Mais : « il n'en reste pas moins que les hommes, quand les temps sont calmes, y peuvent pourvoir par digues et par levées. » Autrement dit l'idée de fortune n'est qu'une illusion résultant de l'imprévoyance des hommes.
De même qu'on ne peut prévoir lemoment et la force de la crue, mais qu'on sait qu'elle peut avoir lieu et donc prévoir et aménager l'avenir pour rendre cette crueinoffensive, de même les risques politiques sont prévisibles et aménageables.« Il en est de même pour la fortune, qui manifeste sa puissance là où il n'y a pas de forces organisées pour lui résister. » La fortune, le destin, ne désignent aucune force positive, mais ne sont que l'envers de l'absence d'organisation des hommes.
Sitoute la vertu, la virtuosité politique (la « virtù ») consiste pour Machiavel a « jeter de bons fondements », alors la fortune n'est que la projection illusoire de l'absence de « virtù » des hommes.
C'est dans les moments de calme politique que le dirigeant vertueux sait prévoir, anticiper et par suite conjurer les dangers politiques.
Il s'agit donc de comprendre ses propres forcespour éliminer l'idée de fortune ou de destin « qui manifeste sa puissance là où il n'y a pas de forces organisées pour lui résister ». ainsi Machiavel conclut-il sur l'état de son pays et la prétendue « force du destin » : « Et si vous considérez l'Italie, qui est le siège de ces changements et qui leur a donné le branle, vous verrez qu'elle est une campagne sans levées et sans aucune digue.Que si elle se fut donné un rempart d'une force suffisante comme l'Allemagne, l'Espagne ou la France, ou cette crue n'auraitpas fait les grands changements qu'elle a fait, ou elle ne se serait pas produite. » Et voici l'idée de fortune contredite : la capacité des hommes à forger leur propre avenir est soit partielle (ils peuvent minimiserles coups du sort) soit entière (les supprimer totalement).Cependant Machiavel fait rebondir la question en se demandant s'il vaut mieux, en politique, être prudent ou impétueux.
En effet, le raisonnement précédent peut favoriser une illusion inverse de la croyance en la fortune : celle qui voudrait que lesrecettes ou des modèles d'action soient possibles : « Et l'on voit aussi, de deux circonspects, l'un parvenir à ses fins, l'autre non, et de même deux prospérer également par deux manières de faire différentes, étant l'un circonspect, l'autre impétueux :ce qui ne vient de rien d'autre que du caractère des temps, qui se conforment ou non avec leurs procédés. » On ne peut donner de modèle universel de l'action politique, qui vaudrait en tous temps et en tous lieux.
Ainsi des procédés.
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