Quelle différence faites-vous entre un enseignement moral et une éducation morale ? l'enseignement peut-il suffire à assurer la moralité de l'individu ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
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n'avons guère des rapports de personne à personne; au contraire, entre la mère et l'enfant se réalise la fusion laplus parfaite qu'on puisse rêver de deux personnalités; or, c'est sur les genoux des mères que se fait la plusprofonde et la plus indélébile des éducations morales.
Dans l'ordre moral, toute action qui prétend être profonde doittendre vers cet idéal d'intimité.
Ce qui fait la valeur éducative de certains établissements réputés, c'est moinsl'enseignement qu'on y distribue qu'une atmosphère qu'on y respire, et qui résulte du recrutement de ceux qui lesfréquentent : n'ayant de relations personnelles qu'avec des âmes nobles et droites, le jeune enfant encore malléablese développe dans le sens de ses bonnes tendances, qui, ailleurs, risqueraient d'être étoufféesII y a donc une différence essentielle entre l'enseignement et l'éducation; aussi on se demande comment on a puémettre l'idée d'une éducation morale par le seul enseignement.
II.
— ENSEIGNEMENT ET MORALITÉ INDIVIDUELLE.
On entend parfois par moralité le fait d'être susceptible d'une appréciation du point de vue moral, c'est-à-dire deprésenter une valeur morale soit positive, soit négative, en d'autres termes d'être moralement bon ou mauvais :dans ce cas, « moralité » s'oppose à « amoralité », ce mot désignant la neutralité au point de vue moral.
Ainsil'animal, étant incapable de bien et de mal, peut être dit « amoral »; on parle, .
au contraire, de la moralité ducriminel comme de celle du bon père de famille.Mais on donne le plus souvent au mot « moralité » une signification positive et on l'oppose à « immoralité » : seul,est considéré comme moral celui qui vit conformément à la règle morale; quand on garantit la moralité de quelqu'un,c'est de la dignité morale de sa vie qu'on se porte garant.Dans la question actuelle, le mot « moralité » est pris dans ce dernier sens : l'enseignement de la morale suffit-il àassurer son observation ?
A.
Tout d'abord, après les remarques faites dans la première partie, il semble presque superflu de l'affirmer et, à plusforte raison, de le démontrer : il ne peut y avoir de véritable formation morale par l'enseignement seul.Sans doute, cet enseignement n'est pas inutile, nous pouvons même le dire nécessaire.
On peut croire, il est vrai,que les premiers hommes ont dû s'élever d'eux-mêmes, sans enseignement, à la notion de bien et de devoir; mais ilsne sont pas.
montés bien haut dans l'échelle de la moralité.Toutefois, cet enseignement, ne saurait suffire.
De grands philosophes, il est vrai, SOCRATE, PLATON et mêmeDESCARTES, ont affirmé le contraire : pour eux, dès que nous connaissons le bien, nous le faisons.
Mais il est Aucontraire, si, à peine sorti de la première enfance, le petit du civilisé manifeste une délicatesse morale biensupérieure à celle qu'on peut observer chez les prêtres et les sages des tribus primitives, c'est qu'il a été enseignéet qu'il bénéficie des réflexions et des expériences de milliers de générations et de milliers d'âmes d'élite qui ont faitl'éducation du monde occidental.
Laissé à lui-même, il en serait resté à peu près au niveau de l'animal : moralementaussi bien qu'intellectuellement, l'enseignement est nécessaire pour monter un peu haut.probable qu'ils parlaient du bien trouvé par recherche et réflexion personnelle : de ce bien on peut accorder qu'ilsuffit de le connaître pour le faire, car on ne saurait arriver à le connaître sans les dispositions d'âme .nécessairespour l'accomplir.
Mais il n'en est pas de même du bien qui nous est enseigné, surtout si cet enseignement n'est pasdoublé par l'éducation : nous n'avons pas besoin d'en appeler aux célèbres déclarations d'OVIDE et de saint PAULpour savoir qu'on peut être parfaitement instruit de son devoir et y manquer : notre expérience personnelle suffitlargement à fonder notre conviction sur ce point.
Pour assurer la moralité de la conduite,, c'est peu d'êtreparfaitement informé de ses obligations et même d'avoir une belle conception de la vie humaine : il faut avoirendigué ses tendances affectives et s'être attaché à un noble idéal; s'être forgé une volonté énergique capable,dans les circonstances difficiles, d'exécuter la décision prise et avoir contracté des habitudes qui, devenues uneseconde nature, permettent, dans le courant de la vie, de se laisser aller à sa spontanéité naturelle.
Bref,l'enseignement moral ne peut assurer la moralité que s'il est complété par l'éducation morale.
B.
Nous devons aller plus loin et ajouter qu'il ne peut y avoir d'enseignement moral véritable sans une éducationmorale qui l'accompagne et le soutienne.
Apprendre les théories morales particulières à un penseur ou les pratiquespropres à une civilisation déterminée est affaire d'ordre purement intellectuel.
Il n'en est pas de même quand il s'agitde s'assimiler un idéal de vie vers lequel on doit tendre ou même de comprendre les raisons des devoirs énumérésdans les livres de morale.
Ces connaissances sont de l'ordre pratique et elles ne s'acquièrent d'une façonsatisfaisante que moyennant une certaine pratique : on apprend ce que c'est qu'être bon ou poli, loyal ou discret,courageux ou désintéressé, non pas tant en lisant, dans les livres de morale, la définition des différentes vertus,qu'en vivant dans l'intimité de quelqu'un qui les possède ou, mieux encore, en les pratiquant soi-même.
Unenseignement moral complet comporte donc une initiation pratique; or, cette initiation pratique n'est autre quel'éducation.
Loin de pouvoir à lui seul assurer la moralité, l'enseignement moral, s'il est compris trop strictement,n'est pas capable d'assurer ce qui constitue sa fonction essentielle : la connaissance de la morale.
CONCLUSION.
— Enseignement et éducation vont donc de pair dans la formation de l'homme : aux jeunes, on doit apprendre leurs devoirs et, dans la mesure où ils peuvent la comprendre, leur en donner la raison; mais on doit aussiles dresser et les initier à la pratique de l'idéal qu'on leur propose.
Durant les premières années de la vie, c'estl'éducation qui prédomine : il s'agit d'extirper dès leur première manifestation les mauvaises tendances naturelles, defaire prendre de bonnes habitudes; mais dès que l'intelligence entre en jeu, il faut expliquer progressivement lepourquoi des diverses prescriptions morales.
Plus tard, aux approches de l'âge mûr, l'enseignement prendra uneimportance capitale : avec un adulte, on ne peut pas faire constamment appel au principe d'autorité, et cet appellui-même, quand il a lieu, doit être justifié.
Néanmoins, quiconque est chargé de la formation des jeunes, loin de secontenter d'exposer à chacun ses devoirs, doit aussi veiller à la pratique des vertus qu'il enseigne : unenseignement moral qui serait purement didactique manquerait son but.
En somme, c'est l'éducation qui prime; c'est.
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