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Quel rôle peut-on accorder au sentiment dans la vie morale ?

Publié le 17/02/2004

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morale

ROUSSEAU lui-même paraît bien avoir admis que, si les sentiments sont naturellement orientés vers le bien, ils ont besoin de la raison pour assurer cette orientation : « Ce n'est que par ses lumières que l'homme parvient à connaître l'ordre, et ce n'est que quand il le connaît que sa conscience le porte à l'aimer «. B. - Le véritable rôle du sentiment est donc d'animer la volonté morale, de lui donner force et puissance : il faut aimer le bien pour le faire. Mais, s'il est un moteur, et un moteur indispensable, il ne saurait être un guide. Comme l'a écrit MALEBRANCHE, « quoiqu'on puisse se laisser animer par le sentiment, il ne faut jamais s'y laisser conduire «. Seule la Raison, en tant que faculté normative, constitutive de valeurs et hiérarchisante, peut être la puissance rectrice de notre conduite. Ce n'est pas là, comme on l'a - d'ailleurs à tort - reproché à Kant, exclure le sentiment de la vie morale : c'est le remettre à sa juste place. Conclusion. Le sentiment a donc un rôle bien déterminé à jouer dans notre conduite morale. Mais, du fait qu'il se range alors sous l'empire' de la Raison, il se trouve, par le fait même, valorisé.

Dans les grandes conceptions de la vie morale, on distingue communément des morales de la nature, des morales du sentiment et des morales de la raison. Il semble donc que le sentiment puisse servir de principe à la moralité, mais aussi que l'on puisse concevoir la moralité sans intervention aucune du sentiment. D'un autre côté, on parle couramment de sentiments moraux, ce qui implique à la fois qu'il peut exister des sentiments étrangers à la moralité et qu'il y a d'autres sentiments qui présentent en eux-mêmes une valeur morale. Pour définir avec plus de précision le rôle du sentiment dans la vie morale, nous allons d'abord essayer de voir en quel sens on a pu l'en exclure.

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« INTRODUCTION Dans les grandes conceptions de la vie morale, on distingue communément des morales de la nature, des morales dusentiment et des morales de la raison.

Il semble donc que le sentiment puisse servir de principe à la moralité, mais aussi que l'on puisse concevoir la moralité sans intervention aucune du sentiment.

D'un autre côté, on parlecouramment de sentiments moraux, ce qui implique à la fois qu'il peut exister des sentiments étrangers à la moralitéet qu'il y a d'autres sentiments qui présentent en eux-mêmes une valeur morale.

Pour définir avec plus de précisionle rôle du sentiment dans la vie morale, nous allons d'abord essayer de voir en quel sens on a pu l'en exclure. I.

— EN QUEL SENS ON PEUT BANNIR LE SENTIMENT DE LA VIE MORALE a) Il ne suffit pas d'aimer le bien pour le faire. La vie morale consiste, en un sens très général, à faire son devoir ou à s'efforcer vers le bien.

Or, il est clair que, siquelque sentiment nous porte à agir moralement, cela ne suffit pourtant pas pour qu'il y ait action morale.

Quand ondit, par exemple, que l'enfer est pavé de bonnes intentions, on veut dire que le désir de bien faire ne se traduit pasnécessairement par l'action bonne ; si l'amour de la justice se traduit seulement par une indignation stérile en facede l'injustice, sa valeur morale demeure extrêmement faible.

L'amour du bien ne suffit pas, il faut encore qu'il inspireune ferme volonté de bien faire.

Mais lors même qu'un bon sentiment se traduit en actes, il peut encore arriver quel'acte ne soit pas bon.

L'ours qui, pour chasser une mouche, écrase sous un pavé la tête de son maître, est animéd'excellentes intentions qu'il traduit par ses actes, et cependant il ne fait pas le bien.

C'est que le sentiment est parlui-même aveugle et qu'il doit être éclairé par l'intelligence.

« Le monde, disait L.

Brunschvicg, aurait été sauvé plus d'une fois si la qualité des âmes pouvait dispenser de la qualité des idées.

» b) Agir par sentiment n'est pas moral. Les bons sentiments ne suffisent donc pas à conférer à nos actes une valeur morale, et il semble même qu'on puisse aller jusqu'à dire que toute intervention de sentiment est contraire à la moralité.

Un acte, en effet, n'avraiment de valeur morale que dans la mesure où son accomplissement exige un certain effort ; l'idée de moralité estliée à l'idée de mérite : il n'est pas méritoire, et par suite, il n'est pas vraiment moral d'agir selon ses tendances, sesdésirs ou ses sentiments.

C'est ce que signifie la célèbre distinction kantienne entre le point de vue de la simplelégalité et celui de la moralité véritable : pour qu'un acte soit « légal », il suffit qu'il soit conforme à la loi morale ; mais pour qu'il soit vraiment « moral », il faut encore qu'il ait pour mobile le seul souci d'obéir à la loi morale.

En effet, celui qui ne vole pas, par exemple, parce qu'il redoute les conséquences de son acte, agit d'une manièreconforme à la loi morale sans qu'on puisse dire que son abstention présente une valeur morale authentique ; etmême celui qui est naturellement bienveillant, c'est-à-dire qui est porté à la bienveillance par ses tendancesnaturelles, a sans doute moins de vertu et par suite moins de valeur morale que celui qui se montre bienveillantenvers ses semblables malgré un caractère naturellement porté à la misanthropie, « C'est ici précisément, dit Kant, qu'éclate la valeur morale du caractère, la plus haute de toutes, sans comparaison.

» c) L'impassibilité est la condition de la sagesse.. »

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