Quel rôle l'expérience sensible joue-t-elle dans la connaissance ?
Publié le 11/02/2004
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Ce que l'expérience m'apprend, je ne peux pas le transmettre à d'autres : on ne peut apprendre un tour de main simplement en regardant le maître, et il ne suffit pas d'écouter un sage pour devenir sage soi-même. L'expérience m'apprend donc quelque chose, mais elle ne l'apprend qu'à moi seul ; et encore faut-il avoir la volonté d'en retenir l'enseignement. Il ne suffit pas de vieillir pour devenir plus habile, plus savant ou plus sage : celui qui est face à l'expérience en position de passivité n'en apprendra rien, parce qu'il n'y a rien à en recevoir passivement. L'expérience n'instruit que ceux qui ont la volonté de s'en instruire.
«
Contre l'idée d'un progrès linéaire en science, qui se ferait par additionssuccessives, Bachelard nous invite à poser le problème de la connaissancescientifique en termes d'obstacles : l'esprit scientifique ne « se forme qu'en seréformant », en corrigeant sans cesse ses préjugés, en s'arrachant à sesanciennes croyances ou représentations.
Parmi elles, l'idée d'une « expériencepremière » est sans doute la plus tenace : or, nous l'avons vu, le faitscientifique n'a rien d'un fait brut, c'est au contraire un fait construit,élaboré, déjà abstrait.
Inversement, le risque est grand de céder à latentation des connaissances générales et systématiques où se devine lefantasme d'une unification des savoirs : le nouvel esprit scientifique, celui quenous pouvons voir à l'oeuvre dans les découvertes contemporaines, se frayeune voie entre « l'attrait du singulier » et « l'attrait de l'universel », ce quePascal appelait « l'esprit de finesse » et « l'esprit de géométrie ».
C'est doncplus aux « erreurs premières» qu'aux « vérités premières », que s'intéressel'épistémologie bachelardienne : car là, mieux sans doute que dans sesgrandes découvertes, s'indique ce qui fait le propre de l'esprit scientifique etde sa démarche constitutive.
Il y a dans la science un désir désintéressé de la vérité, et l'activité de laraison se purifie de la résonance affective ou du souci d'utilité pratique.Ainsi les sciences expérimentales, caractérisées par leur méthode et leurobjet, donnent à la connaissance une objectivité, une rigueur logique et une vérité irremplaçables, pour tous.
Ellesse proposent comme théories.
Et, dans ce cadre, l'expérience (observation et expérimentation) est de part en partfondée sur un langage théorique, notamment mathématique.
La science physique (phusis veut dire nature) en estl'exemple.
L'énoncé par Newton de la loi de l'attraction universelle émane de cette mathématisation de la nature.
La connaissance humaine en devenir
Toutefois, l'histoire des sciences nous offre un aspect ultime du rapport entre expérience et connaissance : lesmoments du devenir de la connaissance humaine (et les grandes figures comme Aristote, Descartes, Newton,Einstein, etc.) sont liés entre eux.
Ce processus dialectique exprime le progrès que fait l'esprit dans sonacheminement vers la science.
Il est la vie même de la science, l'expérience de la connaissance.
Alors, la véritéscientifique n'est que relative, comparable à un polygone inscrit dans un cercle, auquel l'homme ajoute peu à peudes côtés, sans jamais pouvoir atteindre la perfection du cercle, symbole de la vérité absolue.
La connaissancen'est jamais qu'une hypothèse toujours plus précise, une représentation toujours plus proche de ce qui est appelé la« vraie » nature (Husserl).
L'homme doit donc faire l'expérience de ce devenir dans « une infinité de théories ».
Laconnaissance est le fruit de cette expérience, expérience qui s'enrichit au fur et à mesure que la connaissanceprogresse historiquement.
SUPPLEMENT:
LEIBNIZ: Il naît une question, si toutes les vérités dépendent de l'expérience,c'est-à-dire de l'induction et des exemples, ou s'il yen a qui ont encore unautre fondement.
Car si quelques événements se peuvent prévoir avant touteépreuve qu'on en ait faite, il est manifeste que nous y contribuons quelquechose du nôtre.
Les sens, quoique nécessaires pour toutes nosconnaissances actuelles, ne sont point suffisants pour nous les donnertoutes, puisque les sens ne donnent jamais que des exemples, c'est-à-diredes vérités particulières ou individuelles.
Or tous les exemples qui confirmentune vérité générale, de quelque nombre qu'ils soient, ne suffisent pas pourétablir la nécessité universelle de cette même vérité, car il ne suit point quece qui est arrivé arrivera de même.
Par exemple les Grecs et les Romains ettous les autres peuples ont toujours remarqué qu'avant le décours de 24heures, le jour se change en nuit, et la nuit en jour.
Mais on se serait trompési l'on avait cru que la même règle s'observe partout ailleurs, puisque depuison a expérimenté le contraire dans le séjour de Nova Zembla .
Et celui-là setromperait encore qui croirait que, dans nos climats du moins, c'est une vériténécessaire et éternelle qui durera toujours, puisqu'on doit juger que la terreet le soleil même n'existent pas nécessairement, et qu'il y aura peut-être untemps où ce bel astre ne sera plus, au moins dans la présente forme, ni toutson système.
D'où il paraît que les vérités nécessaires, telles qu'on les trouvedans les mathématiques pures et particulièrement dans l'arithmétique et dansla géométrie, doivent avoir des principes dont la preuve ne dépende point des exemples, ni par conséquent du témoignage des sens, quoique sans les sens on ne se serait jamais avisé d'y penser.C'est ce qu'il faut bien distinguer, et c'est ce qu'Euclide a si bien compris, qu'il démontre souvent par la raison ce quise voit assez par l'expérience et les images sensibles..
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