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Quel est le rôle de l'imagination dans la vie intellectuelle ?

Publié le 20/06/2009

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On augure ordinairement du succès des jeunes dans la vie d'après leur intelligence. Mais on peut se demander si l'intelligence proprement dite, c'est-à-dire la faculté de comprendre en percevant des rapports qui échappent à l'animal, suffit à assurer un rendement supérieur. Les hommes réputés intelligents ont aussi une expérience et un savoir qui interviennent constamment dans les jugements qu'ils portent. Leur activité mentale est aidée par l'imagination, faculté polymorphe à laquelle on attribue dès fonctions assez diverses : celle de penser par images et de faire revivre le passé dans ses apparences concrètes, celle d'ébaucher, à partir d'expériences antérieures, des constructions inédites, non seulement d'ordre sensoriel ou expérimental, mais encore d'ordre strictement rationnel; c'est en effet à l'imagination de leurs auteurs qu'on impute la première idée des grandes théories scientifiques tout comme celle d'une œuvre picturale ou romanesque. L'imagination joue donc dans la vie intellectuelle un rôle fort important que nous allons tâcher de préciser. * * * Au sens large, le terme de « vie intellectuelle « désigne l'ensemble des fonctions qui contribuent à nous faire connaître et à nous faire comprendre les choses. Nous commençons donc par observer le rôle de l'imagination dans l'activité plus humble d'où nous viennent nos connaissances. La connaissance semble débuter par la perception. En réalité, nous ne percevons guère sans avoir, au préalable, imaginé ce que nous allons percevoir; qu'on observe ce qui se passe quand nous attendons un ami ou un parent à la sortie d'une gare ou d'une salle de spectacle : nous projetons au-devant de la sensation attendue des images qui la renforcent et la complètent. Faute de ces images, quand nous voyons quelque chose pour la première fois, la vue manque d'abord de netteté; nous devons procéder à une sorte d'inventaire et enregistrer des images qui viendront ensuite faciliter l'interprétation des données sensorielles. Il n'y a pas de bonne perception sans préperception; or, prépercevoir, c'est imaginer.

« procède aux corrections exigée par la logique et c'est ainsi que je parviens, par tâtonnements, à un raisonnementrationnellement valable.Cette analyse de la genèse du raisonnement nous amène à nous représenter plus concrètement le rôle del'imagination dans la vie intellectuelle.

Qu'il s'agisse de la création artistique, de la recherche scientifique, de lasolution d'un problème mathématique ou de la spéculation philosophique, nous observons le même processus :l'imagination prend les devants et propose une réponse à la question posée.

Cette réponse est le plus souventimpropre, car ce n'est pas sans raison que l'imagination a été appelée «la folle du logis »; mais, comme tous lesfous, elle est d'autant plus féconde qu'elle est moins capable d'apprécier la valeur de ses trouvailles; aussi, dans lamasse de ses apports, se rencontre-t-il parfois quelques suggestions heureuses amenées par le hasard descombinaisons d'images ou d'idées.D'ailleurs, le hasard est souvent aidé par de mystérieux coups de pouce qui écartent les combinaisons stériles etretiennent celles qui promettent d'aboutir.

C'est que, à force d'avoir subi le contrôle de la raison, l'imagination elle-même s'imprègne d'une sorte de rationalité; elle acquiert un certain sens de l'harmonie, de l'ordre et même de lalogique.

Normalement, la pensée spontanée, celle qui se réduit à des jeux de l'imagination, est incohérente.

Mêmeles premières ébauches de pensée réfléchie, par exemple les premières lignes que j'ai écrites pour fixer mes idées surle sujet que je traite, ne sont pas logiques : la logique est mise après coup, par la correction réfléchie du premierjet.

Il arrive cependant, une fois l'esprit en train, que spontanément les idées s'alignent dans un ordre auquel laraison ne trouve à peu près rien à redire, mais avec une aisance et un bonheur d'expression qu'il serait bien difficiled'obtenir par une réflexion d'après coup.

L'imagination paraît alors procéder avec toutes les exigences de la raison.C'est dans ces circonstances heureuses que le travail avance, que les difficultés s'évanouissent et que lesdécouvertes se multiplient.Sans l'imagination, le travail intellectuel se réduirait à la rumination indéfinie du donné.

C'est l'imagination qui,indifférente d'abord à toute logique, part à l'aventure et occasionne par là les découvertes qui stimulent l'activité del'esprit, puis en vient elle-même à se plier à une certaine logique. Conclusion.

— S'il fallait caractériser d'un mot le rôle de l'imagination dans la vie intellectuelle, nous pourrions dire qu'elle en est la pourvoyeuse.

Sans se lasser, elle apporte matériaux sur matériaux, la plupart impropres au butqu'on se propose, mais quelques-uns utilisables.

Dans cette abondance, la raison fait son choix.L'imagination, avons-nous dit, apprend peu à peu à choisir.

Mais peut-être en faisant cette remarque avons-nousoublié que l'esprit humain n'est pas comparable à un service assuré par des fonctionnaires ayant chacun sa tâchepropre.

En réalité, c'est le même esprit qui imagine, qui contrôle et qui raisonne.

Si nous en venons parfois à penserspontanément d'une façon rationnelle, ce n'est sans doute pas que l'imagination se soit approprié les caractères dela raison, mais que l'esprit est tout entier au problème qui nous occupe.

Cependant, puisque nous devons distinguerdiverses fonctions dans l'activité mentale, c'est à la raison et non à l'imagination qu'il faut attribuer l'ordre et lalogique des constructions de l'esprit.

L'imagination n'apporte jamais d'œuvre achevée.

Elle ne fournit que desbrouillons.. »

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