Quel est le critère de la vérité ?
Publié le 24/01/2020
Extrait du document
L'évidence
À quoi reconnaît-on la vérité ? À cette question, la plupart des philosophes classiques ont suivi Descartes pour répondre : à l'évidence* des idées vraies {cf. textes 9 et 10).
Cela signifie, comme l'affirmait Spinoza, que la vérité est index sui, qu'elle se montre d'elle-même, par sa seule clarté : « Qui a une idée vraie sait en même temps qu'elle est vraie et ne peut douter de la vérité de sa connaissance » (Éthique, II, 43).
Mais peut-on tout connaître par évidence ? C'est sans doute impossible (l'entendement humain n'est pas infini), mais ce n'est pas non plus nécessaire. Il suffit de connaître par évidence les premiers principes de la connaissance, les vérités premières, et d'établir toutes les autres par démonstration, c'est-à-dire en les déduisant de proche en proche à partir des premières. Ainsi, pour Descartes, l'intuition — c'est-à-dire l'évidence— et la déduction sont les deux seules voies qui conduisent à la vérité (cf. texte 10).
L'ordre du vrai aurait donc un modèle : l'ordre géométrique, tel qu'Euclide, dès ('Antiquité, l'avait formalisé dans ses Éléments de géométrie. C'est à lui que pense Descartes lorsqu'il écrit : « Ces longues chaînes de raison toutes simples et faciles, dont les géomètres ont coutume de se servir pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m'avaient donné occasion de m'imaginer que toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes s'entresuivent de la même façon, et que, pourvu seulement qu'on s'abstienne d'en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit, et qu'on garde toujours l'ordre qu'il faut pour les déduire les unes des autres, il n'y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu'on ne découvre » (Discours de la méthode, IIe partie).
«
Évidence intellectuelle
ou évidence sensible ?
L'évidence dont parle Descartes est purement intellec
tuelle.
C'est un acte pur de l'esprit qui conçoit une idée avec
suffisamment de clarté et de distinction pour que sa vérité
s'impose immédiatement.
Les sens, quant à eux, sont récu
sés, car trompeurs.
Peu fiables, ils ne peuvent être la base
de nos certitudes.
Cette approche « intellectualiste » de la connaissance fut
vigoureusement combattue, à partir du xv111• siècle, au fur et
à mesure du développement des sciences expérimentales:
on ne peut traiter le monde physique comme un système
mathématique et se contenter de déduire ses lois à partir
d'axiomes «évidents».
Dans le domaine des sciences de
la nature, le critère de la vérité doit être l'observation des faits.
C'est ce qu'affirme l'empirisme du xv111• siècle contre le ratio
nalisme cartésien du xv11•.
Il suffit, disait Diderot, que New
ton montre le prisme pour que toutes les « démonstrations »
concluant que la lumière ne se décompose pas soient ins
tantanément ruinées.
La vérité se voit bien d'elle-même, mais
par l'observation des faits, non par une inspection de l'esprit.
Dans cette perspective empiriste, c'est l'évidence sensible,
non l'évidence intellectuelle, qui devient le critère de la vérité.
Le calcul contre l'évidence
Le critère cartésien de l'évidence s'est heurté, dès la fin
du xv11° siècle, à une autre objection, formulée par Leibniz :
l'évidence est un critère peu fiable, car trop subjectif.
Elle
se définit par le fait que la représentation d'une idée s'accom
pagne d'un sentiment de certitude, mais quel crédit accor-.
der à ce sentiment? Chacun de nous a fait l'expérience d'évi
dences trompeuses, tant sensibles qu'intellectuelles.
Com
ment alors peut-on distinguer l'évidence de ses faux
semblants?
Descartes nous donne bien, pour ce faire, une méthode :
l'attention de l'esprit et la méfiance à l'égard de la « précipi
tation » et de la «prévention», c'est-à-dire des jugements
prématurés.
Mais qu'est-ce qui nous garantit d'avoir été suf
fisamment attentifs, d'avoir suffisamment évité de nous
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-1.
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