Quel enseignement peut-on recevoir de l’expérience ?
Publié le 19/04/2014
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L’opinion commune survalorise l’expérience en l’opposant à la théorie jugée abstraite et éloignée de la réalité, coupée de l’expérience concrète, et détaché du vécu. L’expérience serait alors la seule et unique source d’un authentique enseignement. Contre les mots vides, aux mots futiles, le vécu atteindrait pleinement et spontanément le réel comme tel. Par exemple, on mesure la distance entre l’expérience de la souffrance et du sentiment amoureux par rapport à la littérature de la douleur et de l’amour. Mais cet enseignement est-il pour autant reçu de l’expérience ? Suffit-il d’exister, d’avoir de l’expérience pour tirer des leçons du vécu ? Ou encore, l’expérience est-elle instructive ? La tâche ne nous incombe-t-elle pas de puiser des enseignements de l’expérience ? De prime abord, l’expérience renseigne que celui qui est susceptible de l’interpréter. Nous sommes alors plongés dans un étrange paradoxe : la raison, l’esprit tiendrait sa fécondité de l’expérience, mais en retour, l’expérience ne nous instruirait que par rapport au travail de l’esprit.
Ne recevons-nous pas tout enseignement de l’expérience ? L’expérience n’est-elle pas à l’origine du savoir-faire ? Il est un lieu commun de signifier que l’expérience est enrichissante en enseignement. Mais d’où vient une telle affirmation ?
«
confrontation avec le réel.
Dans cette appréhension du monde réel se livre une expérience qui
s’accompagne de toute une constellation de données jusqu’alors ignorées.
L’expérience rejoint ainsi la
sphère des faits, de ce que Levinas nommera le « il y a » : il y a du désir, et ce désir est mien.
Voilà ce que
nous éprouvons quand nous éprouvons du désir.
L’expérience nous livre ainsi des données, des faits
nouveaux.
On peut affiner cette première saisie en dissociant deux modes de faits.
Si l’objet d’expérience
existe en dehors de nous, nous percevons cet objet par le truchement de la sensation, des sens.
En
revanche, si l’expérience est l’épreuve d’un état intérieur, nous avons alors l’épreuve d’un sentiment,
d’une émotion.
Aussi perception et sensation sont les deux ressorts par lesquels la raison, l’esprit se heurte
à la réalité qu’il reçoit et qui ne vient pas de l’esprit.
Aussi dans l’expérience, l’esprit est- il passif, un
réceptacle de données diverses.
Cette passivité est le propre de l’expérience.
Lorsque nous percevons un
objet extérieur, l’esprit reçoit passivement les qualités de l’objet (forme, couleur, etc.).
La perception n’a
pas la capacité de le faire apparaître.
Identiquement, quant on ressent une émotion ou un senti ment, nous
sommes passifs, nous subissons ce qu’il convient d’appeler en son sens étymologique une passion, passio
qui dit tout à la fois l’épreuve et le subir.
Perception, sentime nt, passion sont des modalités de
l’expérience.
Cette nouvelle acception de l’expérience comme réception ou rencontre avec la réalité est voisine
de celle de pratique.
L’expérience pratique s’accorde avec l’expérience en tant que confrontation au réel.
En effet, le mou vement de passage du théorique au pratique implique un acte pour lequel l’esprit opère
une sortie hors de lui -même.
Il en va ainsi dans le domaine industriel quant on fait l’expérience d’un
prototype, ou encore dans le registre de la science, on soumet une hypothèse de travail à un protocole
d’expériences contrôlées.
On procède alors à une expérimentation, c’est -à -dire à une épreuve devant des
faits.
Toute expérience au sens d’essai ou de tentative repose sur une rencontre avec des données
extérieures qu’il s’agit de comprendre et de maîtriser.
La signification de l’e xpérience souligne la tentative
de l’esprit de sortir de ses propres limites pour recevoir des données inouïes.
De toute apparence si l’expérience est la confrontation avec le réel dès lors il y a un authentique
enseignement qui découlerai t de l’expérience.
Sans l’expérience, l’esprit se coupe de la réalité sans
parvenir à recevoir une matérialité.
Il serait vide, sans contenu.
Ce qui revient à imputer au théorique un
défaut, une impossibilité de nous instruire.
D’où l’argument selon lequel on apprendrait plus dans la vie
que dans la littérature, que des leçons théoriques sur les dangers du taba gisme sont complètement
inefficaces alors que l’expérience est plus significative .
C’est dire qu’il n’y a rien à espérer de
l’enseignement théorétique, qu’il reste purement et simplement verbal pour ne pas dire verbeux.
Par
exemple, le mot « cheval » ne dit rien sur le cheval alors que monter à cheval nous apprend ce qu’est cet
animal.
Assurément, on pourrait objecter que l’enseignement théorique en rupture avec le donné factuel
produit du sens.
Lorsqu’on lit la description littéraire d’un sentiment, l’amour chez Proust, on peut
imaginer ce qu’a ressenti un personnage.
Quand Zola dépeint dans L’ Assommoir un estaminet on peut
entrapercevoir l’atmosphère d’un bar.
Mais peut -on réellement imaginer l’ambiance d’un café si nous
n’avons pas au préalable fréquenté un lieu de boisson ? Quand on contemple un tableau représenta nt un
paysage, peut -on r éellement le voir si nous n’avons aucune expérience de la vue d’une maison, d’une
forêt, d’une montagne ? L’imagination n’est- elle pas la simple composition fictive de lambeaux de
réalité ? Autrement dit, la théorie face à l’expérience comme pratique et en tant qu’épreuve frise le délire
verbal et le non sens.
C’est ce qui explique que pour les empiristes, tout vient de l’expérience.
Pour eux
( Hume , Locke, etc.) la foi de l’homme pieux ou les doctrines métaphysiques sont de pures constructions
intellectuelles en décalage avec la réalité, des fictions intellectuelles purement gratuites .
Aussi le sens
commun est -il très proche de l’empirisme philosophique s’en remettant à l’expérience comme source de
savoir de la réalité.
Car pour eux, l’expérience est sensible donnant des informations sur le monde.
Elle se
fonde sur la perception et sur le sentiment.
Mais cet empirisme qu’il soit commun ou philosophique.
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