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Que veut-on dire lorsqu'on traite une philosophie de rationalisme ?

Publié le 27/02/2008

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Le rationalisme est alors la doctrine de ceux qui ne veulent reconnaître aucune autorité intellectuelle supérieure à la raison naturelle. Cette doctrine, définie par la proposition : « Toutes les vérités de la religion dérivent de la puissance naturelle de la raison humaine », est condamnée comme une des « principales erreurs de notre époque » par le Syllabus du pape PIE IX (1864). C'est en somme le naturalisme ou la négation de la révélation. ? Sans nous arrêter à ce sens spécial, nous observerons simplement que, chez les grands rationalistes classiques, ceux du XVIIe siècle notamment, le culte de la raison ne va nullement jusqu'à un tel naturalisme et que PASCAL lui-même reconnaît « deux excès : exclure la raison, n'admettre que la raison » (Pensées, fr. 253). B. ? De nos jours, l'anti-intellectualisme et l'irrationalisme régnant ont fait souvent attribuer au terme rationalisme un autre sens péjoratif. Il désigne alors la tendance à privilégier la pensée conceptuelle et la raison discursive, à attribuer au raisonnement ce qui n'appartient qu'à l'intuition, à plier aux normes de la « raison constituée » des notions nouvelles qui exigent de nouveaux cadres, parfois aussi à méconnaître, sur le plan de l'action, les conditions concrètes de l'existence humaine : « Le rationalisme consiste essentiellement, écrit Marcel DE CORTE {Philos, des moeurs contemporaines, p. 50), dans une " fuite de soi " vers l'abstraction et dans une sclérose des puissances affectives..., il se condense tout entier dans la perte du sens de l'être.
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« sentiments ou des instincts. 2° Si la notion de l'immutabilité absolue de la raison ne peut être maintenue, du moins doit-on reconnaître, dansl'évolution de la raison, certaines constantes.

Or la plus caractéristique de ces constantes est la tendance àrechercher partout des identifications, des assimilations.

Sera donc qualifiée de rationaliste une pensée qui, au lieude se perdre, comme PLATON 1 le reprochait aux Sophistes de son temps, dans la multiplicité des distinctionssubtiles et artificielles, s'efforce, non seulement de demeurer cohérente et une, mais aussi de retrouver, parmi ladiversité et le changement, des identités, des constantes, des permanences.

Cette recherche de l'identité a prisdans la pensée et spécialement la science modernes des formes diverses, mais elle demeure fondamentale.

— Ellen'est pas moins importante sur le plan de l'action que sur celui de la connaissance.

Car la vie morale, comme lapensée rationnelle, est harmonie intérieure, accord avec soi-même, fidélité aux valeurs librement acceptées.

Il y abien en ce sens, un rationalisme moral. 3° Le rationalisme classique, surtout cartésien, avait été une philosophie des « idées claires et distinctes », et cecaractère est lié au précédent : car le divers est souvent le confus, et la « supériorité du même sur Vautre »,comme dit A.

LALANDE, entraîne la supériorité du clair sur l'obscur.

— Nous croyons qu'est seule digne du qualificatifde rationaliste une philosophie qui conserve ce culte des idées claires et distinctes et qui s'oppose par là à ce goût,si répandu de nos jours, pour « une obscurité verbale qui donne l'illusion de la profondeur ».

Toutefois, comme l'amontré G.

BACHELARD, nous ne pouvons plus conserver aujourd'hui les illusions du cartésianisme qui identifiait lesidées claires et distinctes avec ces « natures simples », immédiatement saisies, au point de départ, par une intuitiond'évidence.

La clarté et la distinction, c'est-à-dire, en somme, l'intelligible, ne sont pas des données.

Le rationalismemoderne n'ignore pas qu'il faut les conquérir par un lent et patient labeur et bien souvent les remettre sur le métier.Autrement dit, il est essentiellement un « rationalisme offensif », selon l'expression de D.

ROUSTAN; il se caractérisepar un effort de clarification en même temps que d'identification.

— Ici encore, l'idée vaut pour le plan de l'actioncomme pour celui de la connaissance.

Est rationaliste une philosophie qui, au lieu de chercher le fondement desvaleurs « dans la sphère des instincts », s'efforce de donner à nos actes moraux des motifs clairement conçus etlucidement délibérés. 4° C'est de la même façon qu'on peut interpréter aujourd'hui le caractère d'universalité attribué à la raison par lerationalisme classique, a) Universalité quant à l'objet.

Certes, le rationalisme ne peut plus consister aujourd'hui àappliquer mécaniquement ou formellement les mêmes catégories ou les mêmes principes à tout le réel.

Bien plutôt,savants et épistémologues seraient-ils disposés à parler, comme le fait G.

BACHELARD (Le Rationalisme appliqué,chap.

VII), de « rationalismes régionaux », c'est-à-dire de formes d'intelligibilité propres à certains domaines du réelou à certains niveaux de l'expérience (c'est ainsi que, selon certains savants, le principe du déterminisme nevaudrait que pour les phénomènes à l'échelle macroscopique).

L'idée d'universalité subsiste cependant en ce sensque le rationalisme postule que, sous une forme ou sous une autre, tout le réel, dans l'ordre naturel, estrationalisable; il implique « que le réel est en prise directe sur la rationalité » (BACHELARD, OUV.

cité, p.

3), « que laraison est corrélative de la réalité » (LALANDE).— b) Universalité quant au sujet.

Ici encore, il ne saurait plus êtrequestion d'une universalité absolue : nous savons aujourd'hui qu' « à des types sociaux différents correspondent desmentalités différentes ».

Du moins doit-on maintenir comme une des affirmations essentielles du rationalisme cetteidée que « la raison est communauté », qu'elle « s'exprime par une législation spontanée, théorique et pratique, liendes hommes en tant que semblables » (LALANDE, OUV.

cité, p.

9) et qu'ainsi le rationnel est ce qui unit les hommes,tandis que l'instinct ou le passionnel les séparent et les dressent les uns contre les autres.

L'universalité apparaîtainsi comme une limite vers laquelle nous devons tendre et qui serait, soit, sur le plan spirituel, cette « cité desesprits » dont parlaient SAINT AUGUSTIN et MALEBRANCHE, soit, sur le plan de l'action, ce « règne des fins »qu'évoquait KANT.

Il est à peine besoin d'indiquer la portée morale aussi bien qu'intellectuelle d'un tel idéal. Conclusion. En résumé, peut être dite, de nos jours, rationaliste toute philosophie qui, sans nécessairement nier le transrationnel (et notamment le surnaturel religieux) ni méconnaître le côté affectif et actif de l'existence humaine,croit à l'activité propre de l'esprit à la fois dans l'oeuvre de la connaissance et dans l'action morale, cette activitéétant essentiellement normative — qui met en valeur le besoin d'ordre et de cohérence dans la pensée comme dansla conduite et la tendance de l'esprit à rechercher l'identique sous le divers, en même temps que l'effort del'intelligence vers les idées claires — qui enfin tend à l'universalité aussi bien dans son application au réel que dansl'adhésion qu'elle sollicite de la part des esprits de bonne foi.. »

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