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Que vaut l' idée d' un droit international ?

Publié le 14/01/2005

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Mais cela implique de considérer que la guerre est un moment parmi d'autres du droit, et que ce dernier n'est que l'imposition de la force par d'autres moyens. C'est cette conception du droit que Calliclès soutient à Socrate dans le dialogue de Platon intitulé le Gorgias où il expose l'idée selon laquelle c'est la force qui fait le droit. Le problème soulevé par cette théorie, c'est qu'on ne voit plus vraiment ce qui définit le droit en tant que tel. Il faut donner un fondement spécifique au concept de droit pour que celui-ci prenne sens. b) Contre la doctrine immoraliste de Calliclès, Platon considère qu'il existe quelque chose qui fonde le droit indépendamment des faits et qui prévaut sur les faits. C'est cela qu'il pense trouver dans le logos (la raison), un principe d'ordre révélateur d'une justice objective et universelle. La justice est alors l'analogue politique de l'ordre cosmique. C'est pourquoi dans le Gorgias, Platon met ces mots dans la bouche de Socrate : « Les savants, Calliclès, affirment que le ciel et la terre, les dieux et les hommes, sont liés ensemble par l'amitié, le respect de l'ordre, la modération et la justice, et pour cette raison ils appellent l'univers l'ordre des choses, non le désordre ni le dérèglement. Tu n'y fais pas attention, je crois, malgré toute ta science, et tu oublies que l'égalité géométrique est toute-puissante parmi les dieux comme parmi les hommes. Tu es d'avis qu'il faut travailler à l'emporter sur les autres : c'est que tu négliges la géométrie ».
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« 2. a) La conception de la justice que nous a présentée Platon s'inscrit dans un contexte particulier : il vise par làl'unité de la cité.

Or la cité grecque est constituée d'une population assez peu nombreuse, et, qui plus est, Platonconsidère qu'une cité bien ordonnée est une cité où règne la cohésion et l'unité.

Le modèle de la cité grecquecorrespond donc à un ensemble de circonstances bien précises qu'il est peut-être difficile de déplacer dans un autrelieu et dans d'autres temps.

Souhaiter l'extension de ce modèle à toutes les nations, ne serait-ce pas prendre lerisque de l'anthropocentrisme par lequel on juge de tout par la lorgnette de son point de vue restreint ? b) Cette conception platonicienne de la justice semble ainsi bien difficile à appliquer à l'échelle mondiale, puisqu'ils'agit dès lors de réguler les interactions de nations entières.

Outre le problème du nombre, ces différentes nationssont le résultat d'un long processus historique qui a constitué pour chacune d'entre elles une certaine identiténationale.

Ces identités nationales se composent elles-mêmes d'une certaine approche du droit, mais aussi decoutumes et de croyances qui peuvent entrer en contradiction d'une nation à l'autre. c) « Vérité au-deça des Pyréneés, erreur au-delà » écrivait Pascal dans ses Pensées.

En exposant cela, ce philosophe voulait nous laisser entendre que rien ne pouvait aller à l'encontre de la coutume, et que ce qui étaitsupposé juste au sein de telle culture pouvait être jugé injuste dans telle autre.

Ce n'est en effet pas la raison quigouverne les hommes, mais les passions, et celles-ci sont si fortes que les habitudes et les coutumes s'inscriventtrès profondément dans les hommes qui les subissent, à tel point qu'elles deviennent pour eux comme une« seconde nature », selon l'expression que Pascal utilise dans ses Pensées .

Dès lors, il semble impossible d'espérer trouver des valeurs universelles qui puissent être communes à toutes les nations, et il devient impossible de fonderun droit international. "Sur quoi [le souverain] la fondera-t-il, l'économie du monde qu'il veutgouverner ? Sera-ce sur le caprice de chaque particulier ? Quelleconfusion ! Sera-ce sur la justice ? Il l'ignore.Certainement, s'il la connaissait, il n'aurait pas établi cette maxime, laplus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes, que chacunsuive les moeurs de son pays ; l'éclat de la véritable équité qui auraitassujetti tous les peuples, et les législateurs n'auraient pas pris pourmodèle, au lieu de cette justice constante, les fantaisies et les capricesdes Perses et Allemands.

On la verrait plantée par tous les États dumonde et dans tous les temps, au lieu qu'on ne voit rien de juste oud'injuste qui ne change de qualité en changeant de climat [...].Plaisante justice qu'une rivière borne ! Vérité au-deçà des Pyrénées,erreur au-delà.De cette confusion arrive que l'un dit que l'essence de la justice estl'autorité du législateur, l'autre la commodité du souverain, l'autre lacoutume présente ; et c'est le plus sûr : rien, suivant la seule raison,n'est juste de soi ; tout branle avec le temps.

La coutume fait toutel'équité, par cette seule raison qu'elle est reçue ; c'est le fondementmystique de son autorité.

Qui la ramène à son principe, l'anéantit." Blaise Pascal, Pensées (1670). Ce que défend ce texte: Ce texte de Pascal s'ouvre sur une question qui s'adresse à tout gouvernant d'un État : sur quel principe celui-cidoit-il fonder l'organisation (« l'économie ») de la société qu'il veut gouverner ?S'agit-il de fonder le droit sur « le caprice de chaque particulier» ? Pascal rejette cette solution qui ne peut aboutirqu'à une confusion, celle qui résulte des désirs changeants et contradictoires de chacun, où nul gouvernement nepeut trouver sa cohérence.S'agit-il de le fonder sur l'idée de la justice et de régler les lois sur ses exigences ? Or, pour Pascal, les princesignorent ce qu'est la justice universelle, et c'est cette thèse qu'il va tenter de démontrer dans ce texte.S'ils connaissaient une telle justice, en effet, ils n'auraient pas établi cette règle, « la plus générale de toutes cellesqui sont parmi les hommes », qui consiste à affirmer que « chacun suive les moeurs de son pays » et la conceptionde la justice que les traditions développent chacune en particulier.

Descartes lui-même, dans le Discours de laméthode, reprendra à son compte une telle règle, lorsqu'il adoptera une « morale provisoire » pour accompagnerl'épreuve du doute : suivre les moeurs de son pays et les valeurs qu'elles établissent.Une telle règle, si communément admise, prouve que nul n'a pu déterminer la justice universelle, celle qui se seraitimposée à tous les peuples avec l'évidence de la vérité.

Si une telle vérité existait, elle aurait soumis tous lespeuples, non par la contrainte qu'imposent les guerres, mais par la seule force de la reconnaissance « de la véritableéquité ».

Celle-ci se serait imposée d'elle-même, enracinée (« plantée ») dans le coeur des hommes et dans leursÉtats, en tout lieu et en tout temps.Or, l'histoire nous montre une « relativité » des conceptions du juste et de l'injuste qui parle d'elle-même.

Ce qui estjuste ici est considéré comme blâmable là et réciproquement.

Ce qui est le bien en France (au-deçà des Pyrénées)est une erreur ou un vice en Espagne (au-delà des Pyrénées).

Nous ne pouvons que nous moquer alors d'une justicequi « change de qualité en changeant de climat », justice qui doit être davantage objet de plaisanterie (« plaisantejustice ») que de respect.. »

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