Que représente le langage pour l'écrivain, pour le savant, pour le philosophe ?
Publié le 11/01/2004
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Lorsque nous parlons de langage, nous parlons en réalité de deux choses : d'une facette sociale, qui est la langue,c'est-à-dire, l'ensemble des conventions langagières adoptées par un corps social ; d'une facette individuelle, quiest la parole, par laquelle un locuteur isolé actualise l'une des possibilités incluse en puissance dans la langue.
L'écrivain est l'artiste dont la matière privilégié est le langage, les mots.
Derrière ce terme, nous pouvons décider deplacer l'ensemble de ceux qui créent par ce moyen, à savoir les romanciers, les poètes ou les dramaturges, avectout ce que cela implique dans la variété des genres pratiqués et de différences concrètes dans l'écriture.
Mais dansun sens plus restreint, nous pouvons dire que l'écrivain est celui qui crée des fictions en prose, comme c'est le casdu romancier.
Par savant, nous entendrons celui qui a la science pour objet, c'est-à-dire l'acquisition d'un savoir aussi assuré quepossible concernant un domaine de la pensée spécifiquement déterminé.
Le savant est donc celui qui se propose derechercher la vérité dans un domaine, mais aussi, dans un sens moins spécifique, celui qui travaille à l'acquisitiond'un savoir dense et important.
En ce sens moins exact, le savant est tout simplement celui qui « sait » qui a acquisun savoir qui fait de lui une autorité sur une question ou un domaine de la pensée.
Par philosophe, nous entendrons le penseur qui fournit un effort pour penser par lui-même, pour s'interroger sur cequi est essentiel à l'homme et chercher à y répondre au moyen de la seule raison.
Le philosophe a pu se confondredans les premiers temps de l'histoire de sa discipline avec le savant, notamment, tel Aristote qui a également écritdes traités touchant à ce que nous nommons aujourd'hui la biologie.
Mais dans un sens aussi général que possible,permettant d'inclure l'ensemble des différences historiquement déterminées, nous dirons que le philosophe est celuiqui assume une pensée libre et personnelle sur le monde et les choses.
Le verbe « représenter » signifie dans le contexte qui nous occupe « accorder une valeur ».
En effet, si nouscherchons à savoir ce que représente le langage pour quelqu'un, nous cherchons à déterminer comment ce derniers'y rapporte, quelle valeur il lui accorde, comment il se le figure avant d'en user.
Si nous posons cette question àpropos de l'écrivain, du savant et du philosophe, nous ne pourrons qu'être amenés à remarquer des différencesfondamentales entre leurs manières de se représenter le langage, puisqu'ils ne poursuivent pas les mêmes buts,comme nous le verrons.
Mais nous nous demanderons si par delà ces différences, il n'existe pas également certainessimilitudes qui nous permettent de rapprocher leurs représentations respectives du langage.
Nous articulerons notre réflexion autour des concepts de moyen et de fin, en nous demandant si l'écrivain, le savantet le philosophe accordent la même valeur de fin en soi ou de moyen d'autre chose au langage.
I.
Le langage pour l'écrivain : une fin en soi ? a.
La distinction de Roland Barthes entre « écrivain » et « écrivant »
Nous commencerons par présenter une distinction fameuse dont Roland Barthes est l'auteur et qui nous permettrad'aborder la question qui nous occupe.
Roland Barthes distingue entre l'écrivain et l'écrivant.
L'écrivant est celui quise représente le langage comme le moyen d'une fin qu'il poursuit à travers elle.
Le journaliste, par exemple, est unécrivant : car le langage n'est pas l'objet privilégié de son travail, préoccupé qu'il est par le message univoque qu'ildélivre à travers lui.
A l'inverse, l'écrivain est celui qui se représente le langage comme une fin et nullement commeun moyen : l'écrivain travaille la langue, au sens où l'on travaille un métal, une matière, au même titre que le fait unsculpteur avec la glaise qu'il modèle.
Dans la tradition du poète Mallarmé, Roland Barthes distingue celui pour qui lelangage est comme la monnaie, à savoir le moyen d'obtenir quelque chose, est celui pour qui le langage est untrésor à conserver pour lui-même.
b.
L'écrivain, dans le sens large ou restreint du terme, se rapporte au langage comme à une fin en soi
A la lumière de ce que nous venons de montrer, nous pouvons dire que le langage représente pour l'écrivain (et nonpour « l'écrivant ») une fin et non un moyen.
En effet, nous pouvons parfaitement employer le terme d'écrivain dansles deux sens que nous avons identifiés en introduction et affirmer la même chose.
Si par écrivain, nous entendonsen général l'homme de lettres, le dramaturge, le romancier et le poète, indifféremment, nous dirons que le langageest pour tous une fin, non un moyen.
Car le propre du langage littéraire est d'être polysémique, de permettre de direplusieurs choses au sein d'une même phrase, signifiants à la fois contradictoires et compatibles.
Et si nous.
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