QUE PEUT LE LANGAGE? - DM
Publié le 14/03/2023
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Khâgne
Devoir maison: Philosophie
QUE PEUT LE LANGAGE?
Il est commun d’estimer que parler revient à transmettre des informations, à
exprimer une pensée et à communiquer avec autrui; dans cette conception l’opinion
semble peu distinguer les notions de langue, de langage et de parole.
Or, afin de penser
la linguistique, il semble nécessaire d’effectuer cette distinction.
En effet ce que l’on
désigne communément comme système de signes vocaux ou graphiques n’est pas le
langage mais la langue, qui regroupe une multitude de signes.
Le langage, lui, est une
faculté.
Il permet à l’homme de faire usage de la langue.
La parole, est ce qui existe
lorsqu’on communique à l’oral : c’est une combinaison du langage et de la langue.
Ainsi,
si la langue est un système conventionnel, le langage semble être une capacité innée.
En
ce sens, il parait légitime de s’interroger sur les possibilités permises par cet aptitude
propre à l’homme.
Est-il un simple moyen, un simple procédé visant la communication
ou permet-il davantage dans notre rapport avec l’autre, notre environnement ou même
nous-même? Nous nous poserons donc la question suivante: que peut le langage?
Afin de répondre, il faudra dans un premier temps examiner ce que vise le langage:
quelles sont ses fins? Ensuite, il s’agira de comprendre si le langage est capable des
mêmes choses selon les signes dont il use : quelles différences entre l’oralité, l’écrit et ce
qui passe par le corps ? Enfin, si le langage est détenteur de certains pouvoirs, comme
ceux de persuader ou de commander, il paraît sensé de se questionner quant à sa
responsabilité : est-ce parce que le langage a la puissance de faire quelque chose qu’il a
pour autant le droit de le faire ?
Le langage comme possibilité naturelle semble remplir une fonction première : la
communication.
Cette faculté viserai donc dans un premier temps à faciliter l’intégration
sociale de l’homme.
Mais si cet objectif paraît évident, est-il pour autant la seule visée
du langage ?
Parmi les textes rédigés autour de l’origine de la langue, la Bible posait déjà cette
idée selon laquelle la parole, donc l’expression directe du langage, permettrai d’unifier
les hommes.
Dans la Genèse, au chapitre onze, le livre explique la multiplicité des
langues par le mythe de la Tour de Babel.
La langue unique des origines aurait été
divisée en une multitude de langues pour apporter la discorde entre les hommes et les
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empêcher de se concerter en vue d'une action commune.
Dans le monde scientifique
également, notamment à travers les thèses des biologistes évolutionnistes John Maynard
Smith et Eörs Szathmáry, le langage serait la plus récente des huit transitions majeures
dans l’évolution de la vie, et aurait permit l’émergence des sociétés humaines.
Cette
idée que le langage se soit développé chez l’homme afin que celui-ci soit en mesure «
d'établir une communication en vue d'une coopération », rejoint la thèse défendue par
Henri Bergson dans son livre de 1934 La pensée et le mouvant.
Le philosophe y présente
la fonction primitive du langage comme une fonction sociale.
Selon lui, la parole serait
inhérente au processus de pensée : « Pour les Grecs, la parole est égale à la raison
(logos) : toute idée ne peut s’exprimer que par le langage ; la pensée provient du
langage.
Il n’y aurait donc pas de pensée sans langage ; pas de pensée hors des mots.
Or,
il existe bien une langue des signes (gestes) à destination des sourds-muets et il y a bien
langage.
Le langage est donc un système de signes qui sert à exprimer des idées.
La
pensée fonctionne comme la langue ; la grammaire est l’expression de la raison.
Il n’y a
pas de pensée sans mise en forme de la pensée.
».
En s’interrogeant lui aussi sur
l’origine du langage, Bergson avance que les idées comme les mots sont inventés sur la
base d’une faculté naturelle qui nous permet de remplir notre fonction sociale.
En
défendant la thèse selon laquelle le langage serait naturel, Bergson rejoint le Platon du
Cratyle, qui soutient que le mot est naturel en ce qu’il signifie une chose et une seule, et
de façon non-arbitraire, quelle que soit la langue.
D’après Bergson, cela repose sur le
caractère social de l’homme.
En comparant l’humanité aux fourmis, êtres vivants
également en société sous des rôles déterminés, Bergson veut singulariser la sociabilité
de l’homme.
Il écrit : « la fourmi possède les moyens tout faits d’atteindre le but, tandis
que nous apportons ce qu’il faut pour les réinventer et par conséquent pour en varier la
forme » Ainsi chez la fourmi, les organes et sa communication ont un fonctionnement
inné.
Sa fonction sociale est un savoir inscrit dans son corps, c’est un instinct.
Chez
certaines fourmis il y a des ouvrières et des soldats qui peuvent être distinguée rien que
par leur physiologie.
Cependant, chez l’homme cela est impossible, car ses moyens sont
inventés, et non donnés.
L’homme, par la technique et l’emploi d’outil, crée lui-même
les moyens de sa vie sociale.
La fonction de chaque individu n’est pas innée.
En résulte
pour Bergson l’idée que le langage fait partie de ces moyens qu’il doit lui-même mettre
en mouvement pour accomplir son rôle social.
« Chaque mot de notre langue a donc
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beau être conventionnel, le langage n’est pas une convention, et il est aussi naturel à
l’homme de parler que de marcher.
», par cette phrase, le philosophe différencie l’idée de
langue conventionelle, c’est-à-dire acquise à travers différents codes sociaux , inventée,
et d’un langage naturel , soit nécessaire et universel.
Pour illustrer son propos, Bergson
compare le fait de parler au fait de marcher.
Il s’appuie par là sur le fait que l’action de
se déplacer debout est naturelle chez l’homme, puisqu’il est physiologiquement fait pour
marcher, mais cela n’empêche pas que chacun doit pourtant apprendre à le faire.
Ainsi
Bergson annonce qu’il y a bien une fonction du langage « primitive », au sens de
fondamentale : celle « d’établir une communication en vue d’une coopération».
Parler
est donc une faculté qui est d’abord liée à la vie en société.
La notion de
« communication peut être prise selon deux sens : à la fois elle produit un effet sur un
autre en émettant un message (le plus simple étant de faire parvenir une information), et
à la fois , étymologiquement elle ramène à l’idée de communauté et à l’action de
partager (en latin communicare signifie « Mettre ou avoir en commun ».) Dès lors, et
puisqu’il est une faculté propre à l’homme, être social, le langage est d’abord
communication.
Néanmoins, notons que la conception bergsonienne n’est pas tout à fait
conforme à l’idée faite par l’opinion publique.
Cette dernière prétend que le langage à
pour fin la communication des idées.
Or, ce n’est pas ce que soutient Bergson.
Lui pense
cette communication permet la coopération, qui serait la véritable fin du langage.
En
effet, travailler avec les autres implique que chacun ait un rôle défini, et cette division
des tâches au sein de la société se fait, d’après le philosophe, à travers la parole, qui
permet à ses membres de se comprendre pour que chacun joue son rôle social.
C’est
aussi en ce sens que l’homme s’invente des moyens pour construire un espace social.
Bergson présente deux deux possibilités : celle de donner des ordres ou d’avertir, « Le
langage transmet des ordres ou des avertissements.
Il prescrit ou il décrit ».
Dans les
deux cas, il s’agit de préparer l’action avec les autres : soit « la fonction est
industrielle »,c’est-à-dire que parler est utilisé pour produire avec d’autres, soit elle est
« commerciale », c’est-à-dire que parler permet l’échange de production , soit elle est
«militaire », c’est-à-dire que parler permet d’organiser la défense ou l’attaque d’un
territoire.
En somme, elle est toujours sociale, et tout usage du langage est social : « Les
choses que le langage décrit ont été découpées dans le réel par la perception humaine en
vue du travail humain.
Les propriétés qu'il signale sont les appels de la chose à une
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activité humaine ».
Néanmoins, pour que les membres de la société soit en mesure de
communiquer une information entre eux, il semble nécessaire que la parole s’inscrive
dans le réel de chacun d’entre eux.
Aussi, Bergson apporte ici une nuance : le langage
ne décrit pas les choses en elles-mêmes mais telle qu’elles sont perçues par l’homme.
Il
parle de « représentation », ce qui en philosophie se rapporte davantage à l'image que
l'on se fait du monde plutôt qu’au monde en soit ; c’est une idée incomplète et provisoire
de ce qu'est la vérité sur un objet donné.
Ni les mots ni les idées n’ont pour vocation
première de nous permettre de nous présenter en vérité les choses.
La perception de la
réalité que nous offre le langage ne nous donne pas les choses en tant que telles, mais ce
qui,....
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