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Que pensez-vous de la formule de Ribot : « C'est la tendance qui est le fait primordial de la vie affective » ?

Publié le 14/06/2009

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Introduction. — Le secteur de la vie psychique le plus négligé est sans doute celui de l'affectivité parce que le plus obscur et le plus complexe. Cependant un psychologue contemporain Théodule Ribot, lui a consacré la partie la plus importante de sa production. Aussi convient-il d'examiner avec une attention particulière cette déclaration célèbre de l'auteur de la Psychologie des sentiments « : C'est la tendance qui est le fait primordial de la vie affective. « I. — EXPLICATION DES TERMES A. La notion de tendance. — a) Pour préciser la signification du substantif « tendance «, nous partirons du verbe dont ce substantif dérive : le verbe tendre «, qui se présente sous deux formes grammaticales, comme verbe actif ou comme verbe neutre. Nous savons très bien ce qu'est que tendre un arc ou un ressort, le jarret ou le biceps, l'oeil ou l'oreille, l'attention ou la volonté. Ce qui est ainsi tendu se dirige spontanément dans une direction ou vers certains objets déterminés. Chez les êtres conscients cette tendance implique un certain effort ; aussi la détente s'accompagne-t-elle de plaisir, tandis qu'une tension continue ou qui n'atteint jamais son objet est pénible. Par là même nous avons la signification essentielle du verbe neutre « tendre «. Ce mot désigne le fait de celui qui, tendu ou du moins orienté dans une certaine direction ou vers un objet déterminé, est porté à un certain acte : le ressort tendu tend à se dégager, l'homme dont on contredit les dires tend à expliquer.

« une tendance dominante et exclusive.

Ainsi, ce serait bien la tendance qui constituerait le fond de toute notre vieaffective.Mais cette systématisation donne lieu à une grave critique : si les plaisirs et les douleurs d'ordre moral sontconditionnés par une tendance, il n'en est pas de même des plaisirs, et surtout des douleurs d'ordre physique ousensoriel.

J'avais faim ou je désirais une bouteille de Bourgogne, je souhaitais ardemment être reçu à l'examen :déçu, je souffre, et cette souffrance de la déception dépend essentiellement de la tension de mon être vers unobjet qui m'échappe.

Mais lorsque je reçois un coup qui me meurtrit ou lorsque mon palais est agréablement surprispar la qualité du vin que je bois, peut-on faire appel à une tendance pour expliquer ces états affectifs ? Dans l'ordrede l'affectivité, le plaisir et la douleur sont donc, nous semble-t-il, des faits primitifs indépendants des tendances etdont l'expérience est à l'origine d'un grand nombre de tendances acquises.Mais ce pouvoir d'acquérir des tendances nouvelles d'où résultera plaisir et douleur constitue un fait essentiel quinous met sur la voie d'une autre interprétation. C.

Primauté d'importance ? — Dans l'usage courant, assez éloigné de la signification étymologique, « primordial » est synonyme de « capital », « principal », « cardinal...

» En faisant de la tendance « le fait primordial de la vieaffective », nous prétendons seulement, considérant les choses dans leur ensemble, que c'est elle, et non le plaisiret la douleur comme on le croit trop couramment, qui donne sa tonalité à notre vie affective et explique sesvariations.En effet, le plaisir et la douleur physiques, dont nous avons dit qu'ils étaient indépendants de la tendance, neprésenteraient qu'une affectivité bien pauvre s'ils n'étaient que physiques, c'est-à-dire s'ils se réduisaient àl'impression sensorielle.

Leur puissance sur nous résulte des superstructures qui se sont ajoutées à l'impressionbrute, en particulier du souvenir qui suscite le désir et la crainte, bref des tendances qu'ont fait naître l'expériencedu plaisir et de la douleur.

Nous jouissons moins des choses elles-mêmes que du sentiment d'être tendu vers ellesavec l'espoir de les posséder ; et de même la plus grande partie des souffrances de notre vie est faite del'exaspération de nos tendances contre un passé qui leur fut défavorable ou contre un avenir que nous prévoyonshostile.Sans doute, les sens manifestent parfois leurs exigences avec force ; l'on songe à la puissance impulsive de la faimet surtout à celle de l'instinct sexuel.

Mais cette force vient beaucoup moins de l'attrait du plaisir ou de la répulsionà l'égard de la douleur que d'une tendance naturelle.

Loin de constituer une exception, ces faits confirment lejugement que nous avions porté : la tendance est le fait primordial de la vie affective.Ajoutons que, du moins chez l'adulte civilisé, le plaisir et la douleur physique comptent moins que les faits affectifsd'ordre moral.

Or, dans cet ordre, ce n'est pas le plaisir que l'on cherche, mais la satisfaction des tendances que l'onpeut réduire à un besoin d'expansion ou à un désir de plus être.

Nous cherchons bien moins à jouir qu'à nous réaliseret à nous donner le sentiment de notre valeur, soit directement, par la méditation orgueilleuse de ce que noussommes, soit indirectement, à travers l'estime des autres ou la réussite de nos entreprises.

Ce ne sont pas le plaisirou la douleur ; c'est ce vouloir vivre, ce vouloir plus vivre, tendance essentielle de tout être vivant, qui constitue leressort essentiel de notre vie psychique.

Pour monter dans l'échelle de la vie, pour nous valoriser, nous n'hésitonspas à nous imposer de douloureux sacrifices, et le niveau de notre affectivité résulte, non pas de la somme desplaisirs et des douleurs éprouvés, mais du sentiment d'avoir atteint ce vers quoi nous tendions ou de l'humiliationd'en être restés si éloignés. Conclusion. — Après les réserves faites, nous pouvons donc retenir l'assertion de Ribot : « C'est la tendance qui est le fait primordial de la vie affective ».

Mais comme, pour appartenir à cette vie affective, la tendance doit, aupréalable, être chargée d'une affectivité qui ne lui est pas essentielle, nous dirions de préférence : la tendanceaffective est le fait primordial de la vie affective.. »

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