Que nous enseigne sur la perception l'analyse du morceau de cire de Descartes ?
Publié le 08/08/2009
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«
dans sa marche.
Par le mouvement de son bâton frappant les corps environnants, l'aveugle se représente desarbres, des pierres, de l'herbe, alors qu'il ne peut y avoir aucune ressemblance entre tel mouvement du bâton etla figure d'un objet.
Descartes laisse entendre qu'on peut concevoir les organes des sens comme des bâtons, quivont inspecter les objets extérieurs – la prairie verte, l'étoile, le visage d'homme, les arbres, les pierres, l'herbe,etc.
– pour rapporter à l'âme des mouvements qu'elle perçoit comme de vraies choses.
C'est l'âme qui juge la distance, la grandeur, la situation des objets.
- La perception n'est donc pas un simple mécanisme d'enregistrement des données extérieures par nos organes des sens ; elle est toujours une estimation, un jugement, une hypothèse sur la situation, la grandeur et autresdimensions de l'objet perçu.
Elle n'est pas une réaction à un stimulus, elle est toujours plus ou moins uneanticipation.
- Cette analyse est problématique car elle semble faire de la perception une sorte de science, de connaissance.
Or, dit Descartes, cette connaissance perceptive est un savoir naturel, un savoir que l'homme n'apas eu à acquérir par son intelligence mais qui lui a été donné avec le corps et qui ne requiert pas,contrairement au savoir acquis, l'attention de l'esprit.
Or, n'est-ce pas suggérer l'existence d'une intelligencecorporelle, de telle façon que tout ce qui se fait dans le corps se fait sans la pensée ? Dès lors, n'est-ce pasune négation de la thèse de Descartes qui prétend que c'est l'esprit, l'âme qui voient ou qui perçoivent, et nonle corps ? N'y a-t-il pas là une contradiction dans la thèse de Descartes ?
- En réalité, par âme ou par esprit Decartes n'entend pas une machine à calculer ou à penser mais une faculté dont sont privées les machines naturelles et artificielles : l'aperception ou la conscience de soi comme d'une chose qui pense , chose toujours identique à soi à travers la diversité infinie de ses activités (raisonner, imaginer, sentir, désirer, vouloir, etc.).
La vision semble ainsi procéder d'une sorte de «géométrienaturelle » (intelligence corporelle) mais elle ne devient véritablement perception que si l'esprit se tourne versl'objet et l'aperçoit, ce qui implique la présence de l'esprit dans cet acte , c'est-à-dire la conscience de l'objet comme tel, une représentation de l'objet qui ne va pas sans une certaine attention dirigée vers lui.
- En clair, je vois vraiment une chose, j'entends vraiment un bruit parce que je me tourne vers eux.
Je n'ai évidemment aucune idée et aucun besoin de savoir ce qui se produit alors dans le cerveau, dans le corps engénéral : cette connaissance est naturelle, c'est une action (inconsciente) et non pas une représentation(consciente).
En tant qu'elle est une activité de l'esprit ou du sujet, la perception ne peut être confondue avecune impression produite par les choses dans un esprit qui serait un pur réceptacle.
La perception est fondamentalement sélection ou choix .
Elle n'est pas un enregistrement neutre, mécanique, de données insignifiantes, elle est une relation de motivation qui unit le sujet avec les choses du monde .
Nos sensations à elles seules, même aidées de l'imagination, sont incapables de nous faire connaître un objet.
C'estce que démontre une célèbre analyse de Descartes, dans la deuxième de ses Méditations métaphysiques (1641), àpropos d'un morceau de cire.
Nous croyons spontanément que nous connaissons d'abord les objets à travers nos sensations.
Prenons l'exempled'un morceau de cire, propose Descartes.
Il « vient d'être tiré de la ruche : il n'a pas encore perdu la douceur dumiel qu'il contenait, il retient encore quelque chose de l'odeur des fleurs dont il a été recueilli; sa couleur, sa figure,sa grandeur, sont apparentes; il est dur, il est froid, on le touche, et si vous le frappez, il rendra quelque son ».
Onle voit, nos sensations nous donnent de multiples informations sur le morceaude cire.
Elles nous font connaître toutes ses qualités, gustatives, odorantes, visuelles, tangibles, sonores, et nouscroyons communément que la collection de ces qualités nous fait accéder à la connaissance distincte d'un tel objet.Approchons néanmoins le morceau de cire du feu : «ce qui y restait de saveur s'exhale, l'odeur s'évanouit, sacouleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s'échauffe, à peine le peut-ontoucher, et quoiqu'on le frappe, il ne rendra plus aucun son ».
Toutes les qualités sensibles ont disparu, et pourtantnous savons que le morceau de cire est toujours là, toujours le même.
Pour expliquer ce savoir, il faut faire appel à une autre source de connaissance que nos sensations.
Nous possédonsen particulier L'imagination, grâce à Laquelle nous sommes capables justement de nous représenter un objet sous denombreuses formes différentes.
Nous pouvons, par exemple, imaginer ce morceau de cire sous des formes ronde,carrée, triangulaire, ou lui prêter, s'il fondait, une très grande étendue.
Mais, par l'imagination, nous ne pouvonsnous représenter qu'un très grand nombre de formes possibles ; nous ne pouvons ni en appréhender l'infinité, carl'imagination est une faculté finie, ni saisir à travers elles l'unité de ces variations.
«Je ne saurais, écrit Descartes,parcourir cette infinité par mon imagination, et par conséquent cette conception que j'ai de la cire ne s'accomplit.
»
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