Que gagne-t-on en travaillant ?
Publié le 08/01/2015
Extrait du document
«
la mesure où le travail n’ apparaît plus comme le moyen de me
réaliser, mais comme le moyen de m’ asservir : le travailleur
devient dépendant de son salaire, et ne travaille plus que dans le
but d’ obtenir ce salaire ; il ne se reconnaît plus dans le produit
de son travail et, finalement, se perd lui-même en se vendant à un
autre.
[Transition] Mais alors, si je ne gagne rien à travailler, si, au
contraire, je me perds moi-même dès lors que je ne gagne plus,
dans mon travail, qu’ un résultat extérieur à moi, n’ est-ce pas
parce que ce que je devrais gagner dans le travail ce n’ est jamais
que le travail lui-même ?
3.
Le gain du travail est le travail lui-même
A.
Ce que je dois chercher, à travers mon travail, A n’est pas un but extérieur à moi
Dans le Gai Savoir , Nietzsche envisage justement la question du
travail à travers celle de notre rapport au gain.
Que gagne-t-on
à travailler ? « Chercher le travail pour le gain, dit Nietzsche,
c’ est maintenant un souci commun à presque tous les habitants
des pays de civilisation ; le travail leur est un moyen, il a cessé
d’ être un but en lui-même : aussi sont-ils peu difficiles dans
leur choix pourvu qu’ ils aient gros bénéfice.
» En d’ autres termes,
si je pense qu’ en travaillant je dois gagner de l’ argent, si mon
but est tel, je subordonne le choix de mon travail à ce but.
Par
conséquent, je manque d’ exigence vis-à-vis de moi, dit Nietzsche :
je m’ oublie.
De fait, le travail cesse d’ « être un but en lui-
même », c’ est-à-dire que je n’ envisage plus le travail comme
une activité ayant une valeur pour moi , mais comme une activité
qui m’ apporte des valeurs extérieures à elle .
B.
Le travail doit être voulu pour lui-même
Si Nietzsche part du constat selon lequel le monde moderne nous
inscrit dans un rapport instrumental au travail , qui nous
interdit l’ idée même de nous y réaliser, il nous invite alors à
redéfinir ce que peut être le travail.
« Mais il est des natures
plus rares, poursuit-il, qui aiment mieux périr que travailler
sans joie ; des difficiles, des gens qui ne se contentent pas de
peu et qu’ un gain abondant ne satisfera pas s’ ils ne voient pas le
gain des gains dans le travail même.
» Ces « natures rares », dit-
il, seraient par exemple les « artistes et les contemplatifs ( … )
mais aussi ces oisifs qui passent leur existence à chasser ou à
voyager, à s’ occuper de galants commerces ou à courir les
aventures.
Ils cherchent tous le travail et la peine dans la
mesure où travail et peine peuvent être liés au plaisir et, s’ il
le faut, le plus dur travail, la pire peine.
»
Autrement dit, les vrais travailleurs, ceux dont Nietzsche dit
qu’ ils ne s’ oublient pas dans leur travail mais le recherchent
pour lui-même et non pour son but extérieur à eux, seraient ces
individus qui renouent avec un travail originaire conçu comme
activité jouissive car supposant un effort sur soi, et un
dépassement de soi.
Ainsi, paradoxalement, les « oisifs »
seraient les vrais travailleurs, ceux dont le temps de travail
est bien un temps libre (
otium , en latin, signifie « temps.
»
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