Que faut-il penser de cette maxime : « Vivre d'abord, philosopher ensuite »?
Publié le 21/02/2004
Extrait du document
«
II.
QU'ON NE PEUT VIVRE SANS PHILOSOPHER.
— A — Vivre, c'est penser.
Il est clair, cependant, qu'affirmer la primauté de la vie sur la philosophie c'est déjàphilosopher.
Reprocher au philosophe de se perdre dans des spéculations abstraites sans intérêt vital, c'est déjà sefaire une certaine conception de ce qui constitue l'intérêt de la vie, et une semblable conception est précisément cequ'on appelle couramment « une philosophie ».
L'on fait de la philosophie comme Monsieur Jourdain faisait de laprose.
C'est que l'homme est un animal raisonnable qui ne peut se contenter de vivre selon ses instincts ; ou s'il s'encontente, c'est parce qu'il juge préférable cette façon de vivre.
Vivere est cogitare, vivre c'est penser, disaitCicéron, et il est bien vrai que, quoi qu'il fasse, l'homme ne peut vivre comme un animal parce qu'il sait comment ilvit et choisit la façon de vivre qui lui paraît la meilleure.
Ce savoir et ce choix sont l'oeuvre de la pensée et lapensée du philosophe a finalement le même objet que la pensée du profane.
Parce qu'il est un être pensant, l'hommene saurait vivre sans philosopher.
Le vrai problème est seulement de déterminer quels doivent être les rapports de lavie et de la pensée, de l'action et de la réflexion.
— B — Toute philosophie est à la fois spéculative et pratique.
L'opposition entre une philosophie qui seraituniquement spéculative et une philosophie essentiellement pratique est assez artificielle.
Toute philosophie est à lafois spéculative et pratique ; c'est toujours à la sagesse, c'est-à-dire à un certain art de vivre, que vise lephilosophe, mais c'est par la réflexion, la méditation, qu'il cherche à l'atteindre.
Si l'on reprend les divisionstraditionnelles de la philosophie, il faut dire que la Morale constitue la fin dernière des études philosophiques ;l'essentiel est toujours de se conduire.
Mais la Psychologie, la Logique et la Métaphysique représentent un ensemblede recherches indispensables à qui veut, selon le mot de Descartes, « voir clair en ses actions et marcher avecassurance en cette vie » (Discours, I).
La Métaphysique notamment, où l'on voit le type de la discipline entièrementspéculative et sans intérêt pratique, paraît constituer le fondement nécessaire de toute sagesse.
L'attitude moralede chacun de nous est, en effet, étroitement liée à ses croyances métaphysiques ; un matérialiste et unspiritualiste, par exemple, n'auront pas la même attitude en face du suicide.
De même l'étude des conditions de laconnaissance n'est pas sans intérêt pratique si l'on comprend que la question : « Que dois-je faire ? » est liée àcette autre question : « Que puis-je savoir ? ».
En d'autres termes, la connaissance de la vérité paraît être lacondition indispensable de la conduite rationnelle de la vie.
« Toute connaissance, dit Alain, est bonne au philosopheautant qu'elle conduit à la sagesse ».
— C — Vrais rapports de la philosophie et de la vie.Ainsi la philosophie nous apparaît comme une réflexion sur la condition humaine destinée à fonder un art de vivre.
«Ce mot de philosophie, disait Descartes, signifie l'étude de la sagesse, et parla sagesse on n'entend pas seulement la prudence dans les affaires, mais une parfaite connaissance de toutes leschoses que l'homme peut savoir, tant pour la conduite de sa vie que pour laconservation de la santé et l'invention de tous les arts » (Principes de laphilosophie, Lettre-préface).
Le philosophe a deux écueils à éviter : le premierserait une doctrine de l'action fondée sur une réflexion insuffisante ; lesecond, une pensée purement spéculative, séparée de l'action.
La philosophiedoit détacher d'abord l'homme du monde, et c'est le moment de la réflexion ;car l'expérience n'instruit que celui qui cherche à en dégager les leçons.
Maisce détour par le monde des Idées n'est qu'un moyen et il faut enfin revenir aumonde, et c'est le moment de l'action ; car la méditation serait vaine si ellene devait finir par inspirer la conduite.
Le philosophe est celui que pensern'empêche pas de vivre, ni vivre de penser.
CONCLUSION
En définitive, la sagesse populaire n'est pas tellement éloignée de la penséephilosophique quand elle affirme qu'il faut vivre d'abord et philosopher ensuite.Ce qui est essentiel pour l'homme, c'est l'usage qu'il fait de cette vie.
Maisprécisément il n'en peut faire un bon usage qu'à la condition de réfléchir surelle.
Pour savoir comment doit vivre l'homme, il faut savoir ce qu'il est, cequ'est le monde dans lequel il vit, comment il peut le connaître et avoir prisesur lui.
Telle est la réflexion, « mouvement critique, dit Alain, qui, de toutes les connaissances, revient toujours à celui qui les forme, en vue de le rendre plus sage ».
Sans doute les hommesréfléchissent-ils plus ou moins, et en ce sens ils sont plus ou moins philosophes ; mais il n'en est peut-être pas unseul qui vive sans philosopher..
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