Que faut-il entendre par expérience morale
Publié le 20/03/2004
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Il en est autrement de l'expérience, qui est essentiellement personnelle : chacun éprouve à sa manière le chaud et le froid, etc. Sans doute, l'expérience scientifique est universellement valable ; mais elle ne se réduit pas à éprouver et comporte des méthodes critiques destinées à éliminer le facteur personnel, ainsi qu'une armature rationnelle, le raisonnement expérimental. Les opérations intellectuelles portent sur des notions abstraites. Au contraire, on n'expérimente que le concret.
II. A la différence de l'expérience physique et comme l'expérience psychologique, l'expérience morale fait connaître des réalités internes ou immatérielles et non des réalités externes ou matérielles ; elle consiste en des sentiments et non en des sensations. (Exemples.)
Peut-on parler sans absurdité ou sans inconséquence d'une expérience morale? Dans le domaine scientifique l'emploi du mot expérience ne soulève pas de difficulté : car la science a pour but de connaître et d'expliquer ce qui est, et l'expérience a pour rôle de vérifier ou de contrôler nos hypothèses anticipées sur le réel ; elle apparaît selon une formule souvent utilisée comme une question posée à la nature. Mais dans le domaine moral il ne s'agit plus de ce qui est, mais de ce qui doit être, plus de faits, mais de valeurs. Or comment peut-il y avoir une expérience de ce qui doit être, une expérience des valeurs?
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Introduction.
Peut-on parler sans absurdité ou sans inconséquence d'une expérience morale? Dans le domaine scientifique l'emploidu mot expérience ne soulève pas de difficulté : car la science a pour but de connaître et d'expliquer ce qui est, etl'expérience a pour rôle de vérifier ou de contrôler nos hypothèses anticipées sur le réel ; elle apparaît selon uneformule souvent utilisée comme une question posée à la nature.Mais dans le domaine moral il ne s'agit plus de ce qui est, mais de ce qui doit être, plus de faits, mais de valeurs.
Orcomment peut-il y avoir une expérience de ce qui doit être, une expérience des valeurs?
I.
L'expérience morale ne saurait être assimilée à l'expérience scientifique.
Celle-ci ne peut, en effet, nous indiquer ce qui doit être ni, à elle seule, nous proposer aucune valeur.
On ne peutpas passer du fait au droit, de l'indicatif à l'impératif : « aucun donné comme tel ne peut être un principe suffisantde jugement moral » (Belot).
C'est justement là ce qui fait la difficulté ou l'insuffisance de toutes les théoriesmorales qui prétendent trouver, indiquée par la nature, la valeur suprême.
C'est la difficulté de toutes les morales duplaisir, car de ce que l'homme recherche naturellement le plaisir, on ne saurait conclure que le plaisir est la fin quel'homme moral doit se proposer.
On trouve la même difficulté dans le sociologisme qui traite les valeurs moralescomme des faits sociaux et qui cherche à découvrir dans une expérience scientifique et sociologique ladétermination de l'idéal à poursuivre.
C'est ainsi que Durkheim assimile l'idéal moral avec la société de demain dont lasociologie devine les perspectives.
Mais de ce que la société évolue dans tel ou tel sens, il ne s'ensuit pas que cesens soit bon et que je sois tenu d'approuver et de favoriser cette évolution.
« Tant que l'individu se bornera àobserver les choses en sociologue, jamais, à quelque moment que ce soit, il ne reconnaîtra en lui un principed'action » (F.
Rauh).
II.
Peut-il exister une expérience originale des valeurs?
1° L'expérience morale, si elle n'est pas celle d'un fait, peut être celle d'un idéal, d'une exigence.
Cet idéal apparaîtsouvent au contact de situations concrètes, dans la révolte, dans l'indignation, dans l'admiration, par exemple.
C'estainsi que Gusdorf écrit « la révolte apparaît ainsi comme un des types essentiels de l'expérience de la valeur.
Elles'affirme souvent dans l'immédiateté de l'indignation, qui démasque en nous une exigence d'ordre et de vérité jusquelà demeurée dans l'ombre...
» (Traité de l'existence morale, p.
286).De ce point de vue l'expérience morale apparaît comme une expérience intérieure qui se dégage au contact desituations concrètes : « ...
la croyance morale peut être dite surtout une expérience, non l'expérience d'un fait maisl'expérience d'un idéal » (F.
Rauh, l'Expérience morale, p.
15).
Rentrent alors dans l'expérience morale toutes lessituations psychologiques à la faveur desquelles se révèle la présence en chacun d'une aspiration morale plus oumoins consciemment soupçonnée.
2° S'il y a ainsi une authentique expérience morale qui nous révèle la présence en nous d'un idéal, cet idéal et lesvaleurs qu'il vise ne se précisent qu'au cours de l'action et au contact des problèmes.
On peut alors employer leterme d'expérience morale pour désigner cet enrichissement et cet affinement de la conscience qui se réalise par lapratique de la vie morale, ce discernement accru des valeurs qui n'est pas un progrès spéculatif, mais le fruit d'uneffort continuel et d'une bonne volonté constamment à l'œuvre.
En ce sens, l'honnête homme qui cherche la justice.
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