Puis-je penser ce que je veux ?
Publié le 08/09/2018
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La psychologie expérimentale utilise la notion de seuil de perception pour démontrer qu’un stimulus, ressenti et enregistré par nos sens, n’est cependant pas perçu. Cette notion d’inconscient physiologique aboutit aux techniques de manipulation telles que les images subliminales. Comment pourrait-on penser ce que l’on veut si l’on est conditionné par des images publicitaires cachées ?
L’élaboration freudienne du concept psychanalytique d’inconscient remet en question l’identité de la pensée et de la conscience : elle fait apparaitre l’existence de pensées inconscientes. De plus, l’inconscient freudien est agissant, il est doté d’une énergie propre et résiste par des conflits continus. En effet, le refoulement et la pulsion (liés au surmoi et au ça), sont des mécanismes propres à l’inconscient et qui se répercutent sur le fonctionnement de notre pensée. On ne peut pas accéder à l’inconscient, ce qui remet en cause définitivement l’idée d’une souveraineté de la conscience : «le moi n’est plus maitre dans sa propre maison » (Une
difficulté de la psychanalyse). S’il on adhère à la théorie freudienne, le moi étant mal informé et ne pouvant agir sur l’inconscient, on ne peut pas penser librement, notre conscience n’est donc pas libre.
Cependant, il propose une méthode de déchiffrage de soi, la psychanalyse, qui permet de se libérer. Il réfute la certitude toute puissante de la connaissance avec un sujet « comme maitre de la nature » (Descartes), mais croit en la possibilité de changer, d’évoluer, de mieux se connaitre. Sans nier, comme Sartre, que l’inconscient existe : « je n’ai pas d’inconscient », ne peut-on pas plutôt imaginer que la pleine connaissance du sujet soit possible par l’étude des manifestations de l’inconscient? Des lors, penser ce que l’on veut deviendra réellement possible à travers une connaissance entière, totale, du sujet comme être complexe.
Cette réflexion nous amène à une prise de conscience qui redéfinit l’homme comme un être complexe et non unidimensionnel, une somme d’influences variées, de composantes physiques, sensorielles, sociales, psychique. Si le sujet parvient concevoir puis à dépasser les limites induites par cet assemblage, il pourra peut-être penser par lui-même, et savoir ce qu’il veut.
Pour que le sujet pensant arrive à une telle libération, il semble que l’indispensable travail de réflexion personnelle doive s’appuyer sur un environnement social favorable, notamment au travers de l’éducation.
«
En effet, pour prendre un exemplaire rudimentaire, rien ne m’empêche de penser le plus grand mal de la coiffure
de ma voisine.
Cependant, cette conclusion parait incomplète, insatisfaisante.
Cette vision demeure très dualiste, séparant de
façon rigoureuse la pensée (res cogitans) et le corps (res extensa), sans considérer l’éventualité
de « perturbations » extérieures qui viendraient bouleverser cette organisation binaire.
Elle est par conséquent très
individualiste.
Pourtant, l’homme n’est-il pas toujours confronté à autrui ? Si l’on essaie de se représenter l’homme
mentalement, on a tendance à visualiser un groupe de personnes, et non pas un individu seul au monde.
Ce qui
distingue l’homme des animaux, n’est-ce pas le langage ?
Dès lors, on peut se poser la question si cette vision descartienne n’est pas restreinte.
Le sujet pensant est -il isolé
des autres ? A t -il une véritable autonomie, une liberté totale de sa conscience ?
Comme l’affirme Platon dans le Théétète «penser est un discours que l’âme se tient tout au long à elle-même sur
les objets qu’elle examine, […] ce n’est pas autre chose pour elle
que dialoguer, s’adressant à elle-même les questions et les réponses, passant de l’affirmation à la négation ».
Si la pensée est « le dialogue de l’âme avec elle-même », c’est qu’elle met en jeu un langage intérieur, et donc
une relation avec autrui.
Cela signifie qu’autrui est d’une certaine façon présent à l’intérieur de ma propre
conscience et que cette présence est une des conditions de ma propre conscience.
Cette notion de dialogue, via le langage, ne vient pas nécessairement en contradiction avec l’autonomie de la
conscience du sujet telle que nous l’avons démontrée dans notre première partie.
Les deux questions qui se posent alors ne peuvent être traitées de façon manichéenne : cette relation impliquant
autrui destitue-t -elle l’instance toute puissante de la conscience, ou au contraire, est -elle un élément nécessaire qui
me constitue, qui ne peut pas ne pas être ?
Nous envisagerons dans cette deuxième partie ces deux dimensions qui sont cruciales dans notre réflexion sur la
liberté de la conscience.
Commençons avec ce qui parait évident.
L’homme étant toujours confronté à d’autres, il nous parait inenvisageable
qu’il reste vierge de ces contacts extérieurs.
La relation avec autrui ferait donc partie de lui -même, et donc de sa
conscience.
Pour illustrer cette hypothèse d’une manière claire et imagée, la conscience ne serait pas un « bloc » mais une
succession de « couches » ; en terme plus rigoureux c’est ce que Jean-Paul
Sartre appelle le « pour soi » et « le pour autrui ».
La conscience est donc en partie constituée par le regard des
autres ; elle est par ailleurs en devenir, contrairement aux choses qui sont dans le « en soi ».
Cette constatation, qui prône une organisation de la conscience différente de celle de Descartes, ne représente pas
un danger apparent à notre autonomie de pensées.
Je pourrais tout à fait m’imprégner du monde extérieur tout en
continuant à penser ce que je décide par moi même.
Seulement, ceci serait possible si j’étais totalement maitre de
ma conscience; c‘est à dire si je la contrôlais à tout moment.
Or, n’agissons nous pas parfois sans en avoir pleinement conscience ? Il nous est tous déjà arrivé de faire quelque
chose sans vraiment y réfléchir, regarder par le trou d’une serrure ou ouvrir une lettre qui ne nous est pas destinée
par exemple.
C’est l’exemple que prend Sartre pour appuyer sa thèse : le sujet n’aurait pas toujours une conscience pleine de
ces actes.
Il introduit la notion de conscience réfléchie c’est-à-dire issue du cogito réflexif opposé à la conscience
non -thétique.
Cela met en évidence d’une part que le sujet n’a pas toujours une réflexion consciente, mais qu’elle peut être
irréfléchie.
Il n’est donc pas maître de toutes ses pensées et conserve une part d’imprévisibilité, comme l’affirme
Sartre « cet être que je suis présente une certaine indétermination » (L’Etre et le Néant).
D’autre part, la conscience
du sujet est construite par le regard de l’autre ; en effet, si l’on reprend l’exemple ordinaire de Sartre où la honte
d’avoir été surpris l’oreille accolée contre une porte, nous fait prendre pleinement conscience de notre acte et de
notre responsabilité, l’on aboutit à la conclusion qu’autrui me révèle à moi -même un être que je suis et qui
m’échappe.
C’est aussi dans le regard des autres que le garçon de café se pense garçon de café et se comporte comme tel..
»
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- désemparé et enragé, et elle disait, Eccchhh, je n'arrive pas à penser à ce que je veux dire, vous savez ce que c'est, et parfois je le savais, et parfois je ne le savais pas, mais dans un cas comme dans l'autre, je disais, Tout va bien, madame Begley, ce n'est pas important.
- Mais afin qu'on puisse voir en quelle sorte j'y traitais cette matière, je veux mettre ici l'explication du mouvement du coeur et des artères, qui étant le premier et le plus général qu'on observe dans les animaux, on jugera facilement de lui ce qu'on doit penser de tous les autres.
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