PUIS-JE, AU NOM DE MA CONSCIENCE, REFUSER DE ME SOUMETTRE AUX LOIS ?
Publié le 03/05/2015
Extrait du document
«
notre conscience morale ?
* * *
I) Certes, la comparaison entre le cas de Thoreau et celui de Eichmann est plutôt favorable au premier.
Néanmoins, la thèse de Thoreau se révèle problématique.
D'une part, on pourrait considérer que l'acte de
désobéissance est non seulement illégal, mais aussi illégitime, dans la mesure où il nuit au maintien de l'ordre
et à la stabilité de l'Etat.
D'autre part, il n'est pas sûr que la référence à la conscience morale soit suffisante
pour justifier un tel acte : nous pouvons, certes, avoir un sens inné du bien et du mal, mais rien ne garantit que
celui-ci soit infaillible.
Aussi convient-il de prendre des précautions.
a) Envisageons tout d'abord la désobéissance du point de vue de ses effets.
Celui qui désobéit prend, certes, le
risque d'être sanctionné et puni par l'institution judiciaire pour son délit.
Il ne fait aucun doute qu'on ne peut
pas enfreindre la loi impunément.
Du point de vue légal, l'objecteur de conscience, à l'instar de Thoreau, est
donc un délinquant ordinaire qui doit être puni : que la violation de la loi soit motivée et justifiée par des
principes moraux, cela est secondaire ; le droit juge la personne d'abord en fonction des actes qu'elle a
commis.
Or, du point de vue de la collectivité, si l'acte de désobéissance est illégal, et donc répréhensible, il
est aussiillégitime dans la mesure où il perturbe l'ordre établi.
De fait, la société ne pourrait exister s'il n'y avait
des règles communes de droit auxquelles se soumettent les individus.
Tel est le sens de l'adage romain : ubi
societas, ibi jus [2].
Que les lois puissent être considérées comme injustes n'enlève rien à leur légitimité
première :il n'y a pas de société sans lois.
Dans cette perspective, on pourrait affirmer, non sans paradoxe, que
toute loi, indépendamment de son contenu spécifique, est légitime, du fait même qu'elle est établie.
Un tel
raisonnement conduit Hobbes à prôner, au nom de la paix et de la sécurité, l'obéissance inconditionnelle des
sujets aux lois édictées par leur souverain : fussent-elles injustes, celles-ci n'en sont pas moins légitimes,
puisqu'elles garantissent le maintien de l'ordre.
Refuser de se soumettre aux lois reviendrait à retourner à l'état
de nature qui est, selon l'auteur du Léviathan, un état de guerre de tous contre tous.
Ainsi, en contestant les
lois établies, l'objecteur de conscience s'attaque au fondement même de la société.
Mais, par là même, ne
commet-il pas, au nom de la justice, la pire des injustices ?
Dans l'état de nature, privé de la protection des lois, chaque individu peut, en effet, subir la violence d'autrui ;.
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