Prosopopée des lois in Criton de Platon
Publié le 03/11/2014
Extrait du document
«
procédé que Socrate a recours pour expliquer à Criton les raisons de son refus de s’évader : son ami est en
effet venu lui proposer de s'évader ; il semble que c’était assez habituel à Athènes où la peine de mort était
fréquemment infligée.
Or Socrate ne souhaite pas se soustraire au jugement des Héliastes.
L’une des
raisons développée ici est son respect inconditionnel des Lois athéniennes.
Une autre raison, que l'on
trou ve exprimée, par exemple, dans L'Apologie ( 40a-40e ), est que Socrate ne craint pas la mort.
Cette figure de style est un jeu qui permet à Socrate non pas de convaincre Criton, mais
d’expliquer sous la forme dialectique, par question et réponse, ce que doit faire un homme vertueux
lorsqu’il est acculé à un dilemme : fuir la justice lorsqu’elle est injuste au risque du déshonneur ou
accepter le verdict au nom de la vertu ? Socrate se met donc en scène.
Les Lois l’interrogent sur le mode
du questionnement socratique :
« Socrate, que vas -tu faire ? » Socrate se met ici en contradiction avec
lui -même pas seulement au niveau de la parole discursive mais aussi et surtout en conflit avec ce qu’il a
toujours exercé : la philosophie.
Fuyant, que penser de sa manière d’être de questionner les individus dans
la rue au lieu d’avoir un métier ? Quel sens aurait sa vie lui, « l’homme le plus juste de cette époque »
(Platon, Lettre VII , 324e) ? Ainsi en va -t- il de la valeur et de la signification de la philosophie elle -même !
Socrate retourne contre lui -même l’aiguillon de la critique au point de passer pour un homme ridicule de
vouloir s’enfuir, il ferait l’objet de dérision, il prêterait à rire.
Ce qui en soi justifierait pleinement les
anciennes et nouvelles accusations qu’ont a portées contre lui.
La question essentielle du Criton est de savoir à quoi nous oblige le devoir.
Ce qui clairement
souligné par le sous -titre assigné à ce dialogue par la tradition : Du devoir .
Avec comme précision
supplémentaire : Genre moral .
La morale est ici l’éthique, l’ ethos désigne la manière de vivre, qui plus est
la façon de conduire une vie heureuse.
La vie heureuse ne passe -t- elle pas par l’accord avec les lois de la
Cité ? La belle vie ne consiste- t- elle pas en la vertu de justice ? Pour Socrate, vivre bien, c’est vivre en
conformité avec la justice.
En quoi la justice est -elle la nature de la vie digne d’être vécue ? Plus
précisément dans le cadre du Criton : quelle attitude le citoyen doit-il adopter par rapport aux Lois ? Faut-
il obéir à tout es les lois, y compris à celles qui semblent iniques ? Il faut rappeler que Socrate a le vif
sentiment d’avoir été victime d’une loi injuste lors de son procès : il a été triplement accusé d’avoir
pervertit la jeunesse, d’impiété et d’introduction de nouve lles divinité.
Dès lors une problème se pose à
Socrate : faut -il se soumettre à une loi injuste ? Il est hors propos pour lui de purement et simplement
désobéir aux lois car elles sont l’expression de la raison.
C’est pourquoi toute désobéissance est illég itime.
Mais faut -il pour autant se plier à un verdict injuste ? N’y a -t- il pas des exceptions qui permettraient à
Socrate d’échapper au courroux de la justice ? N’est-il pas injuste de se soumettre à une loi inique ? Le
citoyen ne bénéficie- t- il pas de la protection des Lois ? L’obéissance aveugle ne serait plus de l’ordre du
devoir, mais de la soumission.
Il faut alors surtout en régime démocratique disposer sinon d’une liberté
d’agir à tout le moins d’une liberté d’expression pour tenter de perfectionner les lois.
Dans le Ménon (77b-78a), il est clairement dit que l’homme est un animal politique qui ne peut
vivre que dans une Cité régie par des lois.
Ce qui explique que « commettre une injustice et désobéir à un
meilleur que soi, c’est mauvais et honteux ( Apologie de Socrate , 29b).
Socrate argumente sur fond d’une
analogie : l’individu est à la loi ce que l’esclave est à son maître, ou encore ce que l’enfant est à son père.
Tout individu doit donc obéir à une instance supérieure qui lui dicte ce qui est bien, bon pour mener une
existence raisonnable.
Dans cette optique étant donné que ni les magistrats, ni les hommes politiques ni les
individus ne sont philosophes, et que la loi est le fruit du hasard et de la contingence, la légalité des lois
est d’autant plus nécessaire.
C’est donc le respect des lois qui dissocie une organisation politique d’un
régime tyrannique injuste.
On obéira volontiers aux lois pour ne pas sombrer dans la soumission à un
despote.
Car l’ultime finalité des lois est la bienveillance à l’égard de tout citoyen.
On entre ainsi dans un
rapport de réciprocité : l’un reconnaît l’autre qui est reconnu par l’autre.
La loi protège le citoyen, et ce
dernier se doit alors de lui obéir.
Sans cette logique de reconnaissance la Cité entière se détr uit et le
citoyen risque un retour à l’animalité.
C’est pourquoi Socrate sacralise les Lois.
La désobéissance est alors.
»
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