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Promettre est-ce renoncer à sa liberté?

Publié le 21/03/2005

Extrait du document

Ou bien supposons que, sans intention de fraude, j'ai promis à quelqu'un de m'abstenir pendant vingt jours de pain et de tout aliment et qu'ensuite je voie que j'ai fait une promesse insensée et que je ne puis la tenir sans le plus grand dommage ; puisque, en vertu du Droit Naturel, de deux maux je suis tenu de choisir le moindre, je peux d'un droit souverain manquer de foi à ce pacte et faire que ce qui a été dit soit comme s'il n'avait pas été dit. »   Ce texte est à mettre en relation avec ce lui de Kant : n'y a-t-il pas des cas dans lesquels on a envie de dire que suivre la morale kantienne jusqu'au bout semble mener à des conduites irrationnelles. Pourquoi devrais-je honorer la promesse que j'ai faite à un voleur, qui n'a, de fait, aucun droit sur mes biens, si ce n'est par la violence dont il use à mon encontre. Tenir ses promesses dans de tels cas, n'est-ce pas même inciter d'autres personnes à se comporter comme ce voleur ?     Transition : Si j'ai le droit de ne pas tenir une promesse que j'ai faite sous la contrainte, c'est avant tout parce que promettre est un acte de liberté.        3.    Promettre, c'est exercer ma pleine liberté.    a)    Dans la promesse, c'est moi qui choisis de promettre.   La promesse même est donc l'expression de ma liberté. Je suis libre de promettre ou non, et c'est la raison pour laquelle une promesse qui m'a été arrachée de force ne peut être valable (un contrat sera par exemple jugé comme nul s'il est avéré qu'on a, par exemple, abusé de la crédulité de celui qui a signé).

Analyse du sujet :

l        Il ne s'agit pas ici de chercher une définition de la promesse, mais de chercher si elle implique une renonciation à la liberté. Pour cela, il faudra cependant chercher à définir ce que peut être une promesse.

l        La promesse revient-elle toujours/parfois/jamais à renoncer à sa liberté ?

l        Pour pouvoir répondre à cette question, il va falloir réussir à savoir à la fois ce qu'est la promesse et ce qu'est la liberté, pour pouvoir voir si les deux sont ou non incompatibles.

l        Il faudra en particulier se demander si être libre, c'est pouvoir faire ce que l'on veut quand on le veut, et notamment pouvoir changer d'avis à tout moment, ou si c'est autre chose.

Problématisation :

La promesse me lie pour le futur : si je fais une promesse, je ne suis plus alors libre de faire ce que je veux, je me dois d'honorer cette promesse, et donc de faire, le moment venu, ce que j'avais promis de faire. Dans ces conditions, ne peut-on pas dire que la promesse est une renonciation volontaire à sa liberté ?

 

« Célèbre penseur de langue allemande, Immanuel Kant (1724-1804) est un philosophe systématique ayant abordé tous les versants de la philosophie : métaphysique, esthétique (dont il est l'un des véritables fondateursaprès Baumgarten), philosophie de la connaissance, et philosophie morale.

C'est à ce dernier versant de sa penséequ'appartient ce texte.

L'enjeu est de savoir à quoi se référer en cas de dilemme moral : quel repère adopter ? Sonbut est clairement d'interdire le mensonge, d'après une méthode qui sous-tend en permanence le concept d'impératifcatégorique.

Dans un premier mouvement, l'auteur explicite un exemple opposant le besoin d'une situation etl'immoralité à laquelle ce besoin nous contraint.

Puis, Kant développe la règle à laquelle doit se conformer l'individuen toute situation à caractère moral. Plan suggéré (les découpes sont indiquées dans le texte par les symboles // entre les parties, / entre les sous-parties) Première partie : Besoin d'argent ? Le texte s'ouvre par la description simple et concise d'une situation : le besoin d'argent.

Cet exemple estprécisé par deux paramètres qui la transforme en cas éthique : 1) si elle emprunte, elle n'a pas de quoi rembourser,2) si elle ne fait pas la promesse de rembourser, elle n'aura pas cet argent.

Les dernières précisions sont apportéespar la dernière phrase de cette première sous-partie : il ne s'agit pas d'une personne inconsciente (les cas de folieou d'irresponsabilité sont donc disqualifiés), mais qui a « assez de conscience » pour s'interroger sur une notion abstraite telle que le devoir moral.

Le mot de conscience ne désigne rien d'autre, dans ce texte, que la consciencemorale.

Cette situation initiale donnée par Kant fourni le thème du texte. C'est à ce moment que l'auteur ouvre une hypothèse : cette personne, malgré sa conscience morale,décide de mentir.

La question implicite n'est pas : Qu'arrive-t-il pour cette personne ? (cela relèverait du récit),mais : Sur quoi peut-elle fonder le raisonnement menant à cette action ? Le problème présent de Kant est donccelui de l'orientation dans la pensée (quels repères utiliser ?) Le raisonnement justifiant cette action, sa « maxime », est immédiatement décryptée par l'auteur dans la dernière phrase de notre première partie.

L'expression «croit avoirbesoin» précise ce qui était jusque là implicite : ce besoin n'est pas une nécessité naturelle, aussi écrasante que leslois de la gravité universelle, par exemple, c'est une impression ressentie par le sujet, qui a le choix de se plier à untel besoin ou d'y résister.

Kant va soumettre cette « maxime » à une épreuve logique : celle de l'universalisation. Deuxième partie : Que faire ? Ce deuxième mouvement débute par une question dans laquelle Kant qualifie la « maxime » qu'il a identifiée de «principe de l'amour de soi ou de l'utilité personnelle », c'est-à-dire d'égoïsme ou égocentrisme élevés au rang de règle d'action.

Pour savoir si un tel principe est juste, il procède à une expérience de pensée et le « convertit » en «loi universelle ».

Cela s'appui sur l'idée admise que la justice est universelle, c'est-à-dire qu'elle vaut pour tous, en tous lieux et époques.

Que devient le mensonge érigé en principe universel ? : il débouche sur l'impossibilité de lavérité, donc impossibilité de promesse ou de confiance en la parole d'autrui.

En quoi ce principe s'est-il autodétruit ?Si l'emprunteur respecte une loi du mensonge quand il veut emprunter de l'argent, le prêteur la respectera aussi enaffirmant prêter cet argent, sans jamais le faire.

Ainsi, aucun n'est satisfait.

C'est en ce sens que Kant ajoute que«personne n'ajouterait plus foi aux promesses », sachant que l'autre mentira systématiquement.

Cette épreuve correspond exactement à un principe de Kant appelé impératif catégorique, et formulé de la façon suivante dans lapremière section de la Fondation de la Métaphysique des Mœurs : « je ne dois jamais me conduire autrement que de telle sorte que je puisse aussi vouloir que ma maxime soit vouée à devenir une loi universelle .» Eléments de Conclusion. Par sa correspondance forte avec la démonstration de l'impératif catégorique, nous pouvons supposer que l'extrait provient de la Fondation de la Métaphysique des Mœurs (1785), et suit la formulation de cet impératif.

Nous avons vu que le repère utilisé passe par l'universalisation, processus de pensée, et que ce texte n'offre aucune règletelle que : tu ne dois pas mentir.

Kant ne dit pas quoi faire dans telle ou telle situation particulière, ce qui demanderait un ensemble de maximes (lois, proverbes, commandements bibliques), il nous dévoile ce que la raison nous ordonne , en toute situation.

Notre point de repère moral est donc trouvé, il s'agit de la raison, qui devra servir de principe d'orientation en éthique.

L'absence de maximes, l'irréductibilité de la philosophie kantienne à unedéontologie (suite de règles à suivre) est ce qui différencie la morale populaire ou religieuse d'une Métaphysique desMœurs. On pourrait reprocher à Kant de ne s'en tenir qu'aux principes ordonnés par la raison, valables a priori , donc au mépris des conséquences.

Si je cache chez moi un ami qu'un assassin recherche, et que l'assassin me demandeoù il est : puis-je mentir ? Ce serait désobéir à l'impératif catégorique en autorisant le mensonge, qui ne peut êtreuniversalisé.

Mais est-il pour autant moral de se rendre complice d'un assassinat ? Prenons un exemple plus simple :la personne dont il est question a besoin d'argent pour assurer l'hospitalisation de son fils qui doit subir uneopération vitale : peut-on mentir au prêteur dans cette condition ? Le principe d'universalisation kantien, ressort del'impératif catégorique, entre donc parfois en concurrence avec l'intuition (au sens non-kantien du terme) que nousavons de la moralité. Transition :. »

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