Préface du Gai Savoir de Nietzsche, commentaire de texte
Publié le 23/03/2015
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«
Textes commentés 43
l) En déchirant le voile de l'apparence, Platon et tous les philosophes
sont pour Nietzsche des ennemis de l'art.
Ce texte est
au contraire, -et
jusque dans son style -celui d'un philosophe-artiste qui d'un même
mouvement sanctifie
l'apparence et glorifie l'art.
2) Ce retournement du platonisme est caractérisé comme une marque de
courage, vertu qui prend le pas sur la sagesse des philosophes.
• Le refus de l'escapade métaphysique, l'affirmation de la vie dans sa
puissance d'illusion, sont pour la
généalogie, un symptôme de force.
• L'artiste, habitant de la surface, retrouve ainsi l'expérience proprement
grecque du rapport au monde que Nietzsche avait appelé tragique.
L'opposition majeure de la surface et de la profondeur qui organise ce
texte reprend en effet le contraste énigmatique de l'apollinien* et du
dionysiaque* de
La Naissance de la tragédie.
3) Mais il ne s'agit pourtant pas de mettre purement et simplement
l'apparence
à la place de l'être.
La vérité est femme ; présente dans la
dissimulation, tout entière dans son paraître et sa parure, elle cache, dans
sa pudeur, qu'il n'y a pas de
« vérité » derrière le voile, pas de profondeur
derrière la surface, mais seulement la mort.
La femme devient ainsi la
figure
de la vérité : contrairement à l'homme qui s'identifie au phallus, la
femme, dépourvue d'un sexe visible et singulier est en effet sans identité
propre ; elle est présente dans ses voiles et ses plis, dans le jeu multiple et
lunatique de ses visages.
L'apparence n'est pas le contraire de la vérité
mais son expression même.
4) Il n'y a ainsi
ni réel, ni «vérité», le monde n'est qu'une construction
illusoire de la vie mais, parmi tous les systèmes d'illusion que l'homme
fabrique,
l'art est le seul à n'être pas mystifiant puisqu'il s'avoue,
courageusement, comme tel ; l'art magnifie la vie comme puissance
d'illusion, redouble ce qui est actif en elle, glorifie le monde comme
erreur.
Être artiste c'est croire en la forme, c'est avoir le pied léger du
danseur qui respecte l'épiderme des choses et se joue de l'apparence
fugitive.
L'association répétée des
«mots» (Worte) et des «sons»
montre aussi que la parole a originellement une essence musicale.
5) Dans la mythologie grecque
Baubô est cette femme qui reçoit Déméter
en deuil de sa fille et qui la fait rire en relevant subitement sa robe et en
découvrant son ventre.
Le rire de Déméter nous fait comprendre quelle
est la fonction de l'art pour Nietzsche : une façon de défier l'abîme et de
le révéler tout
à la fois, une dénégation de la mort qui en signale la
présence inexorable..
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