Pouvons-nous vivre heureux tout en ayant conscience qu'on va mourir ?
Publié le 27/02/2005
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« Ne sais-tu donc pas que la source de toutes les misères pour l'homme, la source de toutes ses faiblesses et de toutes ses lâchetés, ce n'est pas la mort, mais bien plutôt la crainte de la mort? Exerce-toi donc contre cette crainte ; crois-moi, que ce soit là que tendent tous tes raisonnements, tout ce que tu écoutes, tout ce que tu lis, et tu reconnaîtras que c'est par là seulement que les hommes s'affranchissent. « Epictète, Entretiens livre 3.
«
Epicure, La Lettre à Ménecée : « Habitue-toi en second lieu à penser que la mort n'est rien pour nous, puisque le bien et le mal n'existent que dans lasensation.
D'où il suit qu'une connaissance exacte de ce fait que la mort n'estrien pour nous permet de jouir de cette vie mortelle, en nous évitant d'yajouter une idée de durée éternelle et en nous enlevant le regret del'immortalité.
Car il n'y a rien de redoutable dans la vie pour qui a compris qu'iln'y a rien de redoutable dans le fait de ne plus vivre.
Celui qui déclarecraindre la mort non pas parce qu'une fois venue elle est redoutable, maisparce qu'il est redoutable de l'attendre est donc un sot.
C'est sottise des'affliger parce qu'on attend la mort, puisque c'est quelque chose qui, une foisvenu, ne fait pas de mal.
Ainsi donc, le plus effroyable de tous les maux, lamort, n'est rien pour nous, puisque tant que nous vivons, la mort n'existe pas.Et lorsque la mort est là, alors, nous ne sommes plus.
» On constate quephilosopher c'est donc comprendre le néant qu'est la mort ; et si la mort estnéant, alors elle ne représente ni souffrances ni douleurs, elle ne devrait doncpas être crainte par les hommes.
Il serait donc normal, selon Epicure de vivreheureux puisque la mort n'étant rien, les hommes ne devraient pas en êtreeffrayé.
On revient ainsi à cette volonté incontrôlable des hommes de vouloir être immortels.
Dans la Lettre à Ménécée, Épicure conduit une réflexion opposée à celle du platonisme : elle s'en tient à un strictmatérialisme.
La mort n'est pas une évasion de l'âme, elle est un pur non-être qui ne nous concerne en rien, puisquevivants, nous appartenons à l'être.
"Tout bien et tout mal résident dans la sensation ; or, la mort est la privationcomplète de cette dernière." Ensuite, sachant que notre durée de vie est limitée, nous serons heureusementpressés de jouir raisonnablement des biens de la vie.
La pensée de la mort dissipe l'angoisse d'une vie illimitée, enlaquelle nous aurions à choisir et agir en vue de l'éternité.
Pour l'existence humaine, l'éternel n'est jamais en jeu : iln'y a rien de si grave qui mérite un souci sans limites.
De plus, les dieux immortels, qui jouissent d'une béatitudeinfinie, ne se soucient pas des affaires humaines.
Si la mort n'est rien pour nous, nous ne sommes, mortels, rien pourles dieux : leur jugement n'est pas à craindre.
Il ne faut donc se soucier ni de la mort elle-même, ni de l'attente deson heure.
Une chose absente ne peut nous troubler, et quand la mort advient, c'est que déjà nous ne sommes pluslà pour en souffrir.
L'homme ne rencontre jamais sa propre mort, et le "passage" est aussi irréel et inconsistant quel'instant présent qui sépare le passé du futur.
La mort n'est rien, comme le pur instant présent, sans passé ni avenir: "La mort n'a par conséquent aucun rapport avec les vivants, ni avec les morts, étant donné qu'elle n'est rien pourles premiers, et que les derniers ne sont plus." La mort ne doit être pensée ni comme un mal, ni comme unedélivrance.
Si ne pas exister n'est pas un mal, la vie comporte des joies qui peuvent être très agréables.
Vivresagement, ce n'est pas chercher à jouir le plus longtemps possible, mais le plus agréablement qu'il se peut.
La métaphysique matérialiste va aussi permettre de délivrer l'humanité d'une de ses plus grandes craintes : lacrainte de la mort.
Les hommes ont peur de la mort.
Mais que redoutent-ils en elle ? C'est précisément le saut dansl'absolument inconnu.
Ils ne savent pas ce qui les attend et craignent confusément que des souffrances terribles neleur soient infligées, peut-être en punition de leurs actes terrestres.
Les chrétiens, par exemple, imagineront quequiconque à mal agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dans les flammes de l'enfer.
La peur de la mort apartie liée avec les superstitions religieuses dont la métaphysique matérialistes nous libère.
De plus, si tout dansl'univers n'est fait que de matière, si nous, comme tous les êtres vivants, ne sommes que des agrégats d'atomes,lorsque nous mourons, ce ne sont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, ce n'est que notre corps quise décompose, en un point d'abord (celui qui est blessé ou malade), puis en tous.
Dès lors, rien de notre être nesurvit, il n'y a rien après la mort, « la mort n'est rien pour nous ».
Ceux qui pensent que la vie du corps, la pensée,la sensation, le mouvement viennent de l'âme, et que cette âme pourrait survivre après la mort du corps, ont tort.Car l'âme elle-même est faite de matière, certes plus subtile, puisque invisible ; mais si elle n'est qu'un agrégatd'atomes, elle aussi se décompose lorsque la mort survient, et même, selon l'expérience la plus commune, il fautpenser qu'elle est la première à se décomposer puisque le mort apparaît immédiatement privé de vie, de sensation,de pensée et de mouvement, alors que le reste de son corps semble encore à peu près intact et mettra plus detemps à commencer à se décomposer.
Aussi, la mort se caractérise bien en premier lieu par l'absence de sensation :« Habitue-toi à la pensée que le mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation, etque la mort est absence de sensation.
»En effet, les sensations que nous avons de notre corps et, à travers lui, des choses du monde sont la source detoute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur, donc le vrai lieu de tout bien et de tout mal,puisque le bien réel n'est que le plaisir et le mal la douleur.
Nous pouvons désigner la pensée d'Epicure comme unsensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation.
La mort étant la disparition des sensations, il ne peuty avoir aucune souffrance dans la mort.
Il ne peut pas y avoir davantage de survie de la conscience, de la penséeindividuelle: « Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous existons, la mortn'est pas là, et lorsque la mort est là, nous n'existons plus.
»Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.
Et je sais que c'estici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.
Mon bonheur dans la vie est.
»
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