Pouvons-nous savoir avec certitude que nous sommes libres?
Publié le 25/01/2005
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L'homme, comme le dirait Rousseau dans la Profession de foi du vicaire savoyard, a le sentiment intime de sa propre liberté : l'on se sent libre dès lors que l'on prend conscience de sa propre conscience. Prendre conscience de soi et de sa propre activité d'être pensant, c'est donc avoir le sentiment irréductible de la structure inconditionnée de son propre être, qui ne dépend pas des choses extérieures au moi s'atteignant lui-même. Or, un acte ne peut être dit libre que s'il est effectif, et dans son effectivité, cet acte peut toujours être expliqué, c'est-à-dire que l'on peut toujours reconstituer a posteriori une chaîne causale ayant déterminé cette action prétendue libre. La prétention à la liberté ne peut-elle donc accéder à un statut autre que celui de simple hypothèse ? La certitude de ma propre liberté ne peut-elle donc prendre la forme que d'une "intuition" immédiate, et irréductible à toute démonstration possible ? Ainsi, l'aspect absolu de ma certitude ne peut-elle pas jouer, paradoxalement, en défaveur de cette certitude même, au sens où rien d'extérieur à cette certitude ne pourrait la vérifier comme telle ?
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Descartes ne concède donc pas grand chose puisqu'il n'accorde que la possibilité théorique d'une indifférencepositive.
Il est certes possible que nous agissions contre toute raison afin de donner corps à cette indifférence, oupour prouver notre liberté, mais agir afin d'établir une affirmation de soi ne pourrait guère conduire qu'à une vie videet dénuée de sens.
L'indifférence même conçue comme une volonté positive (et non comme simple absence defondement à une décision) est donc bien encore le plus bas degré de la liberté.
II.
La liberté de mes choix est une fiction, dès lors que l'on admet que le sujet de la volonté n'est pastransparent à lui-même.
- Critique leibnizienne de la liberté d'indifférence cartésienne : la situation décrite par Descartes est tout simplementimpossible, car il y aura toujours des raisons qui nous pousseront à choisir l'une des deux options plutôt que l'autre,même si ces raisons sont imperceptibles à la conscience.
Nous sommes donc déterminés dans notre choix par desraisons imperceptibles à la conscience.
- Nietzsche : la liberté est une fiction forgée par la Volonté de puissance présente dans la nature pour tromper leMoi.
Nos choix sont intégralement déterminés par les forces obscures du Soi, qui contiennent les raisons cachées denos choix.
Ainsi, la volonté apparemment libre de rechercher la vérité, chez le philosophe, constitue selon Nietzscheune illusion forgée par la Volonté de puissance pour se retourner contre elle-même.
Tout choix est déterminé pardes forces qui dépassent autant qu'elles fondent la conscience que le Moi peut avoir de lui-même et de sa proprecertitude.
III.
La liberté est cela même qui ne peut être prouvée, puisque la démonstration ne s'applique qu'aumonde des phénomènes, par essence opposé à celui de la liberté.
-Kant : avoir une certitude, c'est avoir une connaissance assurée ; or, laconnaissance est essentiellement produite par l'entendement, qui produit desconcepts a priori , universels et nécessaires, à travers seulement peuvent être appréhendés les phénomènes de la nature.
Nous n'avons deconnaissance, donc de certitude, que de ce qui est nécessaire et déterminé :la liberté ne saurait être certaine.
-La liberté, c'est ce à partir de quoi est rendue possible la détermination dumonde sensible à partir de la loi morale.
La liberté est supposée , elle n'est jamais éprouvée comme telle : elle est nécessaire en tant que conceptrendant possible l'autodétermination de la raison, indépendamment de lasollicitation du monde sensible.
En ce sens, je ne saurais avoir d'autrecertitude de la liberté de mes choix que celle d'une hypothèse nécessairepour pouvoir rendre compte de la possibilité de la loi morale.
Si une action humaine est blâmable, répréhensible, si nous sommes en mesurede condamner certains comportements ou conduites, c'est que l'homme estlibre.
Si la liberté, au contraire, n'est qu'une illusion, la morale, à savoir ladistinction du bien et du mal, devient impossible.
On peut considérer chaqueindividu de deux points de vue.
Du point de vue du caractère empirique,c'est-à-dire de nos déterminations, mobiles et penchants sensibles, chacunede nos actions peut être imputée, quant à sa cause, à un événementantérieur qui, enchaîné à d'autres, nous a conduit à agir de telle sorte plutôt qu'autrement.
De ce point de vueempirique et sensible, nous ne sommes pas libres, comme un bref examen de raison peut nous le montrer aprèscoup.
Mais ce n'est pas pour autant que nous sommes irresponsables : nous portons le poids de nos propresactions, comme chaque auteur porte son oeuvre.
Du point de vue moral, c'est-à-dire du caractère intelligible del'auteur, chaque action est regardée comme inconditionnée par rapport à l'état antérieur.
Par chacune de nosactions, nous commençons absolument, c'est-à-dire sans antécédents, une série nouvelle de conséquences, dontnous sommes les libres instigateurs.
*La liberté est la condition de toute certitude, puisque c'est à partir d'elle que le moi se rejoint lui-même au sein desa liberté essentielle.*Néanmoins, je n'aurai jamais aucune certitude concernant cette liberté, puisqu'elle ne se prouve ni ne s'éprouvecomme telle.*Je ne puis avoir d'autre certitude que celle de ma foi en la liberté et en la possibilité de la moralité ; et sans doute n'y a-t-il pas, paradoxalement, de certitude plus assurée que celle de la foi, contrairement à celle de l'entendement,qui s'articule toujours autour de la sphère limitée de notre expérience possible.
Mes choix sont libres, donc, si jeveux qu'ils soient tels : c'est la seule certitude qui nous soit accessible..
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