Pourquoi réfléchir sur le langage ?
Publié le 22/02/2012
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«
partie avec Ludwig Wittgenstein, qui a parfaitement répondu (par avance !) à la question posée : le langage travestit la pensée et la travestit si bien que de nombreux philosophes sont tombés dans le piège : ils n'ont pas suffisamment critiqué le langage, ils n'ont pas formé une langue parfaite et pure. « La plupart des propositions et des questions qui ont été écrites sur des matières philosophiques sont non pas fausses, mais dépourvues de sens. Pour cette raison nous ne pouvons absolument pas répondre aux questions de ce genre. » (Tractatus logico- philosophicus, p. 46)
Depuis Wittgenstein et le Tractatus, la philosophie s'est donnée pour tâche de traquer sans cesse le langage et de réfléchiç sur lui.
Par exemple, le Cercle de Vienne (fondé en 1929) a voulu évacuer comme non pertinents les termes et concepts vides de sens, la plupart des termes métaphysiques constituant des pseudo-termes. Nous pourrions multiplier les exemples avec la philosophie analytique anglo-saxonne, pensée entièrement centrée sur l'analyse du langage et qui tend à éliminer la recherche métaphysique.
Mais, si la philosophie juge primordial de réfléchir sur le langage, ce n'est pas seulement pour des raisonsthéoriques : en réalité, le langage n'éclaire pas seulement la théorie.
Nous allons voir qu'il jette une lumière surtoute la vie, parce qu'il désigne bel et bien une puissance créatrice indéfinie, et non pas un pouvoir limité.
B)La philosophie s'intéresse au langage concret qui révèle la vie.
Les mots, nous le voyons, doivent être de bons outils et c'est pour cette raison (théorique) que le philosophe va réfléchir sur le langage.
Mais cette réflexion est commandée par une autre exigence philosophique.
Que veut, en effet, la philosophie ? Elle veut éclairer la complexité de la vie, elle s'efforce de comprendre le monde et les hommes qui y vivent.
Elle se donne pour but, avant tout, de déboucher sur une compréhension globale des exis tants.
Or, pour comprendre la vie et les hommes, ne faut-il pas accéder à leur langage ? Ici, le problème n'est plus de procéder à des analyses purifiées et d'éliminer les concepts et termes vides de sens, mais de saisir le langage concret des hommes, plongés clans le réel, d'analyser les formules linguistiques significatives.
C'est bien ce que va faire le philosophe : il va diriger son attention sur la richesse de la langue et comprendre ici le langage comme outil et comme pratique révélatrice.
Or, que découvre-t- on en cette quête ? Qu'aucun langage n'est dépourvu de raison, qu'il manifeste des formes de vie, que les »jeux de langage » sont des jeux de vie.Comprendre les mots du langage courant, c'est comprendre la vie des hommes et c'est pour cette raison que le philosophe s'intéresse au langage.
« Le mot jeu de langage doit faire ici ressortir que le parler du langage fait partie d'une activité ou d'une forme de vie.
» (Wittgenstein)
Ce sont donc les actes de discours qui sont ici intéressants : car les mots et le langage sont des actes, manifestant la vie.
C'est le langage commun, courant, banal, populaire qui est ici révélateur.
Le philosophe va l'interroger et, en l'interrogeant, il va remplir sa mission : mieux comprendre les hommes.
C'est ce qu'a réalisé le grand philosophe anglais Austin (1911-1960), ce penseur du langage ordinaire.
Que nous dit-il exactement ? Que la multiplicité d'expressions linguistiques et le choix de telle ou telle expression sont significatifs et éclairent la complexité des situa tions existentielles : tel est le langage, tel est l'homme ; tel est le discours, telle est la vie concrète. « Si deux tournures existent dans la langue, on découvrira quelque chose dans la situation où nous sommes appelés à employer l'une ou l'autre, qui explique notre choix. Il peut arriver que le choix paraisse arbitraire : mais très souvent nous marquons une nette préférence pour une tournure, plutôt que l'autre.
[...1 Si cette préférence existe, il doit y avoir quelque chose dans la situation globale environnante qui expliquerait I...] pourquoi dans tel cas nous préférons l'une, et dans tel autre cas nous préférons la seconde. » (Austin, in La philosophie analytique, p.
333)
Ainsi, le langage, avec sa puissance créatrice indéfinie, éclaire la complexité de la vie. Dans cette perspective, Austin va montrer qu'il y a des paroles qui sont en elles-mêmes des actes, que dire, c'est faire, que les paroles dubaptême, de la promesse, etc.
sont.
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