Pourquoi n'y a-t-il pas de technique pour être heureux ?

« Admettons que nous considérions que jouir d'une longue vie soit un moyen d'être heureux : Hélas, je risque de voir mes amis mourir, mon amour mourir.

Je risque d'être l'objet d'un acharnement thérapeutique,d'être dépossédée d'un pouvoir sur moi-même, je risque de ne plus être autonome… On sait ce qu'il faut faire pour optimiser les chances de vivre le plus longtemps possible, mais est-ce qu'on est sûrque ça nous rendra heureux ? Le moyen que l'on choisit pour être heureux est trop général ! Ses conséquences sontdonc en nombre infini et du coup, on s'expose à la souffrance alors qu'on appliquait un moyen d'être heureux ! A l'inverse, si j'applique une technique, bien sûr, il ya des effets pervers, des effets dommageables qui ne sont pasles effets recherchés par la techniques,certes, mais ils sont en nombre limité.

Par exemple, si le but est d'avoir de lalumière dans une pièce de la maison.

Cette fin va déterminer des actions précises : construire un barrage, installerune dynamo, une ampoule.

Certes, il y a aura des effets pervers comme telle ou telle conséquence regrettable surl'écologie.

Mais les conséquences directes de l'application d'une technique ne sont pas en nombre limité. Admettons à présent que je considère que mon bonheur est suspendu à la condition du mariage.

Se marier, avoirbeaucoup d'enfant, est-ce le moyen d'être heuruex ? Les conséquences sont infinies.

Parfois le conte de féedérape, il y a beaucoup de choses que l'on ne maîtrise pas.

On ne eput pas prévoir les conséquences en nombreinfinies de cette action, la façon dont chacun va évoluer, le poids des expériences passées, les influences descontextes socio-culturels, les conséquences des diverses frustrations, l'impact du monde du travail, de l'apparitiondes enfants, des responsabilités, des difficultés financières… Les marges de probabilité sont trop larges.

N'aurait-onpas été plus heureux célibataire sans enfant ? Qu'est-ce qui nous rend heureux à coup sûr ? Et si c'était devenir impassible comme le sage stoïcien ? mais alors je serai en lutte avec moi-même ? Ne vais-je pasdevenir dure ? Avoir le cœur sec ? Et être incomprise de mes proches ? Et me couper d'eux ? Pourquoi ne trouve-t-on pas de moyen pour être heureux à tous les coups ? Lorsqu'on applique une technique, on est sûr du résultat dès lors que l'on suit le mode d'emploi et qu'on aauparavant défini précisément le but.

Or, le bonheur est un but indéterminé.

C'est un idéal qu'on imagine, il restedonc nécessairement flou.

Voilà le problème : pour dire précisément ce que c'est que le bonheur, il faudrait toutprévoir : Par exemple, si je dis que ce qui me rend heureuse c'est de vivre très longtemps, je devrais aussi prévoir tout ce quiva avec une vie très longue et je dirai : je veux vivre très longtemps, mais je ne veux pas voir mourir tous mes amis,et je ne veux pas avoir d'arthrose, et je ne veux pas ceci, ni ceci, ni cela, ni cela, mais je veux ceci, et ceci, maispas ça…. Pour avoir le secret du bonheur, sa technique, sa recette, il faudrait être omniscient et savoir, sans rien oublier, cequi accompagne la vieillesse.

Sinon, ce que je crois être mon bonheur se transformera en enfer ! Sauf à être omniscient et à pouvoir absolument tout prévoir, il n'y a pas de technique pour être heureux.

Latechnique nous rend habile cocernant un objectif précis et limité.

Le bonheur est trop général.

Donc par rapport aubonheur, nous ne pouvons pas être habile ! On peut être habile à la pêche, grâce à une technique.

On peut êtrehabile dans un sport de combat, grâce à une technique.

Mais le bonheur n'est pas une question d'habileté.

Sij'applique un moyen pour être heureuse, ce que j'obtiendrai sera peut-être un véritable enfer. Par rapport au bonheur, on peut juste être prudent. C.

La prudence Pourquoi être prudent ? On est prudent quand on n'est pas sûr que les choses se passent d'une seule manière, d'une certaine manière.

Onest prudent quand les choses peuvent se passer autrement, quand le cours des choses n'est pas nécessaire.

Là où. »