Pourquoi l'Homme a-t-il besoin de se transposer dans un monde qui n'est pas réel ?
Publié le 23/07/2010
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Le merveilleux – qui vient du latin mirabilia signifie « choses étonnantes, admirables « - désigne tout d’abord ce qui est extraordinaire, ce qui peut s’éloigner du cours ordinaire des choses ou ce qui parait miraculeux. Dès le XVIIIème, l’adjectif merveilleux sert à qualifier une personne ; ainsi à la Révolution Française « les Merveilleux « désignaient les « gens à la mode «. Au XVIIIème, ce terme est associé à un genre littéraire proche du fantastique mais qui s’en distingue par le fait qu’il n’ait pas besoin de justifier sa vraisemblance. Dans un récit merveilleux, le lecteur s’attendra à être emmené dans un autre monde où il y aura des êtres surnaturels comme des Dieux, anges, fées, ou génies. D’ailleurs, dès le début de l’histoire, l’auteur recherche cette harmonie, alors que dans le fantastique le surnaturel est parfois ressenti comme anormal, cela peut même surprendre le lecteur.
Le merveilleux est une formidable source d’inspiration qui semble inépuisable et qui traverse les époques. C’est pourquoi, on le retrouve au Moyen Age jusqu’au siècle des Lumières, notamment avec Charles Perrault ou Voltaire.
Il s’agira alors, d’essayer de répondre à plusieurs questions: Pourquoi l’Homme a-t-il besoin de se transposer dans un monde qui n’est pas réel ? Qu’est-ce que cela peut lui apporter ?
En ce sens, il s’agira de se demander si ce n’est pas un moyen pour rester dans l’innocence infantile…..pouvant correspondre à une volonté d’échapper au monde qui nous entoure …. Mais que cette arme apparemment inoffensive peut être un moyen de dire des choses essentielles.
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à oublier sa condition dans l'irréel.
La réalité est souvent bien peu joyeuse avec les guerres, l'instabilité, la violence,la pauvreté….ainsi dans une logique Marxiste on pourrait presque dire que le merveilleux serait en quelque sorte« l'opium du peuple », puisque cet enchantement ne lui permettrait pas de prendre conscience de la réalité danslaquelle il vit, d'ailleurs la religion qui fait imaginer à ses adeptes l'existence d'un au-delà, d'un paradis… permetd'oublier ce qu'il vit au moment présent (si terrible soit-il).
On essayerait alors d'échapper au monde qui nousentoure.
De plus, le monde dans lequel nous vivons est de plus en plus rationnel suivant la logique d'un calcul économique, c'est d'ailleurs la caractéristique principale du capitalisme selon Max Weber.
Il met en évidence que larecherche du salut de Dieu (- à travers l'éthos de la besogne -) afin de savoir si on est l'Elu ou non, est devenuerationnelle.
Dès lors, cela nous amène à un désenchantement du monde.
Or ceci peut être nuancé puisque cedésenchantement a entraîné en fait, un besoin encore plus grand de merveilleux.
Il est aisé de constater ceci àtravers l'omniprésence de la publicité qui essaye de faire rêver les individus, les voyages essayant de nousdépayser…et cela fonctionne plutôt bien.
Le succès du paranormal avec la voyance ou la recherche d'êtres extra-terrestre ne dément pas cette frénésie.
On pourrait alors en déduire que l'homme ne peut se passer d'imaginer, dese projeter dans un monde qui n'est pas le sien.
L'imagination permet d'échapper à une réalité qui nous empêche d'être heureux ou joyeux.
Le fameux monde désenchanté de Weber est à nuancer puisque qu'aujourd'hui le capitalisme se nourrit du désenchantement qu'il aproduit à travers la publicité notamment.
Mais le merveilleux peut aussi servir à dire des choses essentielles.
De nos jours, nous pouvons constater une sorte d'anomie dans nos sociétés.
En effet, les règles morales semblent s'affaiblir et les instances d'intégration seraient selon certains déclinologues en crise.
Les contesmerveilleux ,qui sont les plus populaires contiennent tous à la fin du récit une morale, or les enfants au cours deleurs lectures les assimilent peu à peu.
En ce sens, le conte ne serait pas qu'un moyen de raconter une bellehistoire avec des personnages surnaturels mais se serait aussi un moyen de faire passer une image, un message.Prenons l'exemple de Peau d'âne de Charles Perrault : lorsque le roi décide de prendre pour nouvelle femme sa fille(la reine mourante lui ayant fait promettre d'épouser une autre femme séduisante), celle-ci décide de s'enfuir sur lesconseils de sa marraine, qui est une fée, couverte d'une peau d'âne.
Cette histoire apparemment innocente soulèveplusieurs problèmes dont celui de l'inceste, ce que la psychanalyse appellera plus tard le « complexe d'Electre ».
Lasouillure sera alors représentée par la peau d'âne qui est un vêtement répugnant.
Donc, le lecteur intérioriseinconsciemment cette norme dans son surmoi, et cela dès sa plus tendre enfance.
On peut dire alors que cela peutêtre un moyen d'instruction et d'invitation à la réflexion sur des problèmes sérieux.
D'autre part, le merveilleux à travers le conte permet de dire des choses essentielles dans la mesure où l'on peut, sous une apparence inoffensive, critiquer et donner son opinion sur un sujet donné.
Les grands auteurs desLumières ont utilisé cette technique afin de dénoncer les pratiques et les oppressions du roi .
Le critique le plusvirulent étant sans doute Voltaire ; en effet Candide ne passa pas inaperçu et ce conte philosophique lui permit decontinuer à transmettre les idéaux des Lumières, contrant ainsi la censure qui sévissait à cette époque :l'esclavage, l'optimisme béat de Leipzig (Pangloss), la guerre….sont dénoncés.
L'auteur doit alors dépasser le simplestade primitif d'une lecture et doit s'interroger sur la portée du message qu'a voulu faire passer l'auteur.
Au final, nous pouvons dire que le merveilleux est un moyen d'échapper à notre condition, de rêver et d'imaginer un monde qui soit tout autre avec des animaux et des êtres étonnants… Dès lors, notre imagination estravivée.
Le monde de violence dans lequel nous vivons devient de plus en plus étouffant, par conséquent l'homme àbesoin d'un peu de douceur.
Il en est de même pour le prétendu désenchantement du monde wébérien, en réalité ilest impossible de vivre dans un monde totalement rationnel dénué de toute magie.
Toutefois, cet aspect un peunaïf est à nuancer puisque l'on peut utiliser le merveilleux afin d'instruire de manière plaisante ou de faire prendreconscience des problèmes que l'on ne peut pas nier.
Les écrivains des Lumières utilisait cet avatar pour éviter lacensure, ainsi les ouvrages paraissaient ils totalement inoffensifs et dédiés à des enfants, or cela n'était pas.
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