Pourquoi la psychologie a-t-elle été si lente à se dégager de la métaphysique et à se constituer en science positive ?
Publié le 19/02/2011
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a) A. Comte avait cru pouvoir formuler dans sa fameuse loi des trois états, le progrès de la connaissance, passant successivement de l'état théologique (explication par des causes surnaturelles, conçues par analogie avec l'homme), par l'état métaphysique (explication par des causes abstraites, principes, forces ou facultés) et arrivant enfin à l'état positif ou scientifique (renonciation à toute explication par des causes; réduction de la recherche scientifique à la détermination des phénomènes et à l'établissement des lois qui constatent leurs liaisons constantes, lois positives autorisant la prévision et préparant la technique). Ce n'est pas ici le lieu d'examiner la part de vérité ou d'erreur que comporte cette ambitieuse généralisation : il suffira de montrer qu'elle a été suggérée au fondateur du positivisme par l'histoire des sciences (telle qu'on la pouvait connaître à son époque).
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psychologie que longtemps après qu'elle a révélé sa fécondité dans d'autres domaines; on peut même se demandersi, en fait, elle a définitivement triomphé des résistances métaphysiques dans la psychologie contemporaine et si, endroit, elle peut en triompher.
III.
DIFFICULTÉS DUES AUX CARACTÈRES DE L'OBJET MENTAL.
Lorsque la psychologie a voulu se constituer comme science indépendante, elle a cherché à définir, en termesd'expérience, son objet : elle a cessé d'être la science de l'âme pour devenir la science des faits de conscience.Mais d'énormes difficultés attendaient le psychologue soucieux d'observer, de décrire et de classer ces « faits ».a) La première était due à la complexité et à la richesse de ces faits de conscience : ils ne sont jamais simples; lamoindre perception possède une structure plus ou moins articulée; elle comporte un aspect privilégié, plus clair, de-qualités plus denses se détachant sur un fond plus indifférencié et plus confus; elle se situe dans un milieu spatial;elle s'enrichit d'apports mnémoniques; elle implique une foule de jugements d'identification, de causalité,d'appréciation; elle possède en outre une tonalité affective (la chose est plaisante ou désagréable, etc.); elle éveilleun désir ou provoque une aversion...
Lorsqu'on a affaire à des formes supérieures d'analyse intellectuelle, cetterichesse augmente jusqu'à paraître pratiquement inépuisable et, de plus, leurs aspects sont fuyants, insaisissables :leur expression verbale devient de plus en plus malaisée (car le langage usuel est fait pour désigner des choses oudes actions sur les choses); qu'on songe, un instant, à la difficulté de traduire en mots un travail mental complexecomme la composition d'une dissertation philosophique par exemple, avec tout le jeu de ses pensées abstraites, lesystème de leurs liaisons logiques ou syntaxiques.b) Encore, si les éléments ainsi dégagés par l'analyse restaient stables, si on était certain de les retrouver tels qu'onles a isolés, de pouvoir garantir leur existence réelle, à l'état pur! C'est bien ce que supposèrent lesassociationnistes, soucieux de ramener toute la complexité de la vie mentale à des mécanismes d'images, véritables« atomes mentaux » dont la psychologie serait la chimie.
Mais la critique des James et des Bergson a dissipé cetteillusion : le moi n'est pas ce polypier d'images dont jadis parlait Taine, mais une synthèse vivante, irréductible à lasomme de ses prétendus éléments : ceux-ci ne sont jamais que des vues de l'esprit et non des aspectsauthentiques de la réalité interne.
Par ailleurs, cette synthèse est non un état, ou une succession d'états, mais undevenir, une coulée sans cesse changeante, sans cesse originale et par suite, imprévisible en droit.
Mais alors,n'est-ce pas renoncer à toute détermination scientifique, puisque la loi est 4e rapport constant qui permet deprévoir l'avenir?c) Enfin, les sciences n'ont pu assurer l'autorité de leurs lois qu'en apportant à leurs prévisions une valeurrigoureuse; seul, le langage mathématique pouvait leur conférer cette rigueur.
Mais pour définir un phénomène parun nombre, il faut le mesurer c'est-à-dire le saisir par son aspect quantitatif : l'optique, par exemple, n'est vraimentdevenue une science que lorsqu'à la considération qualitative des couleurs on a pu substituer un tableau quantitatifde longueurs d'ondes.
Or la mesure n'a de prise que sur ce qu'on peut étaler dans l'espace ; la vie mentale s'ordonnedans une durée dont les moments chargés de qualités toujours originales et par suite hétérogènes ne peuvent êtreprojetés dans le cadre vide d'un espace homogène ; la qualité psychique paraît irréductible à la quantité, et lapsychologie ne peut, semble-t-il, utiliser la rigueur "de la mesure ; ses descriptions devront se contenter d'uneexpression qualitative, toujours vague, souvent équivoque.
IV.
DIFFICULTÉS DUES A LA MÉTHODE.
Toute science inductive, comme le sont les sciences de la nature, procède par l'observation des faits, l'invention del'hypothèse, la vérification de l'hypothèse par l'expérimentation (observation méthodiquement provoquée dans desconditions connues et favorables).
Quelles sont les ressources de l'observation et de l'expérimentation enpsychologie?a) L'observation psychologique.1) Observation interne.
— La méthode traditionnelle de la psychologie est la réflexion du sujet sur sa propre viementale, l'introspection; cette méthode présente le précieux avantage de faire coïncider; pour ainsi dire,l'observateur et l'objet de l'observation qui est atteint immédiatement et dans sa nature même : privilège unique dela psychologie qui est refusé à toutes les autres sciences dont les observations indirectes ne peuvent se faire quepar l'intermédiaire des sens et du système nerveux.
Mais cet avantage, si c'en est un, est compensé par de gravesinconvénients : ce dédoublement d'un seul esprit en un observateur et un objet d'observation est-il seulementpossible? (objection d'A.
Comte).
L'interférence des facteurs affectifs (émotions et sentiments) ne rend-elle pasdifficile, souvent impossible une observation lucide? L'introspection n'est-elle pas faussée, dès l'abord, par desopinions préjugées (théories chères au psychologue, jugements de valeur sur soi-même, etc.)? Enfin et surtout,l'observation interne n'atteint guère que la surface de la vie mentale ; celle-ci a des profondeurs obscures que nepeut sonder l'introspection et la psychologie contemporaine a été amenée à faire une large place au dynamismeinconscient de l'esprit pour donner un sens à une foule de manifestations (pensées, sentiments, actions) dontl'origine échappe totalement au sens interne.2) Observation externe.
— Elle consiste à noter le comportement des autres et à l'interpréter : or, de deux chosesl'une,: ou bien on interprétera ce comportement par analogie avec le nôtre en évoquant les états de conscienceque nous avons éprouvés dans des cas comparables, mais cette méthode analogique devient de plus en plussuspecte à mesure que nous avons affaire à des êtres humains plus différents de nous par l'âge, le sexe, la culture,la race, etc.
Et elle est irrecevable quand il s'agit du comportement de l'animal; ou bien, on renoncera à cette.
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