Pour qui travaillons-nous ?
Publié le 07/01/2020
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L'organisation sociale du travail
La satisfaction des besoins est relative à la valeur d'usage des produits, c'est-à-dire ce qui les rend utiles à telle ou telle consommation. Mais la satisfaction des besoins dans leur diversité rend la coopération et l'échange nécessaires, et le produit existe alors comme marchandise, ayant une valeur d'échange distincte de sa valeur d’usage. Le travail est donc une activité sociale. Nous allons examiner les problèmes liés aux rapports des hommes entre eux dans la production et lors de l'échange. Nous abordons là les problèmes liés à l'organisation sociale du travail.
L'expression « organisation sociale du travail » peut s'entendre en deux sens qui doivent être distingués : d'une part, elle désigne la distribution des tâches, la division des métiers. Ce problème sera abordé dans le chapitre suivant. Mais d'abord, elle renvoie à une réalité sociale qui apparaît souvent aujourd'hui problématique : si le travail est une nécessité vitale, cette nécessité ne s'impose pas de la même façon à tous et, depuis très longtemps et dans de nombreuses sociétés, il existe une répartition, qui conduit certains à effectuer l’ensemble du travail nécessaire dans la société, pendant que quelques-uns en sont dispensés. Une telle répartition n'est possible que si ceux qui travaillent produisent plus que ce qui leur est strictement nécessaire, grâce à un travail supplémentaire.
Comment cette répartition a-t-elle été justifiée, et que valent les justifications avancées ?
Une justification possible serait que cette division permet une répartition des fonctions à l'intérieur de la société : ceux qui n'assurent pas le travail « nécessaire » peuvent se consacrer à d'autres activités, religieuses ou militaires par exemple, et assumer ainsi des fonctions dont l'utilité sociale sera reconnue par tous.
«
Dans ce cas.
le fait que le travail nécessaire ne soit assuré
que par une partie du corps social est accepté volontaire
ment: le travail apparaît comme une obligation, c'est-à-dire
un devoir d'ordre religieux ou moral.
Dans d'autres cas,
comme dans l'esclavage, le travail nécessaire est au contraire
imposé par la force à une partie de la population ; le travail
est alors du travail forcé qu'on n'exécute que sous la
contrainte 1•
Cependarit, cette justification de la division sociale entre
travailleurs et non-travailleurs par la répartition des fonctions
pose elle-même des problèmes : pourquoi cette fonction est
el le assurée par celui-ci plutôt que par un autre? L'exercice
de la fonction relève+il d'un droit attaché à la naissance?
Certains philosophes ont cherché à fonder la légitimité de
cette répartition dans des inégalités naturelles entre les hom
mes.
C'est ainsi, par exemple, qu'Aristote, dans l'Aritiquité,
justifiait l'esclavage (cf.
texte 10).
Si quelques-uns sont dis
pensés de la condition commune, c'est qu'ils possèdent des
qualités qui leur permettent d'assurer d'autres fonctions.
sou
vent d'ailleurs jugées «supérieures».
Mais cet argument heurte la pensée moderne, qui fait de
l'égalité des hommes à la naissance un principe fondamen
tal du droit, de la politique et des rapports sociaux.
De plus aucune « fonction >> sociale ne justifie le bénéfice
de ceux que Marx appelle, dans la société industrielle, « capi
talistes», et dont il dit qu'ils ne travaillent pas mais vivent
directement du travail des producteurs.
parce qu'ils détien
nent capitaux et moyens de production.
On peut même se demander si les conditions sociales
d'existence du capitaliste n'éclairent pas rétrospectivement
la condition réelle de ceux qui.
dans les sociétés du passé.
ne travaillaient pas non plus : derrière la fonction guerrière
du seigneur, au Moyen Âge, ou celle, politique, du citoyen
antique propriétaire d'esclaves, ne doit-on pas deviner la
1.
Il ne faut donc pas confondre la nécessité du travail, qui tient à la condition humaine en général (il faut transformer la nature en pro duits utiles, c'est-à-dire travailler, pour vivre).
avec le caractère forcé qui tient à certaines conditions sociales d'organisation.
On ne doit pas non plus confondre cette contrainte sociale avec le caractère peu attrayant du travail qui impose une attention et une tension (cf.
texte 1)..
»
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