Pour l'homme, exister est-ce simplement vivre ?
Publié le 04/03/2005
Extrait du document
- I) Exister, c'est simplement vivre.
- II) Exister, ce n'est pas simplement vivre.
«
Et pourtant l'exemple de la maladie permet de bien comprendre ce que veut dire Platon : la douleur est intolérableparce qu'elle est en nous comme une présence étrangère.
C'est bien notre corps qui souffre mais par là même ilnous devient en quelque sorte étranger, il ne nous est plus soumis.
Dans les passions comme la peur, nous disonségalement que nos jambes se dérobent « malgré nous ».
Enfin, une migraine peut affecter considérablement noscapacités de réflexion et de discernement.
Ce qui peut choquer c'est que la critique ne soit pas compensée par unéloge du corps; mais les maux que déplore Platon ne sont pas étrangers à notre propre expérience.
Montaignereprendra largement ce thème de la puissance des émotions corporelles, par exemple de l'imagination, et de lafaiblesse de l'intellect face à ces passions.Après avoir cité les maux dont le corps accable l'âme, Platon franchit un degré en lui attribuant la responsabilité desguerres, destinées à assouvir ses appétits.
Ici on peut se demander si l'argument est vraiment plausible : les causesdes guerres sont multiples, et on trouve parmi elles non seulement la volonté de puissance, mais le prestige de l'idéede puissance, ou des constructions idéologiques.
Il n'est pas certain que l'on puisse vraiment attribuer au corpsl'origine de ces représentations.
Le problème du mal humain atteint sa profondeur précisément lorsqu'il fautreconnaître que ceux qui ont fait le mal savaient ce qu'ils faisaient.L'aboutissement de ce réquisitoire peut faire sourire tant il semble que Platon tienne l'impossibilité de philosopherpour plus grave encore que les guerres.
Le terme de « loisir », qu'il emploie ici, est très important dans sa pensée etrevient fréquemment dans ses dialogues : pour rechercher la vérité il faut avoir du temps devant soi et l'espritsuffisamment libre.
Souvent, dans les dialogues platoniciens, Socrate doit appeler à plus de patience desinterlocuteurs trop pressés de conclure le raisonnement.
Dans le Ménon ou le Gorgias, se produit exactement ce quePlaton déplore : les interlocuteurs se laissent emporter par leurs passions, notamment par l'orgueil et la vanité.
Nesupportant pas la réfutation que Socrate oppose à leurs propos, ils se fâchent et menacent d'interrompre ladiscussion.
Conclusion.
C'est en fait à un véritable travail d'ascèse que nous convie Platon à travers ce réquisitoire contre le corps.
Sansdoute ne pouvons-nous éviter de lire ce texte avec beaucoup de distance; mais on ne peut être que frappé par laproximité de ce texte et de différents mysticismes ou une doctrine aujourd'hui aussi prisée que le bouddhisme, quiinvite également à discipliner et à dompter le corps, siège de la douleur qui nous empêche d'accéder à la sérénitéparfaite.
La leçon à retenir de ce texte est que la philosophie ne peut se pratiquer sans une certaine expérience dusilence et de l'ascèse spirituelle - à condition, mais c'est un autre débat, d'admettre que l'objet de la philosophie estla contemplation ou la méditation de l'absolu.
Épictète, quant à lui, enseigne de ne jamais se laisser dominer par les passions, de ne jamais vouloir ce qui nedépend pas de nous.
De même, Épicure dira qu'il ne faut assouvir que les désirs naturels et nécessaires.
Le plaisir ou la satisfaction dudésir est un bien.
Mais s'il affirme que l'homme doit s'employer à rechercher le plaisir pour être heureux, il ne doit pasen faire la visée ultime ou le but de toutes ses actions.
Le plaisir ne doit pas être recherché pour lui-même, maisseulement pour éviter la souffrance et avoir la paix de l'âme.
Le bonheur n'est pas le fruit de la luxure : « Ce ne sontpas les beuveries et les orgies continuelles, les jouissances des jeunes garçons et des femmes, les poissons etautres mets qu'offrent une table de luxueuse qui engendrent une vie heureuse, mais la raison vigilante qui rechercheminutieusement les motifs de ce qu'il faut choisir et de ce qu'il faut éviter et qui rejette les vaines opinions, grâceauxquelles le plus grande trouble s'empare des âmes » (« Lettre à Ménécée »).Aussi Épicure distingue-t-il :• Les désirs naturels et nécessaires au bien-être du corps et de l'âme, qui s'appliquent aux objets susceptibles desupprimer la douleur, tels la boisson qui étanche la soif ou la pain qui calme la faim.• Les désirs naturels et non nécessaires.
Les objets de ces derniers sont, par exemple, les mets délicats quipermettent de varier le plaisir.
Ces désirs ne sont naturels que pour autant qu'ils ne se transforment pas endébauche.
Ainsi, le désir sexuel est naturel à condition qu'il ne devienne pas « un appétit violent des plaisirs sexuelsassorti de fureur et de tourment ».• Les désirs ni naturels ni nécessaires qu'il faut refouler si l'on veut connaître la sérénité (désirs de gloire, derichesse, d'immortalité, ambition...).
Ces désirs sont de « vaines opinions » qui trouvent leur origine dans la craintede la mort, notamment.Épicure nous invite donc à mettre fin à tous les plaisirs non naturels et non nécessaires qui occasionnent le plussouvent des désagréments, des frustrations, qui freinent l'accès à l'ataraxie (absence de trouble ou de douleur).
L'intérêt que je porte à mes besoins se limite à ma subsistance et à l'entretien de ma santé.
Les désirs nous conduisent à oublier de vivreAinsi que l'écrit Pascal, «nos désirs nous figurent un état heureux, parce qu'ils joignent à l'état où nous sommes lesplaisirs de l'état où nous ne sommes pas; et, quand nous arriverions à ces plaisirs, nous ne serions pas heureux pourcela, parce que nous aurions d'autres désirs conformes à ce nouvel état.» Le bonheur appartient à celui qui secontente de vivre, loin du tumulte du divertissement..
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