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Pour le critique littéraire Albert Thibaudet, lire des romans, "c'est être amené à se reconnaître et à se juger." N'est-ce pas trop limiter l'oeuvre romanesque ?

Publié le 06/06/2009

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Plan adopté dans le devoir I. L'identification romanesque ou « se reconnaître « a) Identification au héros b) Je lis ce que je voudrais être c) L'expérience de la lecture II. Modèle et valeurs ou « se juger « a) La recherche de modèles b) La recherche de valeurs c) La lecture est un acte III. Un mode de connaissance ou « être amené à « a) De la lecture-plaisir à la lecture-connaissance b) La lecture change le lecteur c) Valeur éthique de l'acte de lecture

Devoir rédigé De même qu'une pièce de théâtre n'a de sens que si elle est représentée, ou un film s'il est projeté, un livre n'a de sens que s'il est lu. C'est dire que la littérature est inséparable de l'acte de lecture. Or, pour le critique littéraire Albert Thibaudet, lire des romans, « c'est être amené à se reconnaître et à se juger «. Ce que l'on chercherait dans la lecture, c'est d'abord soi-même, et un jugement sur soi-même. On verra dans un premier temps sur quoi se fonde cette affirmation, en particulier autour de la notion d'identification romanesque. Il faudra ensuite s'interroger sur les motivations de la lecture et en particulier sur les critères du jugement, par rapport à des modèles ou à des valeurs. Nous examinerons alors, dans un troisième et dernier temps, en quoi la lecture peut apparaître comme un mode de connaissance, dépassant toute limitation individuelle.

« En préférant les romans dans lesquels il sera amené à se reconnaître, le lecteur ne cherche-t-il pas des modèles, quivéhiculeraient des valeurs ?Si l'identification a lieu généralement avec le héros, c'est bien parce que celui-ci peut constituer un modèle.

Lepassage d'un livre à un autre peut alors être envisagé de deux façons.

Ou bien le lecteur ne cherche que lareproduction d'un modèle déjà établi, comme c'est le cas dans les romans de gare, et l'identification se fait alors surdes lieux communs : Il est beau, grand et fort, Elle est belle, tendre et fragile...

Ou bien le passage d'un livre à unautre constitue pour le lecteur une possibilité d'évolution du modèle.

L'image idéale ne relèvera alors plus d'une identification immédiate, quece soit avec Rastignac ou avec Jivago, mais d'un recouvrement d'une image par une autre.

Le lecteur, dans cettemesure, cherchera bien dans la lecture à modifier l'image qu'il voudrait être, sans pour autant s'identifiervéritablement au héros.

L'expérience de la lecture participe alors de la constitution, pour le lecteur, de sonindividualité : en définissant un modèle de vie, par approches successives, le lecteur se définit lui-même.Car cette quête de modèles ne saurait en fait être limitée au héros.

Le lecteur de David Coppedield ne sauraitprendre David pour modèle, face au modèle sombre que constitue son ami Steerforth.

Mais dans la mesure où cedernier n'est évidemment pas un être moral, et meurt dans une violente tempête, il ne saurait non plus être unmodèle à part entière.

Ce que le lecteur cherche en fait, c'est moins un modèle qui serait parfait, et qui relèveraitalors des lieux communs de l'héroïsme, que la constitution d'un ensemble de valeurs, dans lesquelles il puisse sereconnaître.

Le héros, au sens du XVIIe siècle, doit posséder les valeurs héroïques que sont le courage, l'honneur, lafierté, etc.

Il n'en est guère autrement aujourd'hui : si identification il y a, elle ne peut se faire qu'au nom devaleurs, que celles-ci soient ou non valables...

Le succès de Rambo s'est fait au nom d'une valeur force, commecelui du Cid s'était fait au nom de l'honneur.La lecture apparaît alors comme un acte véritable, qui permet à la fois de se former des valeurs propres ou d'adhérerà des valeurs.

L'identification n'est plus en cause : je ne suis pas antisémite parce que je lis Céline ; au contraire,Céline me fait réfléchir et me permet de ne pas être antisémite.

Lire n'est donc plus un miroir sans profondeur, ni lemiroir magique de la reine de Cendrillon, qui lui dit qu'elle est la plus belle, mais une fenêtre ouverte sur le monde, etsur soi-même.

L'acte de lecture est alors acte de jugement, dans la mesure où le lecteur confronte ses propresvaleurs avec celles du livre, et par-delà le livre, avec celles du monde qui y est donné à voir.

Or cette confrontationdébouche nécessairement sur un jugement, positif s'il y a adhésion, ou négatif.

Et jugement qui est aussi jugementsur soi-même, dans l'évaluation relative de ses valeurs.Aussi faut-il clairement distinguer entre une lecture purement passive, qui n'apprend ni n'amène rien, et une lectureactive, qui est participation au réel et jugement. *** Il est clair alors que l'acte de lecture, qui n'est plus seulement reconnaissance mais aussi jugement, est un acte deconnaissance : lire, c'est apprendre sur le monde. Considérer que la lecture « amène à se reconnaître et à se juger » n'est donc en aucun cas une réduction du rôledu roman.

C'est bien au contraire parce que le roman participe pleinement de la formation de l'individu, aussi bien auplan du rêve qu'à celui de ses valeurs, et plus largement, au plan éthique, qu'il a un rôle essentiel.

Mais cetteimportance ne se révèle que si l'on considère la lecture comme un acte, à part entière, et non comme undivertissement passif : il ne faut pas subir ses lectures, il faut les vivre !. »

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