Politique, II, 2, 1261a 15-25. Aristote - Commentaire
Publié le 23/03/2015
Extrait du document
« Une cité intégralement et le plus possible une, que ce soit cela le mieux, veux-je dire, c'est ce que Socrate prend comme principe de base.
Mais il est clair qu'en laissant se développer un excès d'unité, on n'aura même plus affaire à une cité. La cité est par nature une certaine multiplicité : le développement d'un excès d'unité fera de la cité une famille, de la famille une simple personne ; on dirait en effet de la famille qu'elle est plus une que la cité et de l'individu singulier qu'il est plus un que la famille. C'est pourquoi si aussi quelqu'un était capable de réaliser une telle unité, il ne devrait pas agir ainsi, car il détruirait la cité. Les hommes ne sont pas seulement plus nombreux qu'ailleurs dans la cité, ils y diffèrent en outre par l'espèce. En effet, une cité n'est pas formée d'hommes qui se ressemblent. C'est qu'une cité, c'est autre chose qu'une ligue «.
Politique, II, 2, 1261a 15-25.
«
Textes commentés 49
Comme tout II, le passage est polémique.
Aristote y énonce et attaque une
thèse défendue par le
« Socrate » de la République de Platon.
Pour réaliser
cette unité parfaite de la cité,
Platon entendait mettre les gardiens et dirigeants
de l'État idéal en position de n'avoir
ni tien ni mien, par la suppression de la
propriété privée et de la famille (programme qui ne concerne pas la masse des
producteurs).
Pour Aristote, ce projet contredit la nature même de l'État.
Il est
inapplicable, mais appliqué, il le détruirait.
Aristote utilise en particulier un
raisonnement par l'absurde ; supposons une cité qui formerait une communauté
parfaitement une (sans divergences d'intérêts
ni de sentiments): elle ne serait
qu'une famille, voire un homme individuel.
La thèse aristotélicienne est inverse ;
« la cité est par nature une certaine
multiplicité
», en un sens d'abord quantitatif mais surtout qualitatif ou
substantiel : les éléments constitutifs diffèrent par
l'« espèce», ils ne «se
ressemblent » pas.
Aristote distingue ainsi une cité d'une ligue ou symmachie,
c'est-à-dire d'une alliance de cités constituée par addition d'éléments
semblables (on voit du même coup qu'une cité ne saurait être non plus formée
à ses yeux par simple association d'individus plus ou moins équivalents,
comme
le croit l'individualisme moderne).
Pour être pertinent, le reproche doit être nuancé : Platon connaît
l'hétérogénéité sociale, puisqu'il place la division
du travail à l'origine de la
société
(Rép., Il, 369a suiv.), estime juste le fait pour chacun d'accomplir le
genre de tâche qui lui revient, distingue trois classes dans l'État idéal.
Mais il
est vrai que pour les gardiens, il préconise un régime
« communiste ».
Aristote
met davantage l'accent sur la diversité nécessaire : économique en vue de
l'autarcie, des rôles politiques, et enfin des groupes dont chacun a une
prétention à commander.
Son programme politique comportera donc les deux principes suivants.
Préserver le mien et le tien par le refus du communisme des biens et des
personnes, y compris pour protéger la motivation.
Constituer des régimes
capables de prendre en compte les intérêts des uns et des autres (les meilleurs,
les riches, ceux qui n'ont pour eux que de ne pas être
esclaves), c'est-à-dire
modérés et mixtes.
Aux yeux d'Aristote, la cité, pas seulement ses gardiens, reste une
communauté dans laquelle doit régner l'amitié, mais son indispensable unité
doit être fondée sur le respect de la diversité..
»
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