POLITIQUE DE LA LIBERTÉ
Publié le 18/01/2020
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Liberté de penser et liberté d’agir
Jusqu’ici la liberté, prise au sens métaphysique ou au sens moral, appartient exclusivement à la sphère de la pensée.
Sous le « il faut » ou sous le « tu dois », il y a le je pense qu’il faut ou je pense que tu dois. Le «je pense», en effet, « doit pouvoir accompagner - comme dit Kant - toutes mes représentations », y compris la représentation du devoir.
Jusqu’ici donc, nous faisons pleinement l’expérience subjective de la liberté, mais la plénitude de cette expérience serait stérile, si elle se bornait à une simple liberté de penser sans aucune possibilité d’agir. Or, le devoir moral n’a de sens que dans une société où chacun est en relation avec d’autres, et où nos actes ont des conséquences pour les autres. Un être seul au monde, qui n’aurait jamais affaire à autrui, n’aurait pas la moindre idée d’obligation ni le moindre sens moral. C’est dans la société de nos semblables que se révèle la distinction radicale entre la liberté de penser et la liberté d’agir. Nous passons ainsi de la métaphysique à la politique. On comprend dès lors que l’expression «liberté de penser» dont nous avons vu qu’elle désignait proprement un fait premier, inaliénable, ait paru si souvent suspecte ou captieuse à tant de théologiens et d’hommes d’État - en réalité, écrit l’abbé Bergier : «Par liberté de penser, les incrédules entendent non seulement la liberté de ne rien croire et de n’avoir aucune religion, mais encore le droit de prêcher l’incrédulité, de parler, d’écrire, d’invectiver la religion» (Dictionnaire de théologie, 1789, t. 4, p. 585). Ce qui est en cause, c’est donc bien la liberté au sens politique, c’est-à-dire la liberté d’agir dans la cité.
- Liberté de penser et liberté d’agir
- La liberté et les libertés
- Le problème politique : l’association des libertés
- La liberté de chacun et la volonté générale
- De la vraie liberté Liberté, aliénation et autonomie
- Contrat entre Wanda et Sacher-Masoch
Quand quelqu’un crie à tue-tête qu’il est libre et que rien ne l'empêchera de le proclamer, il y a gros à parier qu’il est ivre. Le prisonnier qui, au lieu d’attendre une hypothétique libération, cherche à s’évader, ne crie pas à tue-tête : Vive la liberté! Il examine en silence, lucidement, les conditions de son incarcération, les obstacles qui s’oppo
1. Le «libéralisme», doctrine politique que résume assez bien la formule «laissez faire, laissez passer», se présente volontiers comme une philosophie sportive de la liberté : « Que le meilleur gagne ! » Or, dans tous les sports, on veille à donner aux concurrents des chances égales sur la ligne de départ. Tandis que, dans les sociétés établies, les conditions d’inégalité sont telles, au départ, que la vraie formule du libéralisme serait en réalité : « Le renard libre dans le poulailler libre ». Et par ailleurs, il ne suffit pas de déclarer que tous les hommes sont libres en droit, car, disait Louis Blanc, «c’est parce qu’on a défini la liberté par le mot droit qu’on en est venu à appeler hommes libres des hommes esclaves de la faim, esclaves de l’ignorance, esclaves du hasard».
«
188 La problématique du fondement de la morale
La liberté et les libertés
Dans ce cas, il ne s'agit plus de savoir si les citoyens sont
libres ou esclaves, s'ils jouissent ou non de «la liberté»,
mais quelle est la nature des divers rapports qu'ils entretien
nent entre eux et avec les pouvoirs.
Nous n'avons plus
affaire à présent au problème métaphysique de la liberté,
mais à celui des libertés politiques, de leur reconnaissance
et de leurs garanties : libertés individuelles, liberté de la
presse et de l'édition, liberté de la parole, liberté de
conscience, liberté d'association, liberté du commerce et de
l'industrie.
Il s'agit de savoir si ces libertés sont compa
tibles entre elles, si les citoyens en disposent réellement et
lesquelles, parmi ces libertés, doivent être imprescriptibles.
Le problème politique : l'association des libertés
Rousseau a clairement énoncé la difficulté que doit
résoudre l'activité politique de la cité 1 :.
«Trouver une fonne d'association qui défende et pro
tège de toute la force commune, la personne et les biens
de chaque associé et par laquelle chacun s'unissant à tous
n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre
qu'auparavant.
»
Rousseau, Du contrat social, I, VI.
«Tel est, ajoute Rousseau, le problème fondamental dont
le Contrat social donne la solution.» L'analyse théorique
qui nous est ici proposée unit, dans le contrat social, les
I.
«Le vrai sens de ce mot, note Rousseau, s'est presque entièrement effacé chez les modernes ; la plupart prennent une ville pour une cité et un bourgeois pour un citoyen.
Ils ne savent pas ·que les maisons font la ville mais que les citoyens font la cité.
».
»
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