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Platon, Théétète, 150b-d trad. M. Narcy modifiée, GF-Flammarion.

Publié le 19/03/2015

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platon

La maïeutique de Socrate

Or, à mon métier à moi de faire des accouchements, appartiennent toutes les autres

choses qui appartiennent aux accoucheuses, mais il en diffère par Je fait d'accoucher

des hommes, et non des femmes, et par Je fait de veiller sur Jeurs âmes en train

d'enfanter, mais non sur Jeurs corps[ ... ].

J'ai au moins cet attribut, qui est propre aux accoucheuses : je suis impropre à

enfanter un savoir, et ce que beaucoup m'ont déjà reproché, se référant au fait que

je questionne les autres, mais que moi-même je ne réponds rien sur rien parce qu'il

n'y a en moi rien de savant, est tout à fait juste. Et la cause de ce fait, la voici : procéder

aux accouchements, Je dieu m'y force, mais il me retient d'engendrer.

Le fait est donc que je ne suis moi-même absolument pas quelqu'un de savant, pas

plus qu'il ne m'est survenu, née de mon âme, de découverte qui réponde à ce

qualificatif ; quant à ceux qui se font mes partenaires, au début, bien sûr, quelquesuns

paraissent même tout à fait inintelligents, mais tous, quand nos rapports se prolongent,

ceux-là auxquels il arrive que Je dieu Je permette, c'est étonnant tout Je

fruit qu'ils donnent: telle est l'impression qu'ils font, à eux-mêmes, et aux autres.

Et ceci est clair: ils n'ont jamais rien appris qui vienne de moi, mais c'est bien par

eux-mêmes, et de leur propre fonds, qu'ils ont tiré une foule de belles choses,

qu'ils possèdent désormais véritablement.

Platon, Théétète, 150b-d

trad. M. Narcy modifiée, GF-Flammarion.

platon

« 52 L'invention de l'homme la conscience est décisive.

Nul ne peut faire à ma place ce qui appelle mon implication personnelle.

Le sentiment de décou­ vrir ce qu'on avait toujours su sans y prendre garde exprime bien cette exigence de la véritable instruction.

Comprendre un principe, une relation, un théorème, une cause, c'est d'une certaine façon se révéler à soi-même une vérité que l'on ne pouvait remarquer tant qu'on ne lui prêtait pas attention.

Il s'agit là d'une sorte de réminiscence, de reconnaissance inté­ rieure.

La pire amnésie serait l'oubli de soi comme source du savoir.

La langue espagnole dit d'une femme qui accouche qu'elle fait advenir à la lumière du jour ( « dar a luz »).

La maïeutique, art d'accouchement, a trait d'abord, et avant tout, à la nais­ sance d'un être humain.

Elle peut valoir symbole pour l'idée que l'humanité existe d'abord en puissance.

La révéler à elle­ même, ce n'est donc pas la créer de toutes pièces, mais lui per­ mettre de prendre conscience de ce qu'elle est.

Socrate met en œuvre cette démarche, qui fait de lui un accoucheur, afin que tout esprit découvre, en quelque sorte, qu'il est son propre maître, et qu'il dispose en lui des ressources pour com­ prendre, pour savoir, pour juger.

Cette belle leçon de liberté reconduit chaque homme à la source vive de la pensée, comme à la décision d'en user.

Elle est une invitation expresse à l'autonomie.

Une démonstration exemplaire en est proposée par Platon.

Dans le dialogue intitulé Ménon, Socrate fait découvrir à un jeune esclave - dont la situation sociale n'est donc pas la plus favorable qui soit -la solution du problème de la duplication du carré.

Certes, la conduite proprement magistrale de la recherche dialoguée est pour beaucoup dans cette découverte.

Mais au moment où le jeune homme « découvre » la solution (adopter la diagonale comme côté du nouveau carré), tout se passe comme s'il ne l'apprenait que de lui-même: le moment de l'appropriation du savoir ne consiste pas à ingurgiter une donnée extérieure, comme on consommerait un aliment, mais à faire œuvre personnelle d'intellection, selon une démarche intérieure qui fait advenir la connaissance.

Leibniz, plus tard, commentera ce moment célèbre dans le Discours de métaphysique.

La leçon est la même : si pour apprendre il faut comprendre, c'est de soi que vient la vraie lumière.

Ce qui veut dire que tous les savoirs, toutes les idées, sont virtuellement en nous, et qu'il suffit de s'en aviser.

Mais. »

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