Platon, République X, Garnier-Flammarion, 1966, p. 359 sq: Sophiste et artiste
Publié le 24/03/2015
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Textes commentés 37
Ce texte capital concerne le problème de la mimèsis ; par la médiation de 1
Socrate, Platon y soutient que l'art, apparence d'apparence, n'est très
' précisément, rien.
Cette condamnation philosophique de l'art est
ontologique : l'apparence
est une illusion sans substance ou sans réalité,
un néant ; elle est
épistémologique : l'omniscience de l'imitateur qui prétend tout imiter ne
repose sur aucune science ; elle est
morale : « chacun ne peut pratiquer
qu'un
métier» (394 e) et prétendre les pratiquer tous est non seulement
une duperie mais une
« injustice » au sens platonicien : la Justice est la
vertu hors pair qui maintient toute chose (hommes et puissances de
l'âme) dans sa position
propre, or, dans sa polytechnicité, l'imitation
ouvre l'errance sans fin de la perte
du propre ou de l'identité et, avec elle,
le risque de la folie (cf.
396 b ).
En effet l'imitateur produit non pas simplement une image, une icône
(eikôn) qui respecte les proportions de son modèle (comme l'art égyptien,
dont parle
Platon dans Les Lois, qui utilisait le procédé de la mise en
carré) mais
un fantôme (phantasma), un simulacre (eidolon) ou une
« idole » qui se substitue au modèle et le fait oublier.
C'est ce que font
ces imitateurs que sont les peintres réalistes, les seuls que
Platon
condamne : ce sont des « skiagraphes »,des peintres d'ombres (skiai) qui
utilisent le raccourci, le modelé et la perspective.
Comme Zeuxis qui
avec ses raisins en peinture trompait les pigeons, et tous les peintres
décadents qu'allait connaître la Grèce hellénistique, ce sont des experts
en trompe l'œil.
Dans
Le Sophiste Platon opposera à l'art de la copie
(eikastique), l'art du simulacre (phantastique) qui produit des simulacres
trompeurs analogues à ceux que produisent les
« montreurs de
marionnettes» (c'est-à-dire les artistes, les sophistes ...
) de la caverne
1
(514b).
L'intervention du miroir permet à Platon d'opérer ce coup de force :
l'artiste,
au rebours de l'artisan qui, comme le démiurge, impose une
forme à une matière rebelle,
ne fait, à proprement parler, rien ; le miroir
est ici
un instrument à l'efficacité redoutable et inquiétante, un instrument
diabolique au sens étymologique du terme puisqu'il permet de diviser
(dia-balein) le monde ou de donner du monde un double fascinant et
illusoire..
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