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Platon, République, Livre VII: L'allégorie de la Caverne

Publié le 16/04/2009

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platon
«Eh bien ! après cela, dis-je , représente-toi d'après une épreuve telle que celle-ci notre nature par rapport à l'éducation et au fait de ne pas être éduqué. Figure-toi donc des hommes comme dans une habitation souterraine ressemblant à une caverne, ayant l'entrée ouverte à la lumière sur toute la longueur de la caverne, dans laquelle ils sont depuis l'enfance, les jambes et le cou dans des chaînes pour qu'ils restent en place et voient seulement devant eux, incapables donc de tourner la tête du fait des chaînes ; et encore la lumière sur eux, venant d'en haut et de loin, d'un feu brûlant derrière eux ; et encore, entre le feu et les enchaînés, une route vers le haut, le long de laquelle figure-toi qu'est construit un mur, semblable aux palissades placées devant les hommes par les faiseurs de prodiges, par dessus lesquels ils font voir leurs prodiges. [...] Examine maintenant, repris-je, leur délivrance et leur guérison des chaînes et de la déraison : que serait-elle si naturellement il leur arrivait ce que voici ? Quand par hasard quelqu'un serait délivré et contraint subitement à se lever et aussi à tourner le cou et à marcher et à lever les yeux vers la lumière, tout ce que faisant, il éprouverait de la douleur et serait en outre incapable, du fait des scintillements de la lumière, d'examiner ce dont auparavant il voyait les ombres, que penses-tu qu'il dirait si quelqu'un lui disait qu'auparavant il voyait des balivernes alors que maintenant, un peu plus proche de ce qui est et tourné vers des choses qui, plus encore, sont, il voit plus droit, et si de plus, lui montrant chacune des choses qui passent, il le contraignait en le questionnant à discerner dans ses réponses ce que c'est ? Ne penses-tu pas qu'il serait dans l'embarras et qu'il croirait les choses vues auparavant plus vraies que celles maintenant montrées ? Et même de beaucoup ! dit-il. [...] Et alors ces ombres, si de nouveau il lui fallait lutter jusqu'au bout, en se faisant des opinions sur elles, avec ceux qui ont toujours été enchaînés, au moment où il aurait la vue faible, avant que ses yeux ne fussent rétablis --et le temps ne serait pas court, tant s'en faut ! jusqu'à l'habitude--, ne prêterait-il pas à rire et ne dirait-on pas de lui qu'étant monté là-haut, il est revenu les yeux endommagés, et que ça ne vaut vraiment pas la peine d'essayer d'aller là-haut ? Et celui qui entreprendrait de les délivrer et de les faire monter, si tant est qu'ils puissent le tenir en leurs mains et le tuer, ne le tueraient-ils pas ? A toute force ! dit-il.» Platon, République, Livre VII
  • Commentaire : vision et interprétation de l’allégorie de la caverne.
De manière générale, l’allégorie nous présente l’ascension progressive du philosophe vers la sagesse suprême (la science du bien) qui le rendra apte à gouverner la cité idéale. Platon commence par présenter cette éducation de manière allégorique puis de manière théorique. 
I. Vision de l’allégorie (514a – 517b) : voir le dessin de l’allégorie
Imaginons des prisonniers enchaînés au fond d'une caverne, la tête tournée, non vers la sortie d'où provient la lumière extérieure, mais vers le fond. Ils ne voient pas les objets du monde extérieur, mais leurs ombres qui se reflètent sur la paroi de la caverne. Ces hommes, qui ont toujours été enchaînés, ne connaissent pas autre chose que ces ombres et les prennent pour la réalité. Victimes d'une illusion, ils tiennent l'apparence, le paraître, pour l'être même des choses. Supposons que l'on délivre un prisonnier et qu'on le traîne vers l'extérieur. Il sera, dans un premier temps, ébloui par la lumière vive à laquelle il n'est pas accoutumé. D'ailleurs, il résistera. Il refusera de quitter un monde auquel il est habitué et qu'il considère comme le seul vrai monde. Il s'accrochera à ses illusions. Si quelqu'un veut le forcer à se diriger vers la véritable réalité, vers la vérité, il risque même de le frapper, de le tuer. Les hommes n'ont-ils pas tué Socrate ? Toutefois, s'il consent à connaître le monde extérieur, il va peu à peu s'y accoutumer, comprendre qu'il est le vrai monde. Il prendra d'abord connaissance des objets dont l'ombre se reflétait sur la paroi de la caverne, puis du soleil lui-même qui les éclaire. Dans ce mythe, la caverne représente le monde sensible, les objets extérieurs les idées du monde intelligible et le soleil l'idée suprême, l'idée de bien, PLATON identifiant le vrai et le bien. Le prisonnier va ainsi prendre conscience de son ignorance, de son erreur passée. Alors il ne souhaitera plus revenir dans la caverne. Mais il faudra l'y forcer. En effet, le sage ne doit pas garder son savoir en égoïste, mais aider les autres hommes à découvrir, eux aussi, la vérité. Il se doit de rechercher le bonheur pour tous. De retour dans la caverne, il sera à nouveau gêné, car ses yeux auront perdu l'habitude de voir dans l'obscurité. Il sera maladroit, et ses anciens camarades se moqueront de lui, de sa gaucherie. Ne raille-t-on pas les philosophes en les décrivant perdus dans leurs songes et leurs réflexions ? C'est que celui qui a connu la vérité a du mal à s'adapter au monde de l'ignorance et de l'erreur. Et par la suite, s'il essaie de convaincre ses camarades en leur proposant de sortir à leur tour, la plupart refuseront en lui demandant à quoi sert un tel acte qui rend si maladroit. Dans ce mythe, la sortie de la caverne représente la dialectique ascendante, la vision du monde intelligible, la dialectique contemplante et le retour dans la caverne, la dialectique descendante. 
 


platon

« intelligible, la dialectique contemplante et le retour dans la caverne, la dialectique descendante. II.

Interprétation de l'allégorie (517b – 521c) a.

Sens général Les hommes sont à l'image des prisonniers de la caverne vivant dans l'ignorance.

Ils refusent la vérité car il est durde perdre ses illusions.

En effet, d'une part on y est attaché, d'autre part le passage de l'ignorance au savoirsuppose un effort personnel auquel beaucoup répugnent.

Et si on leur propose la vérité, ils sont susceptibles deréagir avec violence.

Ignorants sans le savoir et contents de l'être, tels sont les hommes lorsqu'ils se résignent àl'opinion, ils se satisfont paresseusement du paraître et renoncent à l'être.

C'est le cas de certains sophistes,comme Protagoras qui va jusqu'à affirmer : "telles les choses me paraissent telles elles me sont, telles les choses teparaissent telles elles te sont" (THÉÉTÈTE).

Dans cette perspective héraclitéenne, tout est vrai, rien n'est faux.

Leschoses ne sont que ce qu'elles paraissent à chacun, et, en conséquence, nous n'avons d'autre juge à écouter, surce qui est ou n'est pas, que notre opinion personnelle.

Cette identification du paraître à l'être est l'erreurfondamentale de tous les sophistes.

Elle est inévitable lorsque l'on affirme que l'homme, conçu non comme genremais comme individu, est "la mesure de toutes choses" (PROTAGORAS).

Mais Platon ne situe pas la mesure deschoses au niveau individuel.

Si la science se réduit à la sensation, l'animal, comme l'homme, est la "mesure de touteschoses", puisqu'il éprouve, lui aussi, des sensations.

La mesure des choses c'est l'idée suprême, l'idée de bien dontprocèdent précisément les choses, idée qui se confond avec Dieu.

Ce n'est pas nous qui inventons la vérité.

Lavérité n'est pas subjective.

C'est la vérité qui nous interpelle et nous sollicite.

Elle n'est pas à créer mais àreconnaître.

Et Platon dans Les Lois affirmera : "La divinité doit être la mesure de toutes choses, au degré suprême,et beaucoup plus, je pense, que ne l'est, prétend-on, l'homme".Contrairement aux sophistes, Platon cherche l'êtrede l'apparence et non l'être dans les apparences.

Il cherche l'être dans l'unité et non dans la multiplicité. b.

Première clé d'interprétation : théorie de la connaissance et théorie des idées et de l'imitation Dans la doctrine de Platon, l'idée d'une chose est son essence même.

Cette thèse a deux conséquences, sur le planépistémologique et sur le plan ontologique. • Plan épistémologique : la théorie de la connaissanceSi nous ne pouvions penser la chose, nous ne pourrions pas la percevoir comme chose du monde.

Du point de vuede l'accès à l'être, il y a antécédence de la pensée sur la perception sensible.

Pour atteindre la réalité d'une chose,il faut d'abord la penser.

C'est en ce sens que l'on parle de manière scolaire de l'idéalisme platonicien : on supposel'antériorité de l'idée comme condition de possibilité de l'existence d'une chose.

Celui qui voit la chose sans la penserla voit mal car il la perçoit sous une forme illusoire : il confond l'apparence de la chose avec sa réalité.

La chosen'est jamais autant elle-même que lorsqu'elle est clairement pensée.

La réalité d'une chose consiste donc d'aborddans son idée (sa forme intelligible) que dans la perception de sa forme physique.

Quand une chose est seulementsentie, elle est représentée de manière confuse et dégradée car nous ne saisissons d'elle que son apparencechangeante, particulière et subjective et non son essence immuable, universelle et objective.

Si je perçois parexemple une table particulière, je suis bien en rapport avec elle mais je n'accède qu'à une définition partielle duconcept de table : la vérité de la table n'est pas à chercher dans la singularité particulière et sensible de la chose,qui ne fait que changer d'aspects en devenant perpétuellement autre qu'elle-même, mais dans l'universalité de sonconcept qui constitue sa réalité propre. • Plan ontologique : la théorie des idées : le monde physique est l'imitation du monde intelligibleDe plus, Platon considère qu'il y a un rapport ontologique entre l'intelligence de l'être et sa sensation : pour qu'unechose existe physiquement, il faut d'abord qu'elle soit conçue et pensée sans quoi elle n'a pas la consistancenécessaire à la réalité.

Ce qui fait qu'une chose existe est qu'elle est constituée en son fond d'une idée qui lamaintient dans l'être.

L'idée de l'être est donc la condition de possibilité du corps de l'être : pour sentir une chose, ilfaut d'abord être en mesure de la penser.

Par exemple, si l'œil voit la couleur du coquelicot, c'est parce que l'espritpense le rouge.

Ce n'est pas la lumière physique qui éclaire les choses que nous percevons mais la lumièremétaphysique et intellectuelle de notre esprit .

Ce qui éclaire le monde est la lumière de l'intelligence : le réel estpensé avant d'être senti.

Tout ce que nous pouvons sentir immédiatement (intuition sensible) n'est que le refletobscur des idées : une ombre, par conséquent.

Les choses que nous sentons ne sont que le reflet inconsistant deleur réalité.

C'est ce rapport quotidien, naïf et immédiat à la réalité sensible qui tient les hommes dans la captivité :les hommes sont prisonniers de la connaissance que leur corps leur donne du monde.

L'homme vit dans la prison ducorps et ne s'en aperçoit généralement pas : il considère le domaine quotidien de son existence comme la réalitéelle-même. c.

Le séjour humain : de l'illusion à la vérité, de l'esclavage à la libération ; deuxième clé d'interprétation :les correspondances symboliques. Platon nous donne lui-même des clés pour interpréter l'allégorie car le récit est précédé et aussitôt suivi d'unentretien entre Socrate et Glaucon qui nous éclaire sur sa signification.

Avant le récit, dès le début du livre VII,Socrate dit : « […] représente-toi de la façon que voici l'état de notre nature relativement à l'instruction/ formationet à l'ignorance/ non-formation ».

Il s'agit donc d'interpréter le mythe dans le sens d'une élucidation de notre nature. »

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