Platon: langage, Idée, dialectique et vérité
Publié le 01/08/2011
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(...) notre âme a toujours en elle la qualité de se représenter quelque nature ou forme que ce soit, quand Voccasion se présente d'y penser. Et je crois que cette qualité de notre âme en tant qu'elle exprime quelque nature, forme ou essence, est proprement l'idée de la chose, qui est en nous, et qui est toujours en nous, soit que nous y pensions ou non. Car notre âme exprime Dieu et l'univers, et toutes les essences aussi bien que toutes les existences. Cela s'accorde avec mes principes, car naturellement rien ne nous entre dans l'esprit par le dehors, et c'est une mauvaise habitude que nous avons de penser comme si notre âme recevait quelques espèces messagères et comme si elle avait des portes et des fenêtres. Nous avons dans l'esprit toutes ces formes, et même de tout temps, parce que l'esprit exprime toujours toutes ses pensées futures, et pense déjà confusément à tout ce qu'il pensera jamais distinctement. Et rien ne nous saurait être appris, dont nous n'ayons déjà dans l'esprit l'idée qui est comme la matière dont cette pensée se forme.
C'est ce que Platon a excellemment bien considéré, quand il a mis en avant sa réminiscence qui a beaucoup de solidité, pourvu qu'on la prenne bien, qu'on la purge de l'erreur de la préexistence, et qu'on ne s'imagine point que l'âme doit déjà avoir su et pensé distinctement autrefois ce qu'elle apprend et pense maintenant.
«
les flèches lancent la mort, comme pour signifier sans la dire
la mortalité de la vie.
C'était aussi la doctrine de Cratyle,
qui fut un maître de Platon, d'après le témoignage d'Aris-
tote.
On proteste à l'opposé que les dénominations sont conven-
tionnelles.
Mais l'usage des mots exige d'être réglé, et il ne
peut être nié qu'il y ait donc une rectitude dans la manière
d'approprier à chaque chose le mot qui la nomme (386
d-e) ;
de sorte enfin que le langage étant stricte nomenclature, on
doit concevoir son institution comme si un artisan nomen-
clateur avait lié les sons dans chaque langue pour répondre
du mieux possible à la fonction de chaque nom en tant que
distinctif
(389 a-390 a).
Dans le conflit entre l'opinion d'une
dénomination par nature, comme si être appelé « cheval »
était une propriété naturelle du cheval, et l'opinion d'une
dénomination par convention, l'exigence est également pré-
supposée, et indéniable, d'une rectitude de la dénomina-
tion, qui commande comme sa loi l'usage commun de la
langue : il nous faut bien appeler un cheval un « cheval ».
Mais si même l'on admet que le nomenclateur ait formé les
mots en vue d'imiter les choses, à la façon dont un peintre
travaille à imiter la ressemblance des couleurs (424 d-
425 b), il faut distinguer la rectitude supposée de la
dénomination, c'est-à-dire la prétendue ressemblance de
l'imitation des choses par les mots, et la rectitude de la
désignation, c'est-à-dire l'à propos de l'emploi des mots
pour dire les choses, puisque, quoi qu'il en soit de leur
valeur d'images, il est possible de dire faux ou vrai, selon
qu'on se trompe ou non en voulant montrer de quelles
choses ils sont images (430 d-431 b).
Dira-t-on que c'est la
ressemblance même de 1' « image » langagière et de la
chose qui permet dé reconnaître quelle chose doit être
désignée en vérité par quel mot? Mais ce qui fait la
correction d'une image n'est pas une ressemblance inté-
grale, qui la rendrait tout à fait indiscernable de la chose,
non plus son image mais son double
(432 b-e), et la vérité de
la désignation par le langage ne dépend donc pas de son
caractère d'imitation, qu'elle exige même toujours impar-
faite.
Que le nom, ou ce qu'on lui fait représenter par
interprétation, n'imite pas la chose, ou soit même désac-
cordé avec elle, comme cet arc dont le nom est vie mais
l'œuvre mort, n'empêche nullement qu'il
ne désigne la chose
en rigueur, selon une règle qui est l'usage, de sorte que
toute rectitude de désignation est subordonnée à l'acte
d'une convention (434 e-435 d), sans que la vérité elle-
même soit convention.
Le dialogue sur le langage aboutit à transposer la notion
reçue de l'éponymie en celle de vérité de la désignation,.
»
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