Platon: Gygès et la bague magique
Publié le 02/05/2005
Extrait du document


«
paraître juste sans l'être» et de commettre les plus grands crimes en se ménageant « la plus grande réputation dejustice ».
En revanche, imaginons en face d'un tel homme le juste, ne lui accordons ni récompenses ni honneurs quirendraient suspecte sa justice, ne lui laissons que celle-ci toute nue, et « pour que le contraste soit parfait entrecet homme et l'autre », admettons qu'il passe pour le plus scélérat des hommes avec toutes les suites de cettemauvaise réputation.
Allons plus loin, dit Glaucon.
Le juste sera fouetté, torturé, emprisonné et finalement empalé,cependant que l'injuste connaîtra la totale réussite tant dans sa vie publique que dans sa vie privée.
De sorte qu'ilfaut bien reconnaître «que les dieux et les hommes ménagent à l'homme injuste un sort meilleur qu'à l'homme juste».Adimante, l'autre frère de Platon, va encore au-delà.
On ne loue la justice, dit-il, que pour la considération et, parsuite, pour les biens qu'elle procure.
C'est donc la réputation seule qui importe, car jusqu'ici «personne n'a encoreblâmé l'injustice ou loué la justice pour d'autres raisons que la réputation, les récompenses et les honneurs qui ysont attachés et, au rebours, personne encore «n'a suffisamment démontré que l'une, l'injustice, est le plus granddes maux de l'âme, l'autre, la justice, son plus grand bien »9.
Telle est dans toute sa force et son ampleur la thèsequ'exposent ces jeunes loups de la haute société athénienne que sont les frères de Platon, et s'ils ne la prennentpas à leur compte, ils n'entendent pas s'en laisser accroire.
«Loue donc dans la justice, exige Adimante de Socrate,ce qu'elle a par elle-même d'avantageux pour celui qui la possède, et blâme dans l'injustice ce qu'elle a de nuisiblepar elle-même [...], puisque tu as consacré ta vie à l'examen de cette unique question ».Socrate ne dissimule pas que la tâche qu'ils attendent de lui, à savoir la défense de la justice, est redoutable.
Laréponse occupera tout le reste de l'ouvrage".
Pour y voir clair, Socrate empruntera un biais.
En étudiant la justicedans l'État, on y trouvera la réponse écrite en caractères plus gros que dans l'individu.
En d'autres termes, il y aune justice pour l'État tout entier comme il y en a une pour l'individu.
C'est donc dans ce cadre plus grand qu'il fautla déchiffrer.
En déterminant ce qu'est la justice dans l'État on se mettra en mesure de déterminer ce qu'elle estdans l'individu.
On voit donc que selon l'affirmation formelle de Platon, la République, en dépit de son titre et de lapart qui y est faite à la formation de l'État, est avant tout un traité de morale.
PLATON.
Né à Égine, près d'Athènes, en 429 av.
J.-C., mort à Athènes en 347 av.
J.-C.Son père, Ariston, descendait de Codros, dernier roi d'Athènes, et sa mère, Périctyone, de Solon.
Il fut l'élève del'héraclitéen Cratyle, et s'initia aux arts.
Il prit part à des concours de tragédie, et se passionna plus spécialementpour la musique et les mathématiques.
Vers 407, il rencontra Socrate, dont il resta l'ami et le disciple jusqu'en 399,date de la mort du maître.
Platon se rendit alors à Mégare, auprès d'Euclide ; puis, il effectua des voyages enÉgypte et en Italie du Sud.
Eu Sicile, il rencontra Denys et tenta de lui faire accepter ses théories politiques.
Letyran, outré, fit vendre Platon comme esclave, à Égine.
Là, Annicéris le reconnut, l'acheta et le libéra.
Rentré àAthènes, Platon commença d'enseigner la philosophie dans les jardins d'Académos ; ce fut l'origine de l'Académie.
Ilse rendit encore en Sicile auprès de Denys le jeune, mais aussi sans succès.
Il mourut octogénaire, à Athènes,désignant son neveu Speusippe pour lui succéder à la tête de l'Académie.
Toutes les oeuvres de Platon sont desdialogues.
Ils nous seraient tous parvenus, et certains textes apocryphes s'y sont ajoutés.
— C'est sous l'influencede Socrate que Platon conçut son système philosophique, premier système spiritualiste complet, qui fait duphilosophe grec, l'un des plus grands, sinon le plus grand de tous les temps.
Pour les Pythagoriciens, la raison deschoses se trouvait dans les nombres ; pour les Ioniens (tel Héraclite) elle était dans les forces et les éléments de lanature ; pour les Eléates, elle était une unité abstraite.
Platon fut le premier à poser un principe intelligent commeraison des choses.
— La méthode qu'il utilise dans ses dialogues est la dialectique.
Platon remonte à l'idée.
Ilprocède par élimination des dissemblances, et ne considère que les ressemblances, dont l'origine est commune.
Lesressemblances, qui font qu'un groupe d'individus peuvent être trouvés beaux, participent d'une beauté pré-existante, et inconditionnée.
La dialectique opère de même pour les autres notions.
Platon dégage, par ce moyen,l'Idée de la beauté.
Le point le plus important de la philosophie platonicienne est précisément la théorie des Idées.Les phénomènes, « ombres passagères », ne renferment pas la vérité.
Il faut dégager l'intuition de la beauté de lajouissance des belles choses.
Dégager de chaque groupe d'individus le type éternel et pur, d'après lequel ils sontfaits.
Les Idées, ainsi dégagées, forment une hiérarchie, dont le sommet est occupé par l'Idée de Bien.
Celle-ci estle soleil du monde intelligible, elle donne vie et lumière à toutes choses.
L'Idée de Bien est le principe de l'être et del'intelligence ; elle est assimilée par Platon à Dieu même.
— L'homme connaît les Idées en vertu de la théoriepythagoricienne de la « réminiscence».
Savoir quelque chose, c'est se re-souvenir de ce que l'on a contemplé dansune vie antérieure.
L'amour, le « délire d'amour » s'explique lorsque nous retrouvons devant nous une beauté dontnous nous souvenons, et qui nous trouble.
— Avant la naissance, l'âme humaine parcourt la voûte du ciel, montéesur un char d'où elle contemple le monde des Idées.
Lors de la naissance, elle tombe dans le corps, où elle estemprisonnée.
Elle s'y divise et s'y répartit, dans la tête, dans la poitrine, dans le ventre.
Après la mort, l'âme injusteest châtiée.
L'âme juste, sur les ailes de l'amour, remontera jusqu'au principe de son bien.
La morale platonicienne.
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