Platon, Gorgias. Le bonheur : plaisir ou tempérance ?
Publié le 21/01/2013
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Il est question dans cet extrait du bonheur dans son rapport au plaisir, à la vertu et à la tempérance. Quel genre de vie voulons-nous pour nous-mêmes ? Quelle modalité existentielle mérite-t-elle d’être vécue ? C’est là tout l’enjeu philosophique de ce dialogue. La question est d’importance puisqu’il en va de notre manière d’exister au monde. La thèse défendue par Socrate est que seule la tempérance permet d’accéder pleinement au bonheur. En effet, une vie réglée, mesurée, la modération de nos désirs vaut mieux qu’une vie déréglée faite de démesure et donc de malheur. L’hypothèse socratique s’oppose directement presque terme à terme avec celle du sophiste Calliclès, c’est pourquoi le dialogue s’achève par une aporie. Il est pourtant un point sur lequel nos deux protagonistes s’accordent : la logique ou la structure du désir. Ce qui caractérise fondamentalement le désir, c’est l’hubris, l’apeiron, c’est-à-dire la démesure. Même si le désir en sa nature n’est pas vraiment explicitée, il est convenu à qu’une première approche fasse apparaître l’illimitation du désir. Mais cette convergence est autant le lieu d’un désaccord : si le désir est la démesure, faut-il se libérer des nos désirs ou libérer tous nos désirs ?
«
matière de notre existence quelles conséquences en tirer ? E tre heureux, est -ce maîtriser, dompter par la
tempérance nos désirs ou bien se complaire dans la course infin ie d’une vie faite de plaisirs ?
Le dialogue s’ouvre par la prise de parole de Socrate pour qui la tempérance est vertu alors qu’ elle
est, pour Calliclès, faible et impuissance qui n’ose avouée son nom sinon qu’elle nous chosifie en nous
ravalant au stat ut de pierre.
Mais étant donné que pour la sophistique, le bonheur n’ est autre que la
recherche effrénée d’une vie de plaisirs, qu’il est le plaisir pour le plaisir, que le plaisir est la mesure d’une
vie heureuse ; Soc rate reporte la question sur le terrain du désir/plaisir.
Si la tempérance n’est pas la seule
mesure de la vie heureuse, le bonheur est -il accessible par la voie du désir sans fin ? Pour porter à sa
hauteur le problème du bonheur, Socrate passe par la métaphore des tonnea ux qui symbolise les deux
genres de vie.
Imaginons deux personnages qui, dans une cave, ont chacun des tonneaux remplis de
délices.
Le premier a pris soin de les cercler, de les combler après bien des efforts et les tiens en réserve
par une maîtrise de soi sur soi.
Le second, au contraire, fait de même mais il n’a pas eu le soin de s’assurer
qu’ils ne soient pas troués et ils se vident plus rapidement qu’il ne les remplit.
Ce ne sont là que des
images dont il importe d’en dévoiler le sens.
Le premier homme, l’homme de la tempé rance, se tient à
distance des désirs et se garde bien de les satisfaire tout aussitôt où ils naissent.
Il a comme désir de ne
rien désirer d’autres que ce qu’il possède déjà sans se préoccuper de savoir s’il pourrait avoir davantage.
Car un désir à peine comblé engendre à l’infini d’autres désirs.
Le second s’abandonne à la réalisation de
tous ses plaisirs immédiats dans l’irréflexion, il est alors guidé, télécommandé par ses appétits.
Il suit dès
lors une logique illogique : quoi qu’il fasse, quoi qu’il a it, ce n’est jamais suffisant en raison même de la
vacuité du désir.
Il s’enferme alors dans un bloc khaus insoutenable : plus il leur cède et moins il est apte
de leur résister de telle sorte qu’au fond, il se condamne lui -mê me au m alheur.
Abruptement, san s suivre
la méthode dichotomique de Socrate, Calliclès affirme son désaccord.
Certes, le désir nous entraine dans
une vie démesurée, déréglée car c’est là un fait bien établi qui tombe sous le coup de l’évidence.
Mais est-
ce là un mal ? Est-ce mauvais ? Il faut empr unter, pense Calliclès, un tout autre chemin en portant sur soi
une autre conséquence que celle de devoir se libérer de nos désirs.
Car enfin, le désir n’est -ce pas la vie ?
Le désir de vivre n’est -ce pas vivre tous nos désirs ? Le bonheur n’est -il pas réductible au plaisir ? La vie
humaine n’a -t- elle pas pour moteur le plaisir du désir ? Une vie digne d’être vécue n’est-elle pas une vie
martelée par le cercle du désir ? Négativement dit, que serait une existence sans désir si ce n’est une vie
mal heureuse, triste et sans joie ? C’est le désir qui procure le plaisir de vivre hic et nunc .
Une vie
dépourvue de désir s est une vie morte, ce serait une mort vivante et nous ne serions que le fantôme de
nous -mêmes.
Dès lors non seulement la tempérance n’es t pas une vertu, mais aussi et surtout même s’il en
était ainsi elle nous p lacerait au rang de pierre parmi les pierres et serait donc dans l’inca pacité de nous
hisser à une vie heureuse.
La tempérance comme vertu n’est -elle pas la garantie d’une vie heu reuse ? Si Socrate ne propose
et ne distingue que « deux genres de vie » c’est parce que toutes les possibilités de l’existence humaine se
réduisent à deux modes de vie : soit l’homme conduit une « vie ordonnée », soit il s’engage dans une « vie
de dérègle ment », sans qu’il y ait de tierce voie ou de posture intermédiaire.
Cette coupure renvoie aux
deux parties de l’âme : la partie hégémonique ou supérieure est conduite par la raison, la partie inférieure
est l’âme désirante.
Il n’y a que deux types de dési rs ; le désir raisonnable commandé par la raison et le
désir de l’âme appétitive.
Le corps n’est pas porteur de désir, il ne désire rien, il ne désire pas, il est
simplement soumis aux besoins.
Il n’y a donc que deux manières d’être : celle de l’homme tempérant qui
a refusé d’assujettir son âme rationnelle à sa partie sensible.
Il est maître de lui -même, capable de dompter
ses désirs et de choisir ceux auxquels il donnera satisfaction.
A contrario, l’homme déréglé en raison
d’« une mauvaise éducation » et/ou de « mauvaises fréquentations » (Platon, La République, IV) devient
peu à peu incapable de leur commander, en sorte qu’il n’est rien d’autre qu’esclave de lui -même.
Esclave
de lui -même dans la stricte mesure où il cède, voire obéit à ses désirs.
On comprend alors pourquoi la
tempérance et le dérèglement sont les deux seuls possibles de la vie humaine.
Socrate entre dans un.
»
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