Platon, Gorgias, 523b-523e, trad. M. Canto-Sperber, GF-Flammarion.
Publié le 19/03/2015
Extrait du document
Les hommes jugés nus
En effet, maintenant, les jugements sont mal rendus. La raison en est, expliqua-t-il, que les hommes qu' on doit juger se présentent tout enveloppés de leurs vêtements, puisqu'ils sont jugés alors qu'ils sont encore vivants. Or, nombreux sont les hommes [...] dont l'âme est mauvaise, mais qui viennent au juge, tout enveloppés de la beauté de leurs corps, des hommes qui font voir la noblesse de leur origine, leurs richesses, et qui font appel, quand l'heure du jugement est venue, à de nombreux témoins, lesquels parlent en leur faveur et déclarent qu'ils ont vécu une vie de justice. Donc, tout cela impressionne les juges, d'autant qu'ils sont eux aussi enveloppés des mêmes choses lorsqu'ils prononcent leurs jugements. Entre leur âme et celle de l'homme qu'ils jugent, ils ont des yeux, des oreilles et tout un corps dont ils sont enveloppés. Or c'est justement cela, tout ce qui enveloppe les juges et enveloppe les hommes qu'ils jugent, c'est cela qui fait obstacle. Il faut donc d'abord [...] que les hommes cessent de connaître à l'avance l'heure de leur mort. Car maintenant ils savent d'avance quand ils vont mourir. [...] Ensuite, il faut que les hommes soient jugés nus, dépouillés de tout ce qu'ils ont. C'est pourquoi on doit les juger morts. Et leur juge doit être également mort, rien qu'une âme qui regarde une âme. Que, dès le moment de sa mort, chacun soit séparé de ses proches, qu'il laisse sur la terre tout ce décorum — c'est le seul moyen pour que le jugement soit juste.
Platon, Gorgias, 523b-523e,
trad. M. Canto-Sperber, GF-Flammarion.
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